Question orale n° 423 :
enseignants

14e Législature

Question de : Mme Élisabeth Guigou
Seine-Saint-Denis (6e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

Mme Élisabeth Guigou interroge M. le ministre de l'éducation nationale sur les difficiles conditions de travail et de vie des enseignants en Seine-Saint-Denis, particulièrement dans les établissements d'éducation prioritaire. D'une manière générale, ces difficultés ont une conséquence à la fois sur le recrutement de nouveaux enseignants, mais aussi sur le temps passé sur le territoire. Assouplir les règles concernant le recrutement et la mobilité des enseignants relève de la nécessité pour la Seine-Saint-Denis. Conjuguée aux autres mesures menées afin d'améliorer les conditions de travail, elle pourrait à terme faciliter le maintien et la stabilité des équipes enseignantes en renforçant l'attractivité du territoire. Elle l'interroge sur les mesures qu'il envisage de prendre afin de répondre à cette problématique.

Réponse en séance, et publiée le 4 décembre 2013

CONDITIONS DE TRAVAIL ET DE VIE DES ENSEIGNANTS EN SEINE-SAINT-DENIS
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Guigou, pour exposer sa question, n°  423, relative aux conditions de travail et de vie des enseignants en Seine-Saint-Denis.

Mme Élisabeth Guigou. Mesdames les ministres, en l'absence de M. Vincent Peillon, c'est à vous que j'adresse cette question. En Seine-Saint-Denis, la rentrée de septembre s'est bien passée, car nous avons pu compter sur la création de 150 postes supplémentaires, dont soixante pour reconstituer le vivier de remplaçants détruit par les suppressions de postes successives décidées par les gouvernements précédents. Je remercie vivement M. le ministre de l'éducation : grâce à ce renfort, cette rentrée a heureusement contrasté avec les rentrées précédentes.

Toutefois, les conditions de travail et de vie des enseignants en Seine-Saint-Denis restent difficiles, particulièrement dans les établissements d'éducation prioritaire. Différents facteurs y concourent : la concentration de la pauvreté et des difficultés sociales, le niveau plus élevé d'échec scolaire, la violence qui parfois se fait jour au sein des établissements, et pour les enseignants, la nécessité d'accompagner des familles et des élèves en grande difficulté. Ces difficultés font que chaque année, environ 25 % des enseignants souhaitent quitter le département. Seuls 6 % à 8 % de ces enseignants obtiennent satisfaction, contre 20 % au niveau national. La proportion d'enseignants originaires du département est faible et l'absentéisme y est plus élevé. Le désarroi des enseignants est amplifié par l'impression de manquer de perspectives. Les demandes de temps partiel, de détachement ou de mise en disponibilité semblent plus difficiles à obtenir ici qu'ailleurs.

Pour répondre à ces difficultés et encourager les enseignants qui restent plus longtemps sur ce territoire, il me semble nécessaire de prendre des mesures spécifiques pour la Seine-Saint-Denis. La formation permanente devrait être renforcée. L'emploi du temps des nouveaux professeurs des établissements d'éducation prioritaire devrait être aménagé pour leur laisser plus de temps de préparation de cours, d'observation et d'échange avec leurs collègues. C'est d'ailleurs ce que préconise le rapport PISA de l'OCDE, rendu public aujourd'hui. Il devrait être possible de mieux prendre en compte l'ancienneté dans ces secteurs difficiles par l'attribution d'une bonification indiciaire suffisamment conséquente au-delà de 15 ans d'enseignement en Seine-Saint-Denis, ou bien par le recours à des points permutations au-delà de 10 ans d'exercice. L'amélioration du régime indemnitaire mérite aussi d'être envisagée : une revalorisation de l'avantage spécifique d'ancienneté, une indemnité de sujétion géographique sont aussi envisageables.

Toutes ces propositions n'ont qu'un objectif : répondre aux exigences spécifiques de l'enseignement dans nos territoires. Au moment où M. le ministre de l'éducation nationale engage la réflexion sur la réforme du métier d'enseignant, ces mesures pourraient, à terme, faciliter le maintien et la stabilité des équipes enseignantes en renforçant l'attractivité du territoire de la Seine-Saint-Denis. Quelles mesures M. le ministre de l'éducation envisage-t-il de prendre pour soutenir les enseignants de notre département ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le président, madame la ministre, M. Peillon reçoit justement, en ce moment, les résultats de l'étude PISA que vous venez de mentionner. M. le ministre de l'éducation et tout le Gouvernement partagent votre inquiétude à propos du classement de la France. Plus précisément, ce n'est pas tant le classement qui nous inquiète, que les fortes inégalités entre les jeunes de ce pays. Nous sommes parfaitement conscients que la Seine-Saint-Denis, et plus généralement l'académie de Créteil, a particulièrement souffert de l'approche comptable que vous aussi, vous reprochez à la précédente majorité. Le ministre a souhaité restaurer la confiance de chacun en réalisant un premier effort pour que la rentrée scolaire s'effectue dans de bonnes conditions : vous l'avez dit. Vingt-trois postes d'enseignants, six conseillers principaux d'éducation et soixante-huit assistants d'éducation supplémentaires – dont dix-huit postes dans le premier degré – issus des listes complémentaires ont été attribués à votre département. Vous l'avez vous-même rappelé.

