maladies professionnelles
Question de :
Mme Barbara Romagnan
Doubs (1re circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
Mme Barbara Romagnan alerte M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur les risques sanitaires causés par l'amiante. Comme il le lui rappelait dans un courrier, des avis scientifiques de 2009 ont révélé la toxicité de certaines fibres d'amiante jusque-là invisibles, mettant en évidence qu'une valeur limite d'exposition (VLEP) de 100 fibres par litre d'air était insuffisante, et qu'il convenait de la limiter à 10 fibres/l. L'honorable parlementaire a bien noté que la campagne expérimentale mise en place à partir de 2009 par les services du ministère du travail a permis d'adapter la méthode par microscopie électronique à transmission analytique (META) au milieu professionnel. Elle a bien noté par ailleurs qu'un avis de l'Institut national de recherche scientifique (INRS) faisait état de l'impossibilité d'abaisser immédiatement la VLEP à 10 fibres/l d'air. On comprend aisément que, pour des raisons techniques et matérielles, une telle démarche nécessite une période d'adaptation, à la fois pour le matériel de protection et les entreprises elles-mêmes. On comprend également qu'une période de transition soit nécessaire pour collecter des données à disposition des entreprises afin qu'elles ajustent leur évaluation des risques. Ainsi, le décret du 4 mai 2012 prévoit une période transitoire de trois ans pendant laquelle la VLEP est maintenue à 100 fibres/l d'air pour les personnels qui travaillent à son retrait, reportant donc à 2015 l'abaissement de la VLEP à 10 fibres/l d'air. Pourtant ces protocoles et ces périodes transitoires ne résolvent rien du risque pour la santé des personnels qui travaillent au retrait de l'amiante et qui y sont de fait exposés. La connaissance du risque sanitaire remonte maintenant à 2009 et a été confirmée depuis. Les périodes transitoires n'ont donc pas pour objet de confirmer la nocivité des fibres d'amiante mises en évidence par la méthode META. Concrètement, rien n'a été entrepris pour protéger les personnels concernés, au nom du principe de précaution. Or ces processus d'adaptation ne s'opposent en rien à ce que soient prononcés des moratoires sur les chantiers qui présentent un danger sanitaire, moratoires que le parti socialiste avait appelé de ses vœux en 2011. Au vu des risques sanitaires en jeu ici, on peine à se satisfaire de mesures dont la priorité n'est pas la protection des personnels. Elle aurait souhaité connaître sa position quant à l'opportunité de prononcer des moratoires pour les chantiers à risque.
Réponse en séance, et publiée le 4 décembre 2013
RISQUES SANITAIRES CAUSÉS PAR L'AMIANTE
M. le président. La parole est à Mme Barbara Romagnan, pour exposer sa question, n° 420, relative aux risques sanitaires causés par l'amiante.
Mme Barbara Romagnan. Monsieur le ministre, comme vous me l'avez rappelé dans un courrier récent, les avis scientifiques de 2009 concernant la toxicité de certaines fibres d'amiante qui, jusque-là, étaient invisibles, montraient que la valeur limite d'exposition professionnelle de cent fibres par litre d'air actuellement en vigueur était insuffisante, et qu'il convenait de la limiter à dix fibres par litre. J'ai bien noté la campagne expérimentale mise en place à partir de 2009 par les services du ministère du travail, permettant de rendre visibles ces fibres, ainsi que l'avis de l'Institut national de la recherche scientifique, l'INRS, faisant état de l'impossibilité d'abaisser dès maintenant la valeur limite d'exposition professionnelle à dix fibres par litre d'air.
Cela est facilement compréhensible, car il faut évidemment une période d'adaptation, à la fois pour le matériel de protection et pour les entreprises. Il faut également une période de transition pour permettre de collecter des données à disposition des entreprises afin qu'elles ajustent leur évaluation des risques. Ainsi, le décret du 4 mai 2012 prévoit une période transitoire de trois ans. Pourtant, il me semble que ces protocoles et ces périodes transitoires ne règlent pas la question du risque pour la santé des personnels qui travaillent au retrait de l'amiante, risque sanitaire dont la connaissance remonte maintenant à 2009 et qui a été confirmé depuis.
Je souhaite donc savoir ce qui a été entrepris pour protéger les salariés concernés. Pourquoi, par exemple, ne pas prononcer de moratoires pour les chantiers qui présentent un danger sanitaire, moratoires que le parti socialiste avait appelés de ses vœux en 2011 ?
