permis de conduire
Question de :
M. Dominique Tian
Bouches-du-Rhône (2e circonscription) - Les Républicains
M. Dominique Tian attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'inquiétude exprimée par les associations de sécurité routière face à la disparition programmée, pour janvier 2015, du permis de conduire à puce. Le Gouvernement a décidé de supprimer la puce électronique dans les nouveaux permis de conduire seulement un an et demi après sa mise en place, en septembre 2013. Au moment de sa sortie, le ministère de l'intérieur entendait « se doter d'une parade efficace pour lutter contre l'explosion des faux permis en France ». Les nouveaux permis de conduire, conformes à la directive européenne 2006/126/CE, étaient au format de carte de crédit et devaient comporter différentes caractéristiques censées permettre de lutter contre la fraude. La France a été la vitrine d'une technologie prometteuse créée par des entreprises françaises. Le coût de cette nouvelle carte était estimé à 15 euros. La puce représente 16 % de ce prix, soit 2,40 euros. La supprimer représenterait une économie de l'ordre de 6 millions d'euros annuellement pour les nouveaux permis et les renouvellements. Alors que tous les experts s'accordent à dire que ce dispositif est l'élément clef garantissant l'ultra sécurisation du document, par cette décision, la France s'apprête à porter un coup redoutable à la lutte contre la fraude. Dans le même temps c'est également un manque à gagner important pour les entreprises françaises leader en ce domaine. D'ailleurs, d'autres pays, tels que les Pays-Bas, commencent à adopter le permis de conduire à puce. Aussi il lui demande s'il compte revenir sur sa décision, préjudiciable pour la sécurité routière, pour la lutte contre la fraude et aux entreprises françaises.
Réponse en séance, et publiée le 28 janvier 2015
DISPARITION DU PERMIS DE CONDUIRE À PUCE
M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour exposer sa question, n° 838, relative à la disparition du permis de conduire à puce.
M. Dominique Tian. Le ministre de l'intérieur a commenté hier les chiffres de la sécurité routière, qui ne sont malheureusement pas bons. Ma question, relative au permis de conduire à puce électronique, est donc tout à fait d'actualité.
Je déplore que le Gouvernement soit en train de faire marche arrière sur ce sujet. Alors qu'un tout nouveau document relatif au permis de conduire sécurisé avait été mis en circulation en septembre 2013, à grand renfort de communication, il a été décidé, voilà quelques semaines, d'abandonner les puces électroniques sur le permis de conduire, pour des raisons de contraintes budgétaires. Du coût de cette nouvelle carte, estimé à 15 euros, la puce ne représentait que 16 %, soit 2,40 euros.
Or le porte-parole du ministère de l'intérieur estime que renoncer à la puce permettra d'économiser annuellement 6 millions d'euros pour les nouveaux permis et les renouvellements. Cette décision m'indigne car elle sera, selon moi, lourde de conséquences. Tous les experts s'accordent en effet à dire que la puce est l'élément clé garantissant la sécurisation du document. Par cette décision, la France s'apprête malheureusement à porter un coup redoutable à cet effort de sécurisation.
Selon certaines estimations émanant du ministère de l'intérieur ou d'experts, on compterait en France près de 3 millions de faux permis de conduire, soit 10 à 15 % des permis en circulation. Il s'agit là d'un vrai problème que l'on était sur le point de résoudre, mais ce ne sera malheureusement pas le cas.
Cette décision est également un mauvais coup pour les entreprises françaises, puisque la France a toujours été en pointe dans ce genre de technologies – je songe notamment à l'entreprise Gemalto, installée dans ma région – et que notre savoir-faire est reconnu dans le monde entier.
En renonçant à cette puce, vous baissez le niveau de protection du document, alors qu'il aurait été possible d'y intégrer d'autres services comme le solde de points des permis. Vous auriez ainsi contribué à désengorger les services des préfectures et à simplifier la vie des conducteurs. Il est par ailleurs un peu paradoxal que certains pays européens, comme les Pays-Bas par exemple, soient justement en train, notamment grâce à la technologie française, d'adopter ce permis de conduire à puce électronique.
