Question orale n° 485 :
gestion

14e Législature

Question de : M. William Dumas
Gard (5e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

M. William Dumas attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sur la problématique des prélèvements en eau sur certains bassins versants. La directive-cadre sur l'eau (DCE) de 2000 a fixé pour objectif, aux États membres, de maintenir ou recouvrer un bon état des milieux aquatiques d'ici à 2015 avec obligations de résultats. Afin de mener à bien ces objectifs, la DCE préconise la mise en place des plans de gestion. Le SDAGE 2010-2015 qui « porte » ces plans de gestion précise dans son orientation fondamentale la nécessité d'atteindre l'équilibre quantitatif en améliorant le partage de la ressource en eau en anticipant l'avenir. Cet état des lieux des masses d'eau a conduit à la caractérisation de certaines d'entre elles comme étant en déséquilibre quantitatif. C'est pourquoi des ZRE ont été définis par arrêté préfectoral. Afin de répondre aux objectifs de la DCE, des études de détermination des volumes prélevables ont été mis en place (EVP). La ligne naturelle des cours d'eau a disparu au profit de la ligne de prélèvement. Ceci conduit à des conclusions de l'étude qui aboutissent à des réductions de prélèvements allant jusqu'à 100 % en été sur certains sous-bassins. En même temps, il est demandé aux collectivités d'entreprendre des travaux sur leurs réseaux ; l'eau potable étant prioritaire, ces efforts sont principalement demandés à l'agriculture. C'est pourquoi, au vu des résultats des études sur certains bassins versants, résultats conduisant à des illogismes forts, il est plus que certain que l'agriculture, et surtout biologique et à circuit court (alors qu'elle est l'un des objectifs prioritaires de notre politique agricole) disparaîtra de ces bassins versants. En conséquence, il lui demande quelles peuvent être les mesures prises pour modifier la méthode utilisée dans le cadre de ces études sur certains bassins versants.

Réponse en séance, et publiée le 31 janvier 2014

PRÉLÈVEMENTS EN EAU SUR CERTAINS BASSINS VERSANTS
Mme la présidente. La parole est à M. William Dumas, pour exposer sa question, n°  485, relative aux prélèvements en eau sur certains bassins versants.

M. William Dumas. La directive-cadre sur l'eau du 23 octobre 2000 a fixé l'objectif, assorti d'une obligation de résultat, du maintien ou du recouvrement d'un bon état des milieux aquatiques avant 2015. Le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux – SDAGE – souligne la nécessité d'atteindre l'équilibre quantitatif en améliorant le partage de la ressource en eau. L'état des lieux des masses d'eau a révélé que certaines d'entre elles sont en déséquilibre quantitatif. C'est pourquoi des zones de répartition des eaux – ZRE – ont été définies par arrêté préfectoral. Le département du Gard en compte trois : l'amont du bassin versant de la Cèze, celui du Gardon et celui du Vidourle. Des études de détermination des volumes prélevables y ont été mises en place. Les professionnels agricoles souhaitent s'inscrire dans ce cadre mais s'interrogent sur les conclusions des études portant sur leurs bassins versants.

En effet, la méthode de calcul utilisée aboutit à un paradoxe selon lequel un cours d'eau ne faisant l'objet d'aucun prélèvement peut présenter un débit inférieur à ce que la réglementation impose. En outre, les niveaux de réduction des prélèvements exigés sont parfois irréalistes et menacent l'existence même d'exploitations agricoles de certains versants. Face à ces incohérences, il est primordial que les services de l'État ne considèrent pas les résultats comme des objectifs à atteindre mais plutôt comme une base de discussion en vue de l'élaboration des plans de gestion concertés de la ressource. Il est donc primordial d'accompagner l'activité agricole dans sa mutation vers des pratiques d'irrigation optimisées induisant des prélèvements moins importants.