D'autres questions s'ajoutent à mon sens à celle des moratoires. D'une part, pourquoi la nouvelle réglementation, celle du 4 mai 2012 à laquelle je faisais référence, ne prévoit-elle plus des mesures de niveau d'empoussièrement ou d'exposition des travailleurs dans la zone de travail sur tous les chantiers, comme cela était le cas auparavant, mais uniquement dans certains cas limités ? D'autre part, parmi les recommandations de l'INRS, il était conseillé de procéder à un repérage approfondi et systématique des matériaux d'amiante avant les travaux. Cette préconisation n'a pas été retenue alors qu'elle aurait sans doute permis d'éviter l'exposition de tous les travailleurs assurant la maintenance dans les bâtiments et les locaux ; j'ai notamment en tête l'exemple des salariés de maintenance du CHU de Besançon, mais d'autres salariés doivent être exposés aux poussières d'amiante sans le savoir. Je souhaite donc savoir, monsieur le ministre, ce que vous envisagez concernant la protection de ces salariés.
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la députée Romagnan, vous connaissez très bien le sujet et vous venez de décrire dans le détail les évolutions réglementaires et leurs difficultés d'application dans le temps. L'INRS a précisé en septembre 2011 qu'en l'état actuel des techniques et des connaissances, un abaissement de la valeur limite d'exposition professionnelle à dix fibres par litre ne peut être effectif immédiatement. Certains préalables déterminants, comme les facteurs de protection assignés des appareils de protection respiratoires, ne sont pas connus de façon suffisante.
Ces avis scientifiques ont donc conduit mon ministère à prévoir, vous y avez fait allusion, une période transitoire de trois ans à compter de l'entrée en vigueur du décret, période durant laquelle la valeur limite d'exposition professionnelle est maintenue à cent fibres par litre pour permettre à l'INRS de réaliser des mesures des facteurs de protection assignés des appareils de protection respiratoire aujourd'hui utilisés sur les chantiers de désamiantage. Cette opération constitue un préalable à la mise en œuvre intégrale des avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail de 2009, et nécessite au moins vingt-quatre mois à partir du moment où les protocoles d'essai et les autorisations administratives requises pour effectuer ces essais sont disponibles.
Cette période transitoire de trois ans permettra également aux organismes chargés des prélèvements et des analyses de se former à l'élaboration de la stratégie de prélèvement sur huit heures, avec l'appui de l'INRS, et de s'approprier la nouvelle méthode en milieu professionnel. Elle permettra en outre aux entreprises d'ajuster leur évaluation des risques suivant les situations mesurées par la nouvelle technique de mesure sur les chantiers, et de rechercher les meilleurs moyens de prévention disponibles. J'ajoute que c'est aussi le temps qu'il faut aux fabricants de matériels pour innover en matière de protection collective et individuelle.
Le Conseil d'État, saisi sur ce point, a jugé cette période de transition conforme aux obligations qui incombent aux autorités publiques chargées de la prévention des risques professionnels de prendre les mesures appropriées pour limiter et si possible éliminer les dangers que peuvent courir les travailleurs dans le cadre de leur activité professionnelle.
Avec le décret du 4 mai 2012, la réglementation française en matière de prévention des risques d'exposition à l'amiante est aujourd'hui, et c'est tant mieux, la plus exigeante au sein de l’Union européenne.
Enfin, au cours de la dernière période, plusieurs textes d'application ont été pris pour mettre en œuvre les mesures de prévention. Ainsi, la démarche de certification des entreprises a pour effet d'améliorer leur maîtrise technique sur le plan de la prévention des risques professionnels et d'éviter les pollutions et l'exposition du public. En outre, le dispositif de formation des travailleurs susceptibles d'être exposés à l'amiante a été renforcé par l'arrêté du 23 février 2012. Enfin, les moyens de prévention collective et les équipements de protection individuelle ont été définis en fonction de trois niveaux d'empoussièrement par les arrêtés du 7 mars 2013 et du 8 avril 2013.
Ces mesures, madame la députée, renforcent la prévention contre les risques liés à l'amiante en matière de santé des travailleurs, mais également en matière de santé publique. Elles permettront, dans le délai de trois ans, de mettre en œuvre la nouvelle réglementation dans les meilleures conditions possibles.
Auteur : Mme Barbara Romagnan
Type de question : Question orale
Rubrique : Risques professionnels
Ministère interrogé : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Ministère répondant : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 novembre 2013