centre de détention d'Eysses
Question de :
M. Jean-Louis Costes
Lot-et-Garonne (3e circonscription) - Les Républicains
M. Jean-Louis Costes alerte Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation du centre de détention d'Eysses, implanté à Villeneuve-sur-Lot. Le centre de détention d'Eysses est aujourd'hui confronté à une multiplication des incidents et à une dégradation importante des conditions de travail du personnel pénitentiaire. Ces difficultés sont la conséquence directe d'un sous-effectif avéré, alors que la configuration spécifique du site et l'évolution de la population carcérale engendrent au contraire un surcroît de tâches. Le bon fonctionnement de l'établissement est directement impacté, notamment en termes de sécurité. Les quartiers de détention, insuffisamment surveillés, voient se multiplier les situations de trafics, rackets et violences diverses, de moins en moins soutenables par les agents. Il lui demande donc quelles mesures elle envisage de prendre pour restructurer cet établissement à la configuration inadaptée, remédier au déficit de personnels de surveillance et leur donner les moyens de remplir leurs missions dans de bonnes conditions.
Réponse en séance, et publiée le 16 avril 2014
PROBLÈMES DE SÉCURITÉ DANS LE CENTRE DE DÉTENTION D'EYSSES DANS LE LOT-ET-GARONNE
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Costes, pour exposer sa question, n° 603, relative à des problèmes de sécurité dans le centre de détention d'Eysses dans le Lot-et-Garonne.
M. Jean-Louis Costes. Je veux alerter Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation particulière du centre de détention d'Eysses, à Villeneuve-sur-Lot, qui connaît une dégradation importante des conditions de travail de son personnel et une multiplication des incidents.
Cette situation explosive est due à trois raisons.
En premier lieu, cet établissement, très ancien, a une configuration spécifique : il a été installé, en 1803, dans une ancienne abbaye. À la suite d'une mutinerie, en 1974, trois bâtiments ont été créés en urgence, soi-disant à titre provisoire, mais l'on sait, hélas, que le provisoire dure éternellement. Cette configuration engendre des déplacements importants entre l'ancien site et les nouveaux bâtiments, qui sont souvent mal surveillés.
En deuxième lieu, les effectifs sont insuffisants : théoriquement de 116 agents, ils se limitent, en pratique, à 108 personnes. Résultat : les bâtiments de détention ne sont, en règle générale, surveillés que par deux agents, au lieu de trois, comme le prévoit l'organigramme. À cela s'ajoute la mise en œuvre de la loi pénitentiaire, qui a entraîné un surcroît de tâches.
Enfin, et l'administration l'a confirmé, nous nous retrouvons aujourd'hui avec un des taux de couverture les plus faibles de la zone quant au nombre d'agents. Le résultat est que les personnels pénitentiaires se trouvent en grande difficulté, accumulent de la fatigue et du stress, ce qui entraîne de nombreux arrêts maladie. Les quartiers de détention sont par conséquent insuffisamment surveillés et les trafics en tout genre, les rackets et les violences diverses s'y multiplient.
Troisièmement, la population carcérale du centre a beaucoup changé depuis la modification de la classification de ce dernier. Auparavant, les détenus qui y étaient affectés étaient condamnés à de longues peines et suivaient une démarche de réinsertion. Aujourd'hui, il s'agit surtout de jeunes détenus, âgés d'une trentaine d'années, issus de quartiers sensibles et essentiellement condamnés pour des trafics de stupéfiants ou des faits de violence, qui refusent pour la majorité d'entre eux de s'inscrire dans une démarche de réinsertion.
La situation actuelle ne peut plus durer. Les incidents se multiplient. Depuis le début de l'année, plusieurs règlements de compte ont eu lieu qui ont blessé grièvement quatre détenus. Au cours de la seule année 2013, une soixantaine de faits de violences, de menaces verbales et d'insultes envers le personnel ont été enregistrés. Le 8 mars dernier, notamment, des détenus ont jeté des boîtes de conserve et divers objets sur les sapeurs-pompiers qui intervenaient précisément pour prodiguer des soins à un détenu ivre. Cet incident a déclenché un mouvement de grève du personnel.
Cette même année, on a saisi 93 téléphones portables, 3,4 kilogrammes de cannabis, 80 litres d'alcool, de la cocaïne, du crack, des armes blanches. Et selon le personnel pénitentiaire, il en rentre cinq à six fois plus dans l'établissement.
Nous nous trouvons donc dans une situation d'une extrême urgence, madame la ministre. Je souhaiterais savoir ce que le Gouvernement compte faire, d'une part, pour restructurer cet établissement, qui le mérite grandement depuis longtemps, et lui donner une configuration adaptée, et, d'autre part, pour remédier au problème du nombre déficitaire de personnels de surveillance, afin de permettre enfin à ce centre de fonctionner dans de bonnes conditions.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Le temps affiché est-il strictement celui qui m'est imparti, monsieur le président ? M. le député ayant posé toute une série de questions, j'aimerais m'en assurer avant de formuler ma réponse.
