Question orale n° 617 :
maires

14e Législature

Question de : M. Daniel Boisserie
Haute-Vienne (2e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

M. Daniel Boisserie attire l'attention de Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement sur les conséquences pour les communes des arrêtés de péril imminent. Au titre de sa compétence de sécurité publique et de ses pouvoirs de police, le maire doit veiller au bon état des biens immobiliers de sa commune. En cas de danger avéré, il peut prendre des arrêtés de mise en demeure pour inviter le propriétaire à engager les travaux nécessaires. Si ce dernier ne prend aucune initiative, un arrêté de péril l'oblige une nouvelle fois à faire réaliser les investissements indispensables à la sécurité publique. Enfin, un arrêté de péril imminent permet à la commune de se substituer au propriétaire défaillant pour mandater une ou plusieurs entreprises. Cependant, si la loi prévoit le remboursement par le propriétaire des frais engagés, de nombreuses communes ne peuvent faire valoir ce droit en raison de l'insolvabilité de ces derniers. De même, plus les communes sont pauvres, moins le don des parcelles concernées ne permet le recouvrement intégral des sommes avancées. Il demande donc qu'un fonds puisse être mis en place en prélevant par exemple une cotisation obligatoire sur les primes d'assurance pour indemniser ces communes.

Réponse en séance, et publiée le 7 mai 2014

CONSÉQUENCES FINANCIÈRES DES TRAVAUX EXÉCUTÉS D'OFFICE PAR LES COMMUNES APRÈS PRISE D'UN ARRÊTÉ DE PÉRIL IMMINENT
M. le président. La parole est à M. Daniel Boisserie, pour exposer sa question, n°  617, relative aux conséquences financières des travaux exécutés d'office par les communes après prise d'un arrêté de péril imminent.

M. Daniel Boisserie. Madame la ministre du logement, je souhaite appeler votre attention sur les difficultés que rencontrent certaines communes, souvent rurales, et pauvres – mais n'est-ce pas un pléonasme ? – à propos d'immeubles en situation de péril imminent.

Ces biens, qui ne sont pas entretenus, appartiennent la plupart du temps à des familles de condition modeste, voire très modeste, incapables d'assurer les travaux d'entretien et encore moins de démolition lorsque celle-ci se révèle nécessaire. Les maires sont alors contraints de prendre des arrêtés de péril, péril imminent la plupart du temps, puis, après les démarches réglementaires, de procéder à la destruction du bâti et à la sécurisation des lieux. Ces travaux, le propriétaire étant incapable de le faire, doivent être payés par la commune ou, éventuellement, la communauté dans certains cas. Je peux citer le cas d'une petite commune que je connais bien, une petite ville de 8 000 habitants, la mienne, pour laquelle l'addition s'est élevée à 250 000 euros.

Vous allez me répondre que l'ordonnance de 2007 permet d'inscrire le privilège immobilier ou même que la dette peut faire l'objet d'une hypothèque légale, mais ce n'est pas suffisant et tout cela ne veut rien dire lorsque l'on sait que le prix du foncier non bâti est dérisoire dans certaines communes, comme c'est le cas chez nous à Saint-Yrieix. La commune ne peut rien récupérer et a toujours une dette de 250 000 euros.

Avez-vous d'autres solutions ? Je pense que vous n'en avez pas pour l'instant. Il faut faire quelque chose et la solution pourrait être de créer un fonds de soutien national alimenté, par exemple, par les primes d'assurance habitation. Nous aurions alors vraiment une solidarité nationale.

M. le président. La parole est à Mme la ministre du logement et de l'égalité des territoires.

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement et de l'égalité des territoires. Environ 420 000 logements sont potentiellement indignes dans notre pays, monsieur le député. La lutte contre l'habitat indigne est donc une priorité de l'action de l'État en matière de politique du logement. Cette politique mobilise des financements publics, notamment ceux de l'Agence nationale de l'habitat, permettant de subventionner les propriétaires, qu'ils soient bailleurs ou occupants, qui réhabilitent leurs logements dégradés.

