contrôle et contentieux
Question de :
M. Gilles Savary
Gironde (9e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. Gilles Savary interroge M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur la gestion des procédures de demandes d'autorisation de travail des étrangers et en particulier des déclarations de détachement des salariés dont l'employeur est établi hors de France. Le 3 mars 2009, un arrêté créait FRAMIDE (France migration détachement) un traitement automatisé des données relatives à la main-d'oeuvre étrangère. Cette application développée au sein du ministère du travail comportait deux volets : d'une part, le traitement des procédures d'autorisation de travail reçues dans les services de main-d'oeuvre étrangère (champ « immigration »), et d'autre part, la réception des déclarations préalables de détachement faites par les employeurs (champ « travail »). FRAMIDE devait permettre aux employeurs de remplir et de transmettre leur déclaration via internet et constituait une base de données (à partir des informations saisies par les entreprises prestataires) accessible aux agents de l'inspection du travail, facilitant leurs opérations de contrôle (possibilité d'effectuer des recherches à partir de critères précis, comme par exemple le nom d'un prestataire étranger ou le nom d'un salarié). Or il semblerait que ce dispositif, pourtant opérationnel (site traduit en 8 langues), n'ait jamais vu le jour. Aussi, il souhaiterait connaître les raisons pour lesquelles FRAMIDE n'a pas été mis en oeuvre, et savoir s'il est envisagé de développer un dispositif similaire de traitement informatisé des demandes d'autorisation de travail, afin d'améliorer l'efficience des contrôles de l'inspection du travail en matière de lutte contre le travail illégal et contre le recours abusif au détachement de travailleurs à des fins d'optimisation sociale.
Réponse en séance, et publiée le 28 janvier 2015
CONTRÔLE INFORMATISÉ DES DEMANDES D'AUTORISATION DE TRAVAIL EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL ILLÉGAL ET LE RECOURS ABUSIF AU DÉTACHEMENT
M. le président. La parole est à M. Gilles Savary, pour exposer sa question, n° 815, relative au contrôle informatisé des demandes d'autorisation de travail en matière de lutte contre le travail illégal et le recours abusif au détachement.
M. Gilles Savary. Monsieur le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, dans un arrêté du 3 mars 2009, le directeur de l'immigration, pour le compte du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, et le directeur de l'administration générale de votre ministère instituaient un traitement automatisé, très complet, de données nominatives concernant à la fois les autorisations de travail aux étrangers et les autorisations de détachement de salariés dont l'employeur est établi hors de France.
Ce dispositif devait assurer la traçabilité des insaisissables travailleurs détachés, dès lors qu'ils font l'objet de fraudes ou de contournements du détachement, et permettre à l'administration de disposer d'une base de données pérennes, traçables et capitalisables, afin de mieux appréhender les travailleurs qui franchissent les frontières pour être détachés d'un établissement situé à l'étranger, qu'il s'agisse d'une société d'intérim, d'un groupe, y compris français, dans le cadre d'un détachement intragroupe, ou d'un détachement simple.
Monsieur le ministre, vous vous êtes attaqué immédiatement à ce problème extrêmement compliqué. Vous avez pu mesurer la complexité et la sophistication des fraudes, la difficulté à saisir le problème, malgré l'engagement de l'inspection du travail, que je salue, qui a réussi à faire la lumière sur des affaires remarquables et exemplaires, malgré aussi l'engagement des tribunaux, bien qu'inégal selon le territoire et malgré enfin l'engagement des préfets, que vous convoquez à présent régulièrement pour les inciter à traquer le travail clandestin, le travail illégal et les fraudes au détachement. Je vous en remercie d'ailleurs : dans mon département, les résultats sont extrêmement concrets.
Cependant, pourquoi ce dispositif de traitement automatisé, baptisé France migration détachement – FRAMIDE –, n'a-t-il jamais été appliqué ? S'il y a des raisons, je veux bien les entendre, mais je souhaite les connaître. Et quelles sont vos intentions, monsieur le ministre, pour la suite ? Considérez-vous que FRAMIDE est opératoire et doit être déployé au sein du ministère ? Avez-vous d'autres options à proposer ?
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le député, permettez-moi d'abord de vous remercier pour l'action résolue que vous menez pour faciliter la lutte contre le travail illégal des travailleurs détachés non déclarés. Grâce à cette action, votre département est à la pointe en la matière. Le préfet de votre région m'a d'ailleurs demandé récemment l'autorisation de suspendre les travaux en cours lors d'une fraude manifeste, ce que nous ferons.
S'agissant de votre question, vous connaissez ma détermination dans la lutte contre la fraude au détachement transnational, qui constitue un vrai sujet. Les entreprises qui, dans le cadre de prestations internationales de services, entendent détacher des travailleurs en France doivent déclarer ces derniers à l'administration du travail, chargée de veiller au respect des règles protectrices dans ce domaine.
Depuis le 1er janvier 2014, la télétransmission des déclarations de détachement est possible pour toutes les entreprises qui y souscrivent. Elle représente une réelle simplification pour les entreprises, mais reste toutefois facultative, la déclaration de détachement continuant de pouvoir être adressée soit par fax, soit par courrier à l'unité territoriale compétente, ce qui est plus compliqué.
Seule la généralisation de la déclaration par voie dématérialisée peut procurer aux services de contrôle une base de données exhaustive des entreprises qui interviennent sur le territoire. Elle permettrait de pallier les carences du dispositif FRAMIDE, que vous mentionniez.
Rendre la déclaration par voie dématérialisée obligatoire pour tous les déclarants nécessite, comme vous le savez, une disposition législative afin de compléter l'article L. 1262-1 du code du travail. Avec le rapporteur thématique Denys Robiliard, vous avez déposé un amendement en ce sens au projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques dont l'examen a débuté hier à l'Assemblée nationale. Nous aurons donc l'occasion d'en discuter dans les jours à venir. Si votre amendement, que je soutiens naturellement, était adopté, cette généralisation serait progressive. Ses modalités seraient fixées par décret en Conseil d’État, après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, avis requis pour de tels sujets. La généralisation permettrait alors de tenir le compte du nombre de salariés détachés par un même employeur, ce qui est une question majeure.
Merci encore une fois, monsieur le député, pour votre action résolue et votre soutien sans faille dans la lutte contre le travail illégal.
M. le président. La parole est à M. Gilles Savary.
M. Gilles Savary. Je remercie M. le ministre de son ouverture sur ce sujet très important. Les difficultés du passage d'un système écrit très incomplet – le propre de la fraude est d'éviter de se déclarer ! – à un dispositif électronique systématique ne doivent pas être sous-estimées. Il faut cependant y arriver. Je me réjouis que nous puissions avancer dans les jours qui viennent, lors de la discussion du projet de loi Macron, afin de mettre en place ce dispositif.
Auteur : M. Gilles Savary
Type de question : Question orale
Rubrique : Travail
Ministère interrogé : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Ministère répondant : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 janvier 2015