Mais il faut parler aussi des rentrées à venir. L'académie de Créteil a été dotée de 405 postes supplémentaires pour l'enseignement public du premier degré et de 430 postes pour le second degré. Cela devrait lui donner, passez-moi l'expression, un peu d'oxygène. En effet, sur les 405 postes affectés au premier degré, près de 120 ont été affectés aux remplacements, alors que 219 postes accompagnent l'évolution démographique du territoire, que trente postes sont consacrés à l'accueil des enfants de moins de trois ans, et que trente et un postes correspondent au dispositif « plus de maîtres que de classes ».

S'agissant plus particulièrement des postes d'enseignant ouverts aux concours, 400 candidats ont été admis en 2012, et 488 – sur 575 postes ouverts – en 2013 pour le département de la Seine-Saint-Denis. Une vraie question se pose. D'une manière plus générale, vous avez raison de poser la question du recrutement des nouveaux enseignants. Il est nécessaire d'en élargir le vivier. C'est pourquoi nous avons mis en place le dispositif « emplois d'avenir professeur ». Vous savez que cela n'a pas été simple ! Ce programme, lancé dès février dernier, doit permettre de recruter, d'ici 2015, 18 000 personnes sur ce type de postes. Il a été engagé en collaboration avec le Premier ministre, afin de faciliter l'insertion professionnelle des jeunes dans les métiers du professorat.

Au-delà de ces apports, nous devons donc nous interroger, avec vous, sur les missions des personnels enseignants. C'est là un point central de votre interrogation, qui détermine en effet les capacités de recrutement, la stabilité des équipes éducatives, dont vous avez parlé, ou encore leur évolution en termes de formation continue. Une réflexion est en cours avec les représentants des personnels. Elle porte sur les modalités d'exercice du métier, les obligations de service et l'évaluation des enseignants, ainsi que sur les questions de rémunération et de carrière.

Le sujet des conditions de travail dans les zones d'éducation prioritaires a été abordé spécifiquement lors des assises académiques et inter-académiques de l'éducation prioritaire. M. le ministre de l'éducation tient à vous informer que le ministère de l'éducation dans son ensemble souhaite alléger les obligations réglementaires des enseignants exerçant au sein des établissements les plus sensibles. C'est bien là le sens de votre question, même si cette réponse n'est peut-être pas tout à fait celle que vous attendiez. Cette mesure a vocation à être étendue à toutes les écoles appartenant aux réseaux d'éducation prioritaire considérées comme les plus sensibles, au même titre que les collèges. Cet allégement permettrait de renforcer le temps consacré au travail d'équipe, d'améliorer le suivi des élèves et d'approfondir les relations avec les parents. Ce dernier point est crucial.

Bien sûr, les modalités d'application de cette mesure seront définies en lien avec les organisations syndicales représentatives, pour permettre aux enseignants d'assurer au mieux leurs missions, et créer des conditions favorables à la réussite de tous les élèves. J'ajoute, en tant que ministre de la fonction publique, qu'un certain nombre de difficultés doivent être levées avec les organisations syndicales. Il s'agit particulièrement des inégalités que nous voudrions mettre en place : il s'agirait d'inégalités géographiques, déterminées par rapport aux statuts et aux filières dont je viens de parler. Le ministre de l'éducation nationale et moi-même nous impliquerons pour trouver des réponses, je vous l'assure. Il ne faut pas s'arrêter à une vision restrictive du beau principe d'égalité des droits sur tous les territoires, fondement de notre République : nous devons prendre en compte les situations les plus compliquées. Il faut être inégalitaire, disait un grand président de la République que nous avons connu toutes deux en 1981 !

Données clés

Auteur : Mme Élisabeth Guigou

Type de question : Question orale

Rubrique : Enseignement : personnel

Ministère interrogé : Éducation nationale

Ministère répondant : Éducation nationale

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 novembre 2013

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