établissements
Question de :
Mme Linda Gourjade
Tarn (3e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
Mme Linda Gourjade interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation des établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM) en France et porte particulièrement son attention sur l'EPM de Lavaur. Lancé en 2002 dans le cadre de la loi Perben, l'établissement pénitentiaire pour mineurs de Lavaur est l'un des 7 EPM réalisés en France. Mis en service le 11 juin 2007, il est conçu spécifiquement pour l'accueil de 60 jeunes détenus, âgés de 13 à 18 ans. Depuis son ouverture de nombreux incidents graves se sont produits : évasions, agressions de surveillants, dégradations et tensions avec le personnel. Malgré des travaux de sécurisation de l'établissement, ces violences perdurent. Compte tenu de la faiblesse des résultats obtenus par ce type d'établissement et de leur coût, elle croit nécessaire qu'une nouvelle réflexion s'engage sur l'avenir de cette approche carcérale pour mineur. Elle demande quel bilan elle fait des résultats de l'activité des EPM et si elle envisage de faire évoluer ce dispositif d'incarcération pour mineurs.
Réponse en séance, et publiée le 26 février 2014
BILAN DES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES POUR MINEURS
Mme la présidente. La parole est à Mme Linda Gourjade, pour exposer sa question, n° 547, relative au bilan des établissements pénitentiaires pour mineurs.
Mme Linda Gourjade. Monsieur le ministre du redressement productif, ma question vise à appeler l'attention du Gouvernement sur la situation des établissements pénitentiaires pour mineurs et tout particulièrement celui de Lavaur situé dans ma circonscription.
La loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 dite « loi Perben » a permis la réalisation de sept EPM sur l'ensemble du territoire français, chacun pouvant accueillir jusqu'à soixante jeunes détenus, dès l'âge de treize ans. Créés pour renforcer le dispositif d'accueil des mineurs délinquants et respecter les règles pénitentiaires européennes comme la stricte séparation des majeurs et des mineurs, ces nouveaux établissements devaient remplacer à terme les quartiers pour mineurs des centres de détention.
Aujourd'hui, cet objectif n'a toujours pas été atteint : deux tiers des mineurs sont incarcérés en quartier pour mineurs contre seulement un tiers en EPM, alors même que le taux d'occupation de ces structures n'est que de 67 %. La diminution du nombre de mineurs dans les centres de privation de liberté ces dix dernières années est principalement liée à l'accueil en centre éducatif fermé, qui constitue toujours une alternative à l'incarcération.
Dans les EPM, les mineurs vivent dans des unités de douze places. Outre une prise en charge quotidienne assurée au long d'une journée de dix heures par un binôme constitué d'un éducateur et d'un surveillant, ils bénéficient d'une prise en charge plus globale axée sur les activités socio-éducatives, l'enseignement et la santé.
J'ai rencontré dernièrement la direction de l'EPM de Lavaur, des représentants de la protection judiciaire de la jeunesse et l'ensemble des syndicats des personnels. Depuis l'ouverture de cet établissement en juin 2007, de nombreux incidents graves se sont produits : évasions, agressions de surveillants, dégradations… Des travaux de sécurisation ont permis de diminuer les agressions mais leur nombre est encore trop élevé. Même si les moyens mis à disposition sont importants – 44 agents de la PJJ, 57 agents de l'administration pénitentiaire, 7 enseignants, du personnel soignant et 13 agents d'entretien – le taux de récidive reste élevé, avec plus d'un tiers des détenus concernés.
Il est aussi constaté que l'orientation des mineurs n'est pas toujours liée à leurs projets personnels et ne respecte pas les objectifs initiaux de l'EPM. Trop fréquemment, c'est la surpopulation carcérale dans un établissement ou des mesures disciplinaires qui conduisent au transfert des jeunes vers l'EPM de Lavaur. L'éloignement des familles est souvent dommageable pour les liens familiaux et la préparation de la sortie.
En 2013, Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, a missionné le sénateur de la Haute-Saône Jean-Pierre Michel, qui a fait un premier bilan et des préconisations pour les établissements pénitentiaires pour mineurs. Il propose en particulier de procéder à une évaluation de l'efficacité des EPM en termes de récidive. Compte tenu de l'appréciation qui peut être faite de leurs résultats sur ce point, je crois nécessaire qu'une nouvelle réflexion s'engage sur l'avenir de cette approche carcérale pour mineur. Quel bilan fait le Gouvernement des résultats de l'activité des EPM ? Envisagez-vous de faire évoluer ce dispositif d'incarcération pour mineurs ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre du redressement productif.
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Madame la députée, je vous prie d'excuser l'absence de Mme la garde des sceaux, Christiane Taubira, qui m'a prié de vous donner les éléments d'information suivants. Les six établissements pénitentiaires pour mineurs répondent aux exigences fixées par les normes internationales et les règles pénitentiaires européennes. Celles-ci assurent la garantie d'une prise en charge de qualité, la prévention des ruptures dans le parcours éducatif des mineurs, la prévention des ruptures des liens familiaux pendant l'incarcération et la garantie de la cohérence éducative entre détention, milieu ouvert et placement.
Les outils réglementaires, qui sont la référence quotidienne des personnels de l'administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse, ont été actualisés par une circulaire de la garde des sceaux Christiane Taubira en date du 24 mai 2013, relative au régime de détention des mineurs. Ainsi, la prise en charge dans les établissements pénitentiaires pour mineurs est assurée par l'administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse à travers un binôme surveillant-éducateur référent au sein de l'unité de vie. L'éducation nationale et les personnels soignants sont également étroitement associés à cet accompagnement.
S'agissant de l'établissement pénitentiaire pour mineurs de Lavaur, si l'on peut déplorer les incidents survenus, il est important de souligner que les agressions physiques et verbales y ont connu une baisse significative en 2013. Je souhaite vous assurer que les directions interrégionales de l'administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse mettent tout en œuvre pour revenir à une situation apaisée. Afin d'ajuster les dispositifs de prise en charge aux réalités du public détenu, une réflexion est aujourd'hui menée sur la cartographie nationale des lieux de détention des mineurs, pour limiter les effets parfois néfastes d'un trop grand éloignement – nous connaissons tous ce problème dans nos régions respectives.
Par ailleurs, un groupe de travail réunissant la direction de l'administration pénitentiaire, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse ainsi que l'éducation nationale et des personnels soignants se réunit actuellement pour élaborer un projet d'établissement type pour améliorer encore le suivi conjoint des mineurs poursuivis. Nous étudions également les préconisations du sénateur Jean-Pierre Michel s'agissant de ces établissements pénitentiaires. En d'autres termes, madame la députée, soyez assurée que la nécessaire préservation des parcours individuels des mineurs, notamment des mineurs détenus, est un objectif poursuivi quotidiennement par les services de la Chancellerie et que la garde des sceaux y attache une attention toute particulière.
Mme la présidente. La parole est à Mme Linda Gourjade.
Mme Linda Gourjade. Je remercie M. le ministre d'avoir bien voulu me répondre à la place de Mme Taubira.
Auteur : Mme Linda Gourjade
Type de question : Question orale
Rubrique : Système pénitentiaire
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 février 2014