Question orale n° 518 :
matériels

14e Législature

Question de : Mme Émilienne Poumirol
Haute-Garonne (10e circonscription) - Socialiste, républicain et citoyen

Mme Émilienne Poumirol attire l'attention de M. le ministre du redressement productif sur la situation sociale d'Astrium, division spatiale du groupe EADS. Avec 6 milliards d'euros de chiffre d'affaires et 18 900 employés, présents essentiellement en France et en Europe, Astrium s'est imposé comme le leader européen - et deuxième mondial - du spatial. La signature en janvier 2014 d'un contrat de 300 millions d'euros avec la direction générale de l'armement (DGA), ou encore la commande en décembre 2013 de 18 lanceurs Ariane 5 supplémentaires pour 2 milliards d'euros, viennent confirmer la bonne santé de l'entreprise, sur fond d'un marché européen et mondial en croissance. Cependant, devant ce qui apparaissait comme une situation des plus enviables, le groupe EADS a fait part de son projet, dans le cadre de la fusion des activités spatiales (Astrium) et défense (Cassidian), d'augmenter l'objectif de rentabilité opérationnelle de 10 % dès 2015 - soit le double de celle de 2012 -, tout en réduisant les effectifs d'Astrium de 1 070 emplois en France. Les salariés d'Astrium n'expliquent pas ces décisions : alors que les carnets de commandes sont pleins et que la profitabilité de l'entreprise est bonne (environ 6,5 %), l'annonce a suscité la stupeur et l'incompréhension. À Toulouse, premier site en termes d'emplois, ce sont entre 400 et 500 postes qui seraient menacées, soit 13 %. L'entreprise ne semble pourtant pas avoir de problème de plan de charge. De plus, le taux de rentabilité annoncé semblerait extrêmement optimiste pour une entreprise qui est maître d'oeuvre en Europe, avantage qu'il faut par ailleurs conserver. Les salariés ne comprennent pas les sacrifices qui risquent de leur être imposés alors même qu'ils contribuent chaque jour à faire d'Astrium une grande entreprise de haute technologie dont la France et l'Europe ont besoin dans la bataille pour une croissance de long terme. Elle lui demande donc la position du ministère sur ce sujet.

Réponse en séance, et publiée le 12 février 2014

SITUATION SOCIALE D'ASTRIUM
Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour exposer sa question, n°  518, relative à la situation sociale d'Astrium.

Mme Émilienne Poumirol. Ma question s'adresse également à M. le ministre du redressement productif, et j'y associe mes collègues de Haute-Garonne, Mmes Martine Martinel, Françoise Imbert et Catherine Lemorton, ainsi que M. Christophe Borgel. Elle porte sur la situation sociale d'Astrium.

Avec six milliards d'euros de chiffre d'affaires et 18 900 employés présents, pour la plupart, en France et en Europe, Astrium s'est imposé comme le leader européen – et le deuxième groupe au monde – dans le domaine spatial. La signature, en janvier 2014, d'un contrat de 300 millions d'euros avec la direction générale de l'armement ou encore la commande toute récente, en décembre 2013, de dix-huit lanceurs Ariane supplémentaires pour un montant de deux milliards d'euros, confirment la bonne santé de l'entreprise, sur fond d'un marché européen et mondial en croissance. Cependant, devant ce qui apparaissait comme une situation des plus enviables, Airbus Group a fait part de son projet, dans le cadre de la fusion de ses activités spatiales – Astrium – et de défense – Cassidian –, d'augmenter l'objectif de rentabilité opérationnelle à 10 % dès 2015, soit le double de celle de 2012, tout en réduisant les effectifs d'Astrium de 1 070 emplois en France. Chez Astrium Toulouse, 400 emplois seraient menacés, sans compter les dégâts subséquents dans le réseau de sous-traitance.

Les salariés d'Astrium ne s'expliquent pas ces décisions : alors que les carnets de commandes sont pleins et que la profitabilité de l'entreprise est bonne, puisqu'elle a atteint 6,5 % l'an dernier, l'annonce a suscité la stupeur et l'incompréhension. Depuis cinq ans, Astrium est la seule société du groupe Airbus à dépasser le seuil de 5 % de rentabilité opérationnelle.

Depuis cinquante ans, la puissance spatiale européenne a été créée et soutenue par la puissance publique et par des fonds publics. Astrium est aujourd'hui le résultat de cette volonté. En ce sens, c'est un symbole fort, et il est difficile d'accepter que cette logique disparaisse. Le risque est grand que l'indépendance industrielle de l'Europe dans le domaine spatial soit mise à mal, alors qu'il s'agit d'un enjeu stratégique majeur.