Cette démarche incitative s'accompagne également d'un volet coercitif composé de diverses polices spéciales relevant soit de la sécurité, et donc du maire, soit de la santé publique, donc du préfet. Dès lors que le propriétaire n'a pas exécuté les mesures prescrites, un arrêté de péril imminent est pris par la commune pour réaliser les travaux aux frais du propriétaire. Les frais engagés sont recouvrés comme en matière de contributions directes. Pour faciliter le recouvrement, il existe plusieurs dispositifs, qui peuvent trouver leurs limites, comme vous le mentionnez dans votre question.

Afin d'appuyer les communes qui ont à assumer de telles procédures, des aides ont été mises en place.

La collectivité peut tout d'abord bénéficier du fonds d'aide au relogement d'urgence. Les aides du FARU permettent de subventionner l'hébergement d'urgence ou le relogement temporaire des personnes dont l'immeuble est frappé d'un arrêté de péril imminent ou ordinaire, de même que les travaux interdisant l'accès de l'immeuble. Le taux de subvention s'élève à 75 % des dépenses indemnisables.

Si la collectivité engage, à la suite de la procédure de péril imminent, une démarche pour péril ordinaire, elle peut bénéficier d'une aide de l'ANAH, opérateur de l'État, qui peut attribuer une subvention aux collectivités en cas de travaux d'office hors urgence. Cette aide n'est pas plafonnée à un montant de travaux et correspond à 50 % du montant hors taxe de la dépense subventionnable.

Enfin, la loi ALUR du 24 mars 2014 comprend deux dispositions permettant d'améliorer l'efficacité des procédures en matière de lutte contre l'habitat indigne. Elle institue un transfert automatique des pouvoirs de police spéciale du maire au président de l'établissement public intercommunal compétent en matière d'habitat. En effet, l'EPCI est mieux à même d'assumer ce type de procédure complexe, notamment grâce à la mutualisation des moyens disponibles, prévue par la loi, et formalisée par une convention entre les communes membres. Quand la commune a affaire à des propriétaires indélicats, une astreinte peut être mise en place à leur encontre par l'autorité responsable, maire ou président de l'EPCI, en cas de non réalisation des travaux prescrits par arrêté. Cette astreinte est applicable à la procédure de péril ordinaire et pourra aller jusqu'à 1 000 euros par logement et par jour de retard.

Vous avez soulevé une question de politique publique importante. Il existe un certain nombre d'aides et de procédures destinées à rendre plus efficace la lutte contre l'habitat indigne et très dégradé. Il est maintenant indispensable que les communes, et surtout les intercommunalités, compétentes en matière d'habitat, s'en emparent avec détermination. Sur la situation particulière que vous avez évoquée, je suis prête, avec mes services, à y travailler avec vous.

M. le président. La parole est à M. Daniel Boisserie.

M. Daniel Boisserie. Je vous remercie, madame la ministre.

Certaines solutions que vous avez proposées ne concernent pas du tout les cas que j'ai évoqués. La dernière est importante. Vous parlez de solidarité intercommunale. Effectivement, si un EPCI prend le relais, il y a davantage de solidarité, mais c'est la solidarité des pauvres : Vous savez bien que les communes pauvres se rassemblent entre elles dans des établissements de coopération.

Par contre, pour la démolition et la mise en sécurité des immeubles, il n'y a rien aujourd'hui qui permette de faire quoi que ce soit pour ces communes ayant une dette qu'elles ne recouvreront bien sûr jamais. Je proposerai donc peut-être, avec mes collègues, une proposition de loi permettant de créer un fonds spécial pour mettre en place, en quelque sorte, une solidarité nationale.

Données clés

Auteur : M. Daniel Boisserie

Type de question : Question orale

Rubrique : Communes

Ministère interrogé : Égalité des territoires et logement

Ministère répondant : Logement et égalité des territoires

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 1er avril 2014

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