Pour ce faire, plusieurs propositions doivent être inscrites dans le programme de développement régional agricole du Languedoc-Roussillon. La première, et non la moindre, est la nécessité de tenir compte de la spécificité méditerranéenne et de la saisonnalité dans la méthode utilisée pour les études : forte pluviométrie en hiver et périodes de sécheresse en été. Cet axe doit être défendu au niveau européen pour permettre une adaptation de la loi et ainsi favoriser la mise en place de solutions, par exemple la création de bassin de stockage, ou les investissements pour du matériel d'irrigation à la parcelle performant. Ces issues permettront d'accompagner la loi tout en enrayant la disparition d'une agriculture active et dynamique favorisant les circuits courts sur de nombreux bassins versants, notamment sur celui de la Cèze, où bon nombre d'agriculteurs s'inquiètent des incohérences de la loi.

Ce problème doit aussi trouver sa réponse dans la constitution d'organismes uniques de gestion collective. La loi confie à ses organismes la répartition de la ressource allouée à l'agriculture auprès des irrigants. Il est indispensable de donner une plus grande dimension à ces organismes afin qu'ils puissent être aussi des porteurs de projets. C'est pourquoi, monsieur le ministre, au vu des différentes solutions qui nous sont proposées pour améliorer la gestion quantitative de l'eau sur certains bassins, je souhaite que ces solutions puissent trouver un écho au niveau de l'Europe et je vous demande quelles sont vos intentions à leur égard.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le député, je vous prie de bien vouloir excuser Philippe Martin, qui rencontre actuellement la commissaire européenne en charge du climat. L'eau, bien commun de l'humanité, est une ressource rare et précieuse. La gestion équilibrée de cette ressource est, vous le savez, d'autant plus importante dans le contexte de changement climatique que nous traversons. Les projections prévoient une diminution des débits d'étiage pouvant aller jusqu'à moins 50 % en période estivale. Déjà à l'heure actuelle, comme vous le soulignez fort justement, certains territoires sont en déficit chronique d'eau. Il est donc important d'agir dès maintenant pour anticiper les changements à venir, limiter les conflits d'usage et la détérioration de l'état écologique des milieux aquatiques.

La solution pérenne consiste à mettre en œuvre une gestion quantitative de la ressource en eau reposant sur une approche globale par bassin versant, en tenant compte de l'ensemble des usages : il faut adapter les prélèvements à la disponibilité de la ressource. Dans tous les bassins en déficit quantitatif, il a donc été demandé aux préfets de déterminer le volume prélevable des cours d'eau ne remettant pas en cause le bon fonctionnement des milieux aquatiques. Ce volume préalable plafonnera les futures autorisations de prélèvements.

Dans le bassin Rhône-Méditerranée, 70 études d'évaluation des volumes prélevables globaux ont ainsi été engagées. Elles portent sur les territoires identifiés en déséquilibres quantitatifs dans le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux. Cette phase technique d'acquisition des connaissances et de diagnostic constitue une étape préalable, essentielle pour appréhender les enjeux locaux.

Toutefois, ces études ne constituent pas une fin en soi, mais un fondement technique. À partir de ces études devront être élaborés des scénarios de gestion, afin de garantir une répartition équilibrée du volume prélevable global entre les différents usages. Les scénarios devront tenir compte des enjeux sociaux et économiques. Cette gestion équilibrée correspond, en effet, à la notion de « projets de territoire », inscrite dans la feuille de route « eau » de la conférence environnementale. L'objectif de ces projets de territoire est de conjuguer sécurisation à court terme et gestion à long terme de la ressource en eau.

Soyez assuré, monsieur le député, qu'ils associeront l'ensemble des acteurs concernés : les agriculteurs, les collectivités, les industriels et les représentants de la société civile.

Mme la présidente. La parole est à M. William Dumas.

M. William Dumas. Je vous remercie pour votre réponse, monsieur le ministre. Je me félicite de constater que vous considérez que les études ne seront pas une fin en soi, car c'est bien ainsi que l'entendent les agriculteurs exerçant leur activité sur les bassins versants que j'ai évoqués, ces territoires des Cévennes souvent fragiles. La réponse que vous m'avez donnée va nous permettre de réunir tout le monde autour d'une table afin de discuter sereinement.

Données clés

Auteur : M. William Dumas

Type de question : Question orale

Rubrique : Eau

Ministère interrogé : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Ministère répondant : Écologie, développement durable et énergie

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 janvier 2014

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