baux d'habitation
Question de :
Mme Arlette Grosskost
Haut-Rhin (5e circonscription) - Les Républicains
Mme Arlette Grosskost interroge Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement sur le communiqué conjoint daté du 11 mars 2014, annonçant la prolongation de la trêve hivernale jusqu'au 31 mars 2014, par anticipation de l'application de la loi ALUR ainsi que sur l'application de la circulaire du 26 octobre 2012. Elle précise que, le 11 mars 2014, la loi ALUR était encore en cours d'examen auprès du Conseil constitutionnel. Ce communiqué aurait donc force d'acte administratif et a été envoyé à toutes les préfectures. Elle souhaite avoir des éclaircissements sur la nature juridique de ce communiqué. Concernant la circulaire du 26 octobre 2012 sur la gestion des expulsions locatives, elle a renforcé la protection à un niveau qui déséquilibre et décourage tout propriétaire à louer son bien. Malgré une décision de justice demandant l'expulsion du locataire avec recours de la force publique, un propriétaire de sa circonscription est piégé par la surprotection accordée par la circulaire. L'occupant illégal ne peut être expulsé du logement sans avoir l'assurance d'un relogement. Or aucun bailleur ne souhaite accueillir ce locataire mauvais payeur et le propriétaire est contraint de loger à titre gratuit l'occupante, et ce depuis des mois. Ce cas n'est pas isolé. Elle souhaite savoir comment elle compte résoudre le déséquilibre que constitue cette circulaire au profit des locataires.
Réponse en séance, et publiée le 7 mai 2014
DÉSÉQUILIBRE DES PARTIES EN MATIÈRE D'EXPULSIONS CONSÉCUTIVES AU NON-PAIEMENT DE LOYERS D'HABITATION
M. le président. La parole est à Mme Arlette Grosskost, pour exposer sa question, n° 632, relative au déséquilibre des parties en matière d'expulsions consécutives au non-paiement de loyers d'habitation.
Mme Arlette Grosskost. Madame la ministre du logement, j'articulerai ma question essentiellement autour de deux points.
Tout d'abord, la loi ALUR a été promulguée, après des mois d'âpres débats. Nous pouvons regretter toutefois que de nombreux problèmes en matière de logement subsistent et je crains que cette loi ne les résolve pas. En préambule, je souhaiterais vous faire part de mon interrogation sur le communiqué conjoint daté du 11 mars 2014 annonçant la prolongation de la trêve hivernale jusqu'au 31 mars 2014, par anticipation de l'application de la loi ALUR. A cette date, la loi était encore en cours d'examen par le Conseil constitutionnel. Ce communiqué aurait donc force d'acte administratif et a été envoyé à toutes les préfectures. J'espère que vous pourrez nous apporter des éclaircissements sur ce point de droit.
Je souhaiterais ensuite illustrer les contre-effets que l'application de cette loi risque d'engendrer, notamment pour les propriétaires. L'un de mes administrés est aujourd'hui victime de ces incohérences. La circulaire du 26 octobre 2012 sur la gestion des expulsions locatives a renforcé la protection à un niveau qui déséquilibre et décourage tout propriétaire de louer son bien. Du fait du renforcement de cette protection, le propriétaire en question est incapable de disposer de son bien, quand bien même une décision de justice demandant l'expulsion du locataire avec recours de la force publique a été rendue. En effet, l'occupant illégal ne peut être expulsé du logement sans avoir l'assurance d'être relogé. Or aucun bailleur ne souhaite accueillir ce locataire reconnu mauvais payeur. Le propriétaire se retrouve donc contraint d'avoir un occupant non désiré et fait ainsi office de service de logement social à titre gratuit pour pallier l'absence de la prise en charge d'un relogement par les services publics concernés. Le crédit immobilier et les intérêts qui courent sur ce bien sont donc considérés comme un cadeau à la collectivité !
Devant cet exemple kafkaïen, on peut s'interroger sur l'effet préjudiciable de telles mesures pour le secteur de l'immobilier et, spécifiquement, sur leur impact pour des particuliers désirant investir dans l'immobilier locatif. Comment pensez-vous résoudre cette équation ? Ne pensez-vous pas que cet exemple, qui n'est pas isolé, révèle les limites d'un tel dispositif ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre du logement et de l'égalité des territoires.
Mme Sylvia Pinel, ministre du logement et de l'égalité des territoires. Madame la députée, vous avez posé deux questions précises. D'abord, concernant la nature juridique de la mesure prolongeant la trêve hivernale, le communiqué du 11 mars a annoncé la signature le même jour d'une instruction aux préfets pour que ceux-ci suspendent jusqu'à la fin du mois toute décision accordant le concours de la force publique à une procédure d'expulsion locative. Cette instruction est consultable sur le site internet « circulaire.legifrance.gouv.fr ».
La conséquence de cette instruction est que les préfets n'ont pas donné suite pendant cette période aux demandes de concours de la force publique. Il ne s'agit pas à proprement parler d'une extension de la trêve hivernale, puisque celle-ci, comme vous l'avez rappelé, est définie par la loi, et puisqu'elle suspend la décision de justice elle-même. Aussi, dans le cadre de l'instruction du 11 mars, l'État assume les conséquences de la non-exécution des décisions d'expulsion en indemnisant les propriétaires. Il est à noter, comme vous le savez, que la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et à un urbanisme rénové, dite loi ALUR, a légalisé le report de la trêve hivernale au 31 mars.
Quant à l'instruction du 26 octobre 2012, elle vise à mettre en œuvre le relogement d'un ménage, lorsque celui-ci a été reconnu prioritaire et urgent au titre du droit au logement opposable, dans un délai tel qu'il intervienne avant l'exécution du concours de la force publique. D'une part, cette instruction concerne les ménages ayant bénéficié d'une décision favorable de la commission de médiation, laquelle doit se prononcer au regard de la bonne foi de l'occupant. Les ménages de mauvaise foi ne devraient pas bénéficier de cette décision favorable, et ne rentrent donc pas dans le champ d'application de l'instruction.
D'autre part, le principe juridique est le même que celui de l'instruction du 11 mars 2014 : il s'agit d'une suspension par le préfet de l'exécution de la décision d'expulsion prise par la justice. Dans le cas où la suspension perdure au-delà du délai légal, le propriétaire bailleur bénéficie du droit à une juste indemnisation, à hauteur du préjudice subi, et ce jusqu'au départ effectif de l'occupant, rendu notamment possible par le relogement.
Il s'agit donc, comme vous pouvez le constater, d'une mesure équilibrée, qui vise à reloger rapidement les ménages prioritaires au titre du droit au logement opposable, en évitant une expulsion forcée. Le respect de cette instruction permet précisément de concilier les droits respectifs du propriétaire et du locataire.
Auteur : Mme Arlette Grosskost
Type de question : Question orale
Rubrique : Baux
Ministère interrogé : Égalité des territoires et logement
Ministère répondant : Logement et égalité des territoires
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er avril 2014