Question orale n° 738 :
apatrides

14e Législature

Question de : M. Yves Nicolin
Loire (5e circonscription) - Les Républicains

M. Yves Nicolin interroge M. le ministre de l'intérieur sur la situation très particulière d'une jeune femme d'origine tibétaine mais aujourd'hui considérée comme apatride. Orpheline, elle a été confiée à l'âge de six ans à l'école Tibetan children village à Dharamsala, école dédiée aux enfants réfugiés et orphelins, située au nord de l'Inde où le gouvernement tibétain vit en exil. Une famille française a alors parrainé ses études et dès lors des liens très forts se sont développés entre eux. Il y a quelques années, cette famille lui a proposé de l'accueillir chez elle afin de terminer ses études en France, sous couvert d'un yellow book mais qui ne sera plus valable en 2016. Elle se retrouvera alors sans aucun papier, ni aucune nationalité car, malgré sa probable naissance sur le territoire indien, l'Inde refuse de reconnaître cet enfant comme de nationalité indienne et n'est pas non plus de nationalité tibétaine qui n'existe pas du fait de l'invasion des Chinois. Cette personne est donc apatride mais, compte tenu des liens qui l’unissent à sa famille de coeur et son investissement dans ses études en France, elle a sollicité la nationalité française. Malheureusement un refus lui a été opposé au motif de ressources insuffisantes. Or notre législation l'a laissée dans une impasse puisque son statut d'étudiante ne lui permet pas de travailler et, étant apatride, elle ne possède pas de passeport et sera sans papier d'identité d'ici à 2016. La famille française qui l'a élevée et recueillie depuis de nombreuses années a tout à fait les moyens de lui procurer une autonomie financière. Aussi il lui demande donc de lui indiquer les mesures que le Gouvernement entend prendre pour faire évoluer de telles situations atypiques.

Réponse en séance, et publiée le 25 juin 2014

SITUATION ADMINISTRATIVE D'UNE JEUNE FEMME D'ORIGINE TIBÉTAINE CONSIDÉRÉE COMME APATRIDE
M. le président. La parole est à M. Yves Nicolin, pour exposer sa question, n°  738, relative à la situation administrative d'une jeune femme d'origine tibétaine considérée comme apatride.

M. Yves Nicolin. Je souhaite attirer votre attention, monsieur le secrétaire d’État chargé de la réforme de l'État et de la simplification, sur la situation très particulière d'une jeune femme d'origine tibétaine mais aujourd'hui considérée comme apatride.

Orpheline, elle a été confiée à l'âge de six ans à l'école Tibetan children village à Dharamsala, école dédiée aux enfants réfugiés et orphelins, située dans le nord de l'Inde où le gouvernement tibétain vit en exil.

Une famille française a alors parrainé ses études et des liens très forts se sont développés entre eux. Il y a quelques années, cette famille lui a proposé de l'accueillir chez elle, en France, afin de terminer ses études sous couvert d'un yellow book, mais qui ne sera plus valable en 2016.

Autre information importante : l'épouse, dans cette famille, a engagé une procédure d'adoption qui s'est concrétisée par un jugement d'adoption simple en 2013. Pour autant, la jeune tibétaine se retrouvera tout de même sans aucun papier ni aucune nationalité car, malgré sa probable naissance sur le territoire indien, l'Inde refuse de reconnaître cette enfant comme étant de nationalité indienne. Elle n'est pas non plus de nationalité tibétaine qui, en raison de l'invasion chinoise, n'existe pas.

Cette personne est donc apatride mais, compte tenu des liens qui l’unissent à sa famille et de son investissement dans ses études en France, elle a sollicité la nationalité française.

Malheureusement, un refus lui a été opposé au motif de ressources insuffisantes. Or, notre législation la laisse dans une impasse puisque son statut d'étudiante ne lui permet pas de travailler. Étant apatride, elle ne possède pas de passeport et sera sans papier d'identité d'ici à la fin de 2016.

Le jugement d'adoption simple ne lui procure pas non plus de véritable statut, même si cette famille française qui l'a recueillie et élevée depuis de nombreuses années a tout fait pour lui procurer, notamment, une autonomie financière.

Aussi, je vous demande de m'indiquer les mesures que le Gouvernement français entend prendre pour trouver une solution humaine à cette situation particulière.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la réforme de l'État et de la simplification.

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État chargé de la réforme de l'État et de la simplification. Bernard Cazeneuve, monsieur le député, m'a chargé de vous répondre car il est retenu par la coprésidence du comité national de sécurité dans les transports en commun. Il vous assure de sa très grande vigilance ainsi que de sa bienveillante attention sur la situation que vous lui avez exposée.

Vous avez donc appelé son attention sur la situation d'une jeune femme d'origine tibétaine, née en Inde, étudiante en France, qui risquerait de se trouver en 2016 dans la situation administrative difficile que vous avez décrite, et cela parce que les autorités indiennes refuseraient de lui reconnaître cette nationalité.

Les conventions internationales signées et ratifiées par la France permettent d'apporter des réponses précises aux ressortissants étrangers se trouvant dans ces situations.

En effet, la convention de New York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides organise une protection spécifique pour la personne qu'aucun État ne considère comme son ressortissant. Le fait, pour un État, de refuser sa protection à l'un de ses ressortissants peut aussi, dans certains cas, conduire à la reconnaissance de la qualité de réfugié prévue par la convention de Genève du 28 juillet 1951.

Il appartient donc à votre interlocutrice de présenter une demande en ce sens auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA, qui statue en toute indépendance.

Je vous rappelle que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou du statut d'apatride a pour effet de conférer un droit au séjour en France et de permettre la délivrance d'un titre de séjour. Dans les deux cas, l'étranger est placé sous la protection juridique et administrative de l'OFPRA, auprès duquel il peut effectuer ses démarches en matière d'état civil et de documents d'identité.

Indépendamment de ces dispositions, l'étranger se trouvant dans la situation que vous évoquez a une autre possibilité, celle de solliciter un titre de séjour dans les conditions de droit commun, et notamment de demander son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de considérations humanitaires particulières.

Pour ce qui concerne l'accès à la nationalité française, je vous rappelle que la demande doit être faite en justifiant de cinq ans de résidence sur le territoire, sauf dans des situations particulières ouvrant le bénéfice d'une dispense ou d'une réduction du temps de séjour nécessaire, mais qui ne correspondent pas à la situation que vous décrivez.

D'après les éléments que vous avez donnés, votre interlocutrice remplira cette condition au deuxième semestre 2015. Elle dispose, dans l'immédiat, d'une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant ». Celle-ci l'autorise à séjourner en France pour suivre ses études et, également, à exercer une activité professionnelle salariée à titre accessoire dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle.

Dès qu'elle remplira les conditions d'accès à la nationalité française, soit le deuxième semestre 2015 – avant, donc, la date que vous évoquez –, il serait probablement utile qu'elle sollicite l'obtention de cette nationalité.

M. le président. La parole est à M. Yves Nicolin.

M. Yves Nicolin. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, pour ces propositions et ses solutions très constructives.

Je me permets néanmoins de solliciter votre accord sur le fait que, si elle dépose une demande de naturalisation française en 2015, elle soit considérée comme prioritaire compte tenu des délais généralement requis pour pouvoir statuer sur une telle demande.

Par ailleurs, je rappelle que cette jeune femme a été adoptée par des Français suite au jugement d'un tribunal français et qu'elle a été reconnue via une adoption simple comme étant leur fille.

Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État.

Données clés

Auteur : M. Yves Nicolin

Type de question : Question orale

Rubrique : Étrangers

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 juin 2014

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