Les salariés ne comprennent donc pas les sacrifices qui risquent de leur être imposés, alors même qu'ils contribuent jour après jour à faire d'Astrium un leader de la haute technologie dont la France et l'Europe ont besoin dans la bataille pour une croissance à long terme.

Airbus Group justifie ce plan de restructuration par la baisse des budgets de défense. Pourtant, Astrium ne relève pas de ce secteur. Cette société ne serait donc que la victime collatérale de la fusion entre Cassidian et Airbus Military. Plus grave encore pour l'avenir industriel de notre pays : Airbus Group envisagerait un gel de la recherche et du développement concernant un nouvel avion à court et moyen terme, induisant particulièrement des conséquences sur l'emploi des jeunes qui, aujourd'hui déjà, ne parviennent plus à obtenir des stages dans l'entreprise Airbus.

Ainsi, ce projet d'Airbus Group est tout à la fois économiquement injustifié, industriellement dangereux et socialement incompréhensible. Rappelons tout de même que l'État français possède 12 % du capital de ce groupe ! Pour toutes ces raisons, je souhaite avoir confirmation de la vigilance de l'État sur ce dossier.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l'autonomie.

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l'autonomie. Comme vous le soulignez, à travers sa division Astrium, Airbus Group constitue l'un des leaders mondiaux et européens dans le domaine spatial. Il est notamment le maître d'œuvre des lanceurs Ariane 5 qui donnent à l'Europe un accès indépendant à l'espace. Les savoir-faire d'Astrium dans la fabrication des satellites ne sont plus à démontrer. Cette division a aujourd'hui une activité satisfaisante et contribue positivement aux résultats du groupe.

Toutefois, il est du devoir des dirigeants d'Airbus Group – particulièrement dans une période favorable comme la période actuelle – de s'interroger sur l'évolution de ses activités à moyen terme. Airbus Group a fait le diagnostic de la nécessité de réorganiser ses activités spatiales et de défense afin de pérenniser leur réussite. C'est le sens de leur regroupement dans la nouvelle division Airbus Défense et Espace.

En effet, le carnet de commandes d'Astrium représente un peu plus de deux ans de chiffre d'affaires. Il est primordial pour Astrium de gagner régulièrement des contrats, en particulier à l'exportation. Face à l'accroissement de la concurrence internationale, il est donc nécessaire qu'Astrium gagne en compétitivité. Cela est vrai pour l'export de satellites, mais aussi pour que le futur lanceur Ariane soit compétitif face à de nouveaux concurrents comme l'américain SpaceX.

C'est lorsque l'entreprise va bien qu'il faut prendre les décisions permettant de sécuriser son avenir à moyen terme. Dans le même temps, le groupe embauchera dans les autres divisions du groupe – Airbus et Airbus Helicopters – dont la production est en croissance. Globalement, l'entreprise créera plus d'emplois qu'elle n'en supprimera.

Bien entendu, il est nécessaire qu'Airbus Group se donne les moyens d'accompagner de manière satisfaisante les réductions de postes prévues. Le groupe en a les moyens : des reclassements vers les autres divisions du groupe – Airbus et Airbus Helicopters –, des départs volontaires et une négociation constructive entre les dirigeants de l'entreprise et les organisations syndicales peuvent permettre d'éviter tout licenciement sec. C'est l'objectif que chacun doit se donner.

En tant qu'actionnaire et client d'Astrium, l'État souhaite avant tout la réussite et le développement de l'entreprise. Aujourd'hui, cela passe par des embauches dans les divisions Airbus et Airbus Helicopters et des réductions de postes dans la division Airbus Défense et Espace. L'activité spatiale d'Airbus Group pourra ainsi gagner en compétitivité, remporter des marchés et – c'est le souhait d'Arnaud Montebourg – embaucher de nouveau lorsque ces gains de compétitivité lui auront permis de consolider et d'accroître son activité.

Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour une brève intervention.

Mme Émilienne Poumirol. J'entends que le groupe Airbus va bien et qu'Astrium est une branche particulièrement brillante, mais j'ai un peu de mal à comprendre que le regroupement entre la partie défense et la partie spatiale puisse se faire aux dépens de cette dernière, qui est précisément la plus en pointe.

J'aimerais pouvoir discuter à nouveau de ce problème avec M. le ministre du redressement productif.

Données clés

Auteur : Mme Émilienne Poumirol

Type de question : Question orale

Rubrique : Défense

Ministère interrogé : Redressement productif

Ministère répondant : Redressement productif

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 février 2014

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