Je vous demande donc, madame la secrétaire d'État, de vous faire mon porte-parole auprès du ministre de l'intérieur, afin qu'il revienne sur cette mesure finalement très peu coûteuse, et qui pourrait contribuer à sauver de nombreuses vies sur les routes françaises.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la politique de la ville.
Mme Myriam El Khomri, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville. Monsieur le député Dominique Tian, je vous prie, une fois encore, de bien vouloir excuser le ministre de l'intérieur pour son absence.
Vous interrogez le Gouvernement sur les conséquences de l'abandon de la puce électronique sur le nouveau permis de conduire au format européen. En préambule, il m'apparaît utile de vous rappeler que la directive européenne 2006/126/CE n'a pas rendu obligatoire l'ajout d'une puce dans les permis de conduire au format européen, laissant cette option à l'appréciation de chaque État membre de l’Union européenne. Dans leur très grande majorité, les États membres ont fait le choix de ne pas doter leur nouveau titre, au format européen, d'une puce électronique. Et la décision de supprimer ce dispositif sur le permis de conduire français s'est appuyée sur des réflexions abouties.
Le premier argument, c'est que la sécurisation du titre est obtenue par d'autres moyens. Produit par l'Imprimerie nationale, le titre français, composé de plusieurs couches de polycarbonate, est doté de plusieurs systèmes de sécurité : gaufrages, guillochis, encres optiquement variables, hologramme, police de caractères particulière. Ces paramètres de sécurité rendent le titre hautement sécurisé, même en l'absence de puce électronique.
Le second, c'est le faible intérêt opérationnel de la mesure. Les expertises complémentaires menées auprès des forces de l'ordre ont en effet conclu que la présence d'une puce ne présentait qu'un faible intérêt opérationnel, dès lors qu'elle ne contiendrait pas d'informations relatives aux droits à conduire et que celles-ci seraient accessibles, en même temps que la photo de l'usager, au travers de la consultation de la base de données FAETON. En effet, la puce électronique ne contient que les seules informations déjà visibles sur le titre – état-civil, photographie, catégories obtenues, date de délivrance, date d'obtention et de fin de validité des catégories, numéro du titre, éventuelles restrictions de conduite – et ne contient ni le capital point, ni l'historique des procès-verbaux.
Troisièmement, sans affaiblir le niveau de sécurité du titre, les économies attendues sont considérables. D'un point de vue budgétaire, il convient de rappeler, comme vous l'avez fait, que les coûts de fabrication et d'expédition de ce nouveau titre s'établissent à 15 euros, dont 2,40 euros au seul titre de la puce, soit 16 % du prix du titre. Or la France produit annuellement 2,5 millions de permis de conduire, des permis PRIMATA pour les nouveaux conducteurs, des permis renouvelés pour les usagers ayant acquis un droit à conduire dans d'autres catégories, ayant perdu ou s'étant fait voler leur permis de conduire, et enfin, des permis pour les professionnels dont le permis n'est valable que cinq ans.
Par ailleurs, la directive 2006/126/CE impose aux États membres qu'à compter de 2033, les permis nationaux délivrés avant le 16 janvier 2013 soient remplacés par les nouveaux titres au format européen : pour la France, cela représente un stock de 38 millions de permis de conduire. Dans le cadre d'une recherche d'économies généralisée à l'ensemble des activités de l'État, cette suppression permettra donc des économies substantielles pour le budget de l'État.
La mise en œuvre de cette décision sera effective le plus tôt possible en 2015, dès que la France aura notifié à la Commission européenne sa décision de supprimer la puce électronique, que le permis de conduire aura été homologué par la Commission, et que les États membres en auront été informés. L'orientation prise en l'espèce ne remet pas en cause, bien entendu, tout l'intérêt de la technologie des cartes à puce qui offre, dès lors qu'elle répond à l'attente définie et recherchée par le client, un bouquet de services qui a démontré sa haute qualité.
Auteur : M. Dominique Tian
Type de question : Question orale
Rubrique : Sécurité routière
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 janvier 2015