taux
Question de :
Mme Corinne Narassiguin
Français établis hors de France (1re circonscription) - Socialiste, républicain et citoyen
Mme Corinne Narassiguin interroge M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, sur l'inégalité d'imposition qui perdure entre Français établis dans l'Union européenne et l'espace économique européen et Français établis dans le reste du monde sur plusieurs points. Si l'alignement des Français établis hors de France sur le régime des résidents via la soumission à la CSG et à la CRDS était pleinement justifié au regard du principe d'égalité fiscale, ce même principe d'égalité fiscale n'est pas respecté en matière de plus-values immobilières réalisées sur les biens vendus en France : les Français établis aux États-unis, par exemple, sont imposés à hauteur de 33 % alors que ceux qui sont établis dans l'UE et l'EEE bénéficient d'un taux de 19 %, en vertu notamment de l'article 219 du code général des impôts. La différence de taux ne posait pas de problème tant que les Français établis dans le reste du monde n'étaient pas soumis à la CSG et à la CRDS sur les plus-values susmentionnées. Leur taux global d'imposition était alors quasiment similaire à celui des Français résidents qui étaient imposés à hauteur de 19 % plus 15 % soit 34 %. Mais désormais, le taux d'imposition global est désormais de 48 % pour tous les non-résidents. Elle lui demande donc s'il entend revenir sur cette discrimination dans une prochaine loi de finances ou loi de finances rectificative.
Réponse en séance, et publiée le 25 janvier 2013
IMPOSITION DES PLUS-VALUES IMMOBILIÈRES RÉALISÉES PAR DES FRANÇAIS ÉTABLIS HORS DE FRANCE.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour exposer sa question, n° 74, relative à l'imposition des plus-values immobilières réalisées par des Français établis hors de France.Mme Corinne Narassiguin. Monsieur le ministre du budget, à plusieurs reprises j'ai appelé l'attention de vos services sur l'inégalité d'imposition qui existe entre les résidents de l'Union européenne et les non-résidents hors Union européenne concernant les revenus immobiliers et singulièrement les plus-values immobilières.
La différence est désormais énorme, puisque la taxation, qui est de 34,5 % pour les résidents en France et les non-résidents vivant dans l'Union européenne dépasse, depuis l'extension de la CSG et de la CRDS, les 48 % pour les non-résidents hors Union européenne.
J'ai reçu de la part de votre administration des réponses techniques que j'entends bien, ainsi qu'une réponse politique évoquant la volonté de limiter la spéculation immobilière par les grands fonds étrangers - un objectif que je partage.
De même, j'étais favorable à l'extension de la CSG et de la CRDS aux revenus immobiliers des non-résidents, car je suis de ceux qui pensent que l'impôt a un sens, et qu'à cet égard, la définition de l'assiette de chaque contribution est éminemment importante.
Si je comprends les réponses techniques, force est de constater qu'elles se heurtent aujourd'hui à la réalité : ce taux extrêmement élevé place de nombreux Français de l'étranger en situation de grande difficulté.
Je ne prendrai qu'un exemple, celui d'une femme en instance de divorce vivant avec sa fille sur la côte est des États-Unis. Ayant cessé de travailler pour suivre son mari, sans emploi depuis plusieurs années, son seul bien est un studio parisien, qui, ancien, a eu tendance à se déprécier. Aujourd'hui, sa seule ressource est de le vendre pour ne pas avoir à quitter son lieu de résidence ; elle tient plus que tout à ce que son enfant ne soit pas déscolarisé et qu'elle ne quitte pas l'environnement où elle a grandi. Cette femme est aujourd'hui dans une grande détresse, car elle perdra près de la moitié de ce qu'elle possède si elle vend son appartement. Ce n'est qu'un cas parmi beaucoup d'autres.
Monsieur le ministre, cette imposition, que je considère discriminatoire pour les Français de l'étranger résidant hors de l'Union européenne, constitue un problème. Bien sûr, ce taux peut toucher juste lorsqu'il permet de limiter l'activité spéculative de quelques grands investisseurs institutionnels, mais notre devoir de faiseurs de droit n'est-il pas d'éviter que les mesures que nous votons ne fassent des victimes collatérales, en l'occurrence nos compatriotes expatriés ?
