Question orale n° 468 :
travail à temps partiel

14e Législature

Question de : M. Yves Nicolin
Loire (5e circonscription) - Les Républicains

M. Yves Nicolin interroge M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur la situation délicate des structures employant des salariés à temps très partiel du fait de leur volume d'activité ou de la nature des activités pratiquées et qui ne pourront pas assumer une augmentation de leur masse salariale pour se conformer aux dispositions de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi. L'article 8 de cette loi qui devait entrer en vigueur le 1er janvier 2014 instaure une durée minimale de travail du salarié de 24 heures par semaine. Cependant, certaines structures ont par nature un volume d'activité réduit comme l'ISBA santé prévention, association de loi 1901 dont la majeure partie de ses activités - prélèvements sanguins, examens de santé - s'effectue à jeun le matin. Le recours au temps très partiel est donc incontournable pour ce type d'association. Dès lors il est inévitable que ces nouvelles dispositions représentent une vraie menace pour la viabilité de tels établissements pourtant créateurs d'emplois. Dans ce contexte, il lui demande de prévoir des modalités dérogatoires par accord au niveau des structures elles-mêmes afin de soutenir les établissements non couverts par des accords de branche et qui se trouvent sans solution tels que ces centres de santé.

Réponse en séance, et publiée le 29 janvier 2014

CONSÉQUENCES DE L'INSTAURATION D'UNE DURÉE MINIMALE DU TRAVAIL POUR CERTAINS CENTRES DE SANTÉ
M. le président. La parole est à M. Yves Nicolin, pour exposer sa question, n°  468, relative aux conséquences de l'instauration d'une durée minimale du travail pour certains centres de santé.

M. Yves Nicolin. Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. La loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi apparaît hélas comme une loi dogmatique qui dessert les objectifs qu'elle s'est fixés. Je citerai en guise d'exemple les instituts de santé et de prévention, auxquels nous faisons, les uns et les autres, régulièrement appel pour permettre à la Sécurité sociale de faire des économies.

Nous avons la chance d'avoir au centre de notre pays un tel institut, dénommé ISBA, qui regroupe des centres de santé et de prévention situés à Chalon-sur-Saône, à Clermont-Ferrand, à Grenoble, à Lyon, à Montluçon, à Moulins, à Guéret et, bien entendu, à Roanne où se trouve le siège de l'institut.

L'ISBA emploie 128 salariés en contrat à durée indéterminée, dont 58 % ont un contrat à temps partiel inférieur à 24 heures. Or, pour toute embauche à compter du 1er janvier de cette année, la loi précitée oblige les contrats à temps partiel à porter sur une durée minimale de 24 heures et, dans les années qui viennent, cette règle deviendra rétroactive.

Quelles en seront les conséquences pour un institut de soins qui ne reçoit par définition les patients que le matin, puisque ceux-ci doivent être à jeun ? Le passage de l'ensemble des contrats à une durée minimale de 24 heures aurait pour conséquence d'augmenter la masse salariale annuelle de 2,654 millions d'euros, pour un chiffre d'affaires ne dépassant pas 4,739 millions. Autrement dit, cette augmentation représentera dix fois le résultat obtenu en 2012 ! Il va de soi qu'une telle situation ne manquera pas de contraindre cette structure, certes associative mais qui emploie 128 personnes, à déposer le bilan.

Sans dérogation, 68 emplois sont immédiatement concernés à Montluçon, à Roanne, à Moulins, à Clermont-Ferrand et à Chalon-sur-Saône. Or, les dérogations, qu'elles soient prévues dans la loi pour des cas individuels ou par des accords de branche, ne concernent pas ce type d'associations. Aussi, je demande à M. le ministre quelle solution il envisage d'apporter non seulement à cet établissement, mais à nombre d'autres structures risquant de se retrouver confrontées à cette loi couperet qui, voulant faire le bien, fera beaucoup de mal ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la famille.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Permettez-moi d'abord, monsieur le député, d'excuser M. le ministre du travail, qui est en déplacement avec le Premier ministre. Vous interrogez le Gouvernement sur les inquiétudes éprouvées dans certaines structures concernant l'application de la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, qui réforme notamment la réglementation du travail à temps partiel afin d'améliorer la situation des salariés employés dans le cadre de contrats inférieurs au temps complet, et de limiter ainsi le temps partiel subi. Elle impose une obligation de négocier dans les branches professionnelles qui recourent structurellement au temps partiel, afin de renforcer le rôle des partenaires sociaux dans l'organisation des modalités d'exercice de ce temps partiel. Ces dispositions procèdent de l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, signé par les représentants des employeurs et par la majorité de représentants des salariés.

C'est par la négociation de branche que les employeurs trouveront les bons réglages pour limiter le recours aux temps partiels très émiettés, tout en profitant des exceptions autorisées par la loi. Ainsi, le législateur a prévu qu'une durée inférieure à vingt-quatre heures pourra être fixée par convention ou accord de branche étendu s'ils comportent des garanties quant à la mise en œuvre d'horaires réguliers ou permettant au salarié de cumuler plusieurs activités.

Afin de donner un délai supplémentaire aux branches pour mettre en œuvre ces nouvelles dispositions et leur permettre de négocier dans les meilleures conditions, le projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale, présenté le 22 janvier dernier en conseil des ministres et dont votre Assemblée débattra dans quelques jours, comporte une disposition qui repousse de quelques mois l'application de ce point particulier de la loi relative à la sécurisation de l'emploi. Enfin, je vous rappelle qu'il demeure en tout état de cause possible de déroger à la règle des 24 heures en cas d'accord écrit du salarié.

M. le président. La parole est à M. Yves Nicolin.

M. Yves Nicolin. Je comprends l'absence du ministre, mais je n'accepte pas l'incompétence de son cabinet.

Vous me faites une réponse en me disant ce que permettent les accords de branche. Je viens de vous expliquer, madame, que ce type de structure ne relève d'aucune branche. Elles ne peuvent pas se référer à un accord de branche et c'est donc dans une impasse que nous nous trouvons. Il y a, nous le savons, nous sommes législateurs et nous avons examiné ce texte, des possibilités d'accord de branche, comme il y a la possibilité d'un refus écrit du salarié. Mais lorsque ni l'un, ni l'autre ne sont possibles, que se passe-t-il ? En l'occurrence, c'est la fermeture de ces structures et le licenciement des 128 salariés qui vont arriver. Alors, je vous en conjure, madame le ministre : vous n'êtes pas en cause, vous ne faites que lire la note qui vous a été transmise par un cabinet malheureusement, sur ce point, incompétent, mais je vous en prie, dites-leur qu'ils doivent nous faire des réponses adaptées aux questions que nous leur posons !

Données clés

Auteur : M. Yves Nicolin

Type de question : Question orale

Rubrique : Travail

Ministère interrogé : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social

Ministère répondant : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 janvier 2014

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