M. le président. Nous sommes contraints de respecter les six minutes pour la question et la réponse, madame la ministre, mais puisqu'il s'agit de la dernière question, nous serons tolérants.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vous remercie de votre mansuétude, monsieur le président.
Monsieur le député, ainsi que vous l'avez rappelé, le centre de détention d'Eysses est un très vieil établissement, ce qui pose des difficultés, comme avec les autres établissements de ce type. L'édifice est un établissement pénitentiaire depuis 1803, mais c'était à l'origine, en 1601, une abbaye. Il a fait l'objet de travaux, notamment en 1974 et en 2000.
Malgré ces difficultés, nous avons mis en place des dispositifs de sécurité. Vous le savez, j'ai décidé par arbitrage budgétaire interne d'attribuer 33 millions d'euros au financement d'un plan de sécurisation de tous nos établissements pénitentiaires, dont bénéficiera en particulier l'établissement d'Eysses. Un portique à masse métallique y sera bientôt installé. Ce centre de détention dispose d'ores et déjà de cinq miradors opérationnels, des murs d'enceintes qui entourent l'ancienne abbaye, et d'un système de vidéosurveillance dans les ateliers qui sera bientôt déployé dans les cours de promenade et les unités d'hébergement. Une clôture a également été mise en place sur le terrain situé à l'extérieur de l'établissement.
Tous ces dispositifs matériels et logistiques constituent ce qu'on appelle la sécurité passive, mais l'important c'est la vie et la sécurité des personnels pénitentiaires sur leur lieu de travail. À cette fin, outre le plan de sécurisation des établissements pénitentiaires, j'ai mis en place toute une série d'autres dispositifs : un travail avec les forces de sécurité, une meilleure coopération avec l'autorité judiciaire en tant que telle et, bien entendu, un groupe de travail sur les pratiques professionnelles et sur l'organisation des journées au sein des établissements.
Concernant les personnels, le taux de couverture du centre d'Eysses est de 94 %, ce qui correspond à la moyenne nationale mais qui n'est pas satisfaisant car il convient que nous parvenions dans tous nos établissements à un taux de 100 % relativement aux effectifs prévus dans les organigrammes. Depuis ma prise de fonction, j'ai eu un mal considérable à comprendre les effectifs présentés dans les organigrammes parce que chacun d'entre eux avait des chiffres différents. Cela ne tient pas au fait que chaque établissement aurait des pratiques fantaisistes, mais vient de la part frictionnelle liée au mode de décompte des effectifs – décompte sur la base des trente-cinq heures ou des trente-neuf heures et heures supplémentaires –, souvent compliqué.
Pour y voir plus clair, j'ai pris la décision de diligenter l'Inspection générale des finances pour assurer une mission. Je souhaitais en effet bénéficier d'un regard à la fois spécialisé sur ces questions et extérieur à l'administration pénitentiaire. La mission est en cours, et l'Inspection me remettra son rapport prochainement de façon que nous y voyions clair au sein de tous nos établissements.
Il y a évidemment lieu de veiller à ce que les conditions de travail dans nos établissements soient satisfaisantes, y compris dans les centres vieillots, qui peuvent encore servir. À cet égard, j'ai signé avec la principale organisation syndicale pénitentiaire, l'UFAP, l'Union fédérale autonome pénitentiaire, un protocole doté de 20 millions d'euros permettant la revalorisation indiciaire et la promotion des personnels, qui étaient en panne depuis plusieurs années.
Nous avons donc lancé toute une série d'actions convergentes : sécurisation, protection, lutte contre les incidents, les rackets et les trafics, sécurité passive et logistique, sécurité active par la modernisation des professions. D'ici à la fin de l'été ou même au milieu de l'été, nous devrions voir les résultats tangibles de la convergence de ces diverses initiatives.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Costes.
M. Jean-Louis Costes. Madame la ministre, j'entends bien votre réponse sur le taux de couverture des personnels, dont j'ose espérer qu'il passera de 94 % à 100 %. En revanche, concernant l'aspect immobilier, permettez-moi de vous dire que les éléments que vous avez évoqués ne sont que ponctuels et ne témoignent pas d'une prise en compte globale de la problématique de l'établissement.
Ce site est face à un véritable problème immobilier et nécessiterait une restructuration complète. Je vous demande donc, madame la ministre, d'engager une réflexion en termes immobiliers sur l'ensemble du site, en sus des aménagements que vous avez mentionnés à l'instant.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vous remercie de m'accorder à nouveau la parole, monsieur le président.
Monsieur le député, pour que nous nous entendions précisément sur ce que vous appelez une restructuration immobilière, je vous propose une séance de travail au cabinet, donc à la Chancellerie, séance à laquelle j'associerai à la fois l'administration pénitentiaire centrale, qui a la charge de nos établissements, l'APIJ, l'agence publique pour l'immobilier de la justice, et le secrétariat général. Vous pourrez à cette occasion nous faire part de votre vision de la restructuration immobilière de cet établissement.
Auteur : M. Jean-Louis Costes
Type de question : Question orale
Rubrique : Système pénitentiaire
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er avril 2014