C'est pourquoi je vous demande ce que vous comptez faire pour remédier à cette injustice flagrante.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances chargé du budget.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Madame la députée, vous avez rappelé les dispositions, notamment celles de l'article 244 bis A du code général des impôts : les plus-values immobilières de source française réalisées par les contribuables domiciliés dans un État tiers à l'espace économique européen - l'EEE - sont, quelle que soit leur nationalité, imposables au taux de 33,1/3 %, alors que les personnes domiciliées en France ou dans un autre État membre de l'espace économique supportent, sans égard là encore à leur nationalité, un taux fixé à 19 %.
Par ailleurs, depuis l'entrée en vigueur de l'article 29 de la deuxième loi de finances rectificative pour 2012, le 17 août 2012, les plus-values immobilières réalisées en France par les non-résidents sont, au même titre que celles réalisées par des résidents, soumises aux prélèvements sociaux.
Vous considérez que l'imposition des plus-values immobilières réalisées par les résidents de pays tiers à l'EEE à un taux global supérieur à celui applicable aux résidents de France constitue une discrimination. Si je ne peux qu'être sensible à l'exemple que vous avez cité et si je comprends bien les fondements de votre analyse, je ne la partage pas.
L'application d'un même taux d'imposition des plus-values immobilières pour les résidents de France et ceux des autres États membres de 1'espace économique européen résulte du strict respect par la France des obligations prévues par les traités européens et par la jurisprudence de la Cour de justice de Luxembourg.
En effet, les résidents des autres États membres de l'espace économique doivent, au regard de l'imposition des plus-values immobilières, être considérés comme placés dans une situation comparable à celle des résidents de France et donc être soumis à un traitement fiscal équivalent. C'est la conséquence directe de la signature par la France des traités européens.
En revanche, tel n'est pas le cas des résidents de pays tiers à l'EEE, qui, notamment du fait de l'application de la clause de gel prévue à l'article 64 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, peuvent légitimement être soumis à un régime fiscal différent. Vous remarquerez que je reconnais bien volontiers que le traitement fiscal est effectivement différent.
Cette possibilité, parfaitement légale puisque prévue par le Traité, se justifie au fond par le fait que, contrairement aux autres États membres de l'espace économique européen, les pays tiers ne sont pas tenus à la réciprocité : ils ne sont pas obligés d'accorder à nos résidents les avantages que la France consentirait aux leurs. Vous le savez, cette clause de réciprocité est un élément fondamental du droit international. Dès lors, la France ne peut unilatéralement prendre des dispositions sans avoir la garantie que cette clause s'appliquerait.
Vous vous demandez, ce que je comprends, pourquoi des discussions ne pourraient pas être engagées avec l'État dans lequel réside cette personne. La raison est que ces discussions bilatérales doivent être multiples, car on imaginerait mal un traitement spécifique à tel État tiers à l'EEE. C'est donc un travail de très longue haleine qu'il faudrait probablement entreprendre, préalablement à toute modification de la fiscalité concernant nos compatriotes non-résidents, habitant par exemple sur la côte est des États-Unis.
De plus, si, comme vous le proposez, il devait être envisagé d'aligner le régime de nos compatriotes domiciliés hors de l'EEE sur celui des personnes établies en France ou dans un autre État de l'espace économique, cela conduirait à un traitement fiscal spécifique en fonction de la nationalité du cédant, avec un risque très fort d'annulation au regard du principe d'égalité devant l'impôt.
Cette approche est peut-être intuitivement contraire au sentiment de justice que vous voulez faire prévaloir en vous exprimant dans cet hémicycle. Pour autant, il est de mon devoir de vous indiquer ce qu'est l'état du droit et la nécessité de maintenir un équilibre entre les États, dès lors que l'on modifie des fiscalités qui concernent des résidents ou des non-résidents de nationalités diverses.
Si les nationaux français domiciliés dans un État tiers à l'EEE devaient bénéficier du même taux d'imposition que les résidents de l'espace économique européen, ce taux devrait s'appliquer dans la même situation à tous les ressortissants des autres États membres de l'EEE, voire à ceux des pays tiers.
Pour l'ensemble de ces raisons, il n'est pas envisagé, dans un premier temps et de façon unilatérale, de modifier les dispositions applicables. En revanche, je me tiens à votre disposition, ainsi que mes collaborateurs et mes services, pour voir de quelle manière un processus pourrait être engagé - pourquoi pas avec les pays où résident les Français que vous représentez de façon très brillante dans cet hémicycle ? -, qui puisse faire prévaloir la justice sans méconnaître les grands principes du droit international.
Auteur : Mme Corinne Narassiguin
Type de question : Question orale
Rubrique : Plus-values : imposition
Ministère interrogé : Budget
Ministère répondant : Budget
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 janvier 2013