Iraq
Question de :
M. Jean-Marc Germain
Hauts-de-Seine (12e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. Jean-Marc Germain attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères et du développement international sur la situation des deux millions de réfugiés au Kurdistan irakien parmi lesquels une immense majorité de chrétiens et yézidites pourchassés par l'organisation Daesh. Il souhaite connaître les perspectives d'intensification de l'aide humanitaire apportée à ces communautés pour leur permettre de retrouver une vie décente dans l'attente de rentrer chez eux, ainsi que les efforts engagés par notre pays pour accueillir ceux qui le souhaitent sur notre territoire.
Réponse en séance, et publiée le 13 février 2015
AIDE AUX PERSONNES RÉFUGIÉES AU KURDISTAN IRAKIEN
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Germain, pour exposer sa question, n° 916, relative à l'aide aux personnes réfugiées au Kurdistan irakien.
M. Jean-Marc Germain. Avant d'en venir à ma question, monsieur le secrétaire chargé des relations avec le Parlement, je voudrais me réjouir qu'un accord soit intervenu à Minsk il y a quelques minutes. C'est une étape importante vers la paix en Ukraine, et je salue l'action de la diplomatie française et du Président de la République en la matière.
J'appelle aujourd'hui votre attention sur la situation au Kurdistan irakien. Sur ma réserve parlementaire, je soutiens l'initiative d'une ONG médicale franco-kurde en finançant l'achat, l'équipement et l'acheminement d'un dispensaire mobile. Je me suis rendu sur place du 13 au 16 janvier, dans les régions d'Erbil et de Duhok.
Sur le plan militaire, la situation semble stabilisée. Après que la capitale, Erbil, a été directement menacée, les peshmergas ont quasiment repris le contrôle de l'ensemble des territoires abritant des populations majoritairement kurdes, Kirkouk, la rive droite du Tigre et les alentours de mont Sinjar.
Mes interlocuteurs ont souligné le rôle décisif joué par la France, avec la venue du Président de la République à Erbil en septembre dernier, l'intervention de nos forces aériennes et la fourniture d'armements et de munitions. Je tiens néanmoins à appeler votre attention sur la fragilité de la situation. J'ai pu constater en allant sur la ligne de front à proximité de Mossoul le manque d'équipement des peshmergas, en gilets pare-balles ou casques mais aussi en matériel lourd, pour défendre une ligne de front qui s'étend sur 1 400 kilomètres.
Sur le plan humanitaire, la région a été confrontée à un afflux considérable de réfugiés, en provenance de Syrie d'abord puis, à partir de juin 2014, avec la chute de Mossoul, en provenance d'Irak. Ce sont majoritairement des chrétiens et des yézidis persécutés par l'organisation terroriste Daech. Ils sont au total entre 1 et 2 millions de personnes pour une région qui en compte 5, et 800 000 dans le seul gouvernorat de Dohuk pour une population de 1 million d'habitants. J'ai pu constater le bon accueil qui leur a été réservé par les Kurdes mais aussi l'extrême difficulté des autorités locales pour faire face à l'immensité des besoins.
L'aide internationale est certes importante, mais insuffisante. Un grand nombre d'ONG sont présentes, et je salue leur courage, mais l'ensemble manque de coordination.
J'ai pu mesurer dans les nombreux camps visités combien la situation des réfugiés restait précaire. Beaucoup n'ont pas trouvé place dans des camps et sont réfugiés dans des immeubles en construction ou des terrains vagues insalubres. La nécessité d'organiser la vie, et pas simplement la survie, dans ces camps, dont certains dépassent les 60 000 personnes, devient un impératif. Je pense particulièrement à l'accès aux soins – le manque de médicaments est criant – et à la scolarisation des enfants.
Monsieur le secrétaire d’État, au-delà des gros efforts déjà déployés, quelles initiatives la France entend-elle prendre pour venir en aide au Kurdistan irakien ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le député, la France est aux avant-postes de la mobilisation internationale en Irak. Le ministre des affaires étrangères et du développement international, Laurent Fabius, est allé à Erbil le 10 août pour superviser les premières livraisons d'aide humanitaire. Le Président de la République s'est rendu dès le 12 septembre 2014 à Bagdad et à Erbil.
La situation dramatique de la population irakienne, que vous avez pu récemment constater par vous-même, et notamment celle de ses minorités, parmi lesquelles les chrétiens et les yézidis, est au cœur de nos préoccupations. Pillages, viols, massacres, ces minorités sont parmi les premières cibles des terroristes de Daech.
D'emblée, la France a été en première ligne pour leur venir en aide, sur trois plans.
D'abord, nous portons secours aux déplacés et aux réfugiés. Face à l'ampleur des besoins – 2,1 millions de déplacés – la France a débloqué en 2014 une aide humanitaire d'urgence de 5,2 millions d'euros : 3,7 millions d'euros pour soutenir les acteurs humanitaires sur place – Nations unies, ONG internationales et locales – et 1,5 million d'euros pour l'envoi d'environ 100 tonnes de fret humanitaire. Cette aide porte principalement, avec l'arrivée de l'hiver, sur la distribution d'aide alimentaire, d'abris, de chauffage et de couvertures, mais concerne aussi la santé. De nouveaux moyens sont mobilisés en 2015 pour poursuivre voire intensifier cette aide.
La France fait le nécessaire pour inciter ses partenaires à poursuivre leur aide Dès le mois d'août, nous avons appelé l’Union européenne à mettre en place un pont de solidarité humanitaire pour acheminer une aide d'urgence au Kurdistan irakien. L’Union européenne a consacré 20 millions d'euros à l'aide humanitaire en faveur de l'Irak en 2014, et 11,5 millions d'euros sont prévus en 2015. L'appel global des Nations unies pour l'Irak s'élève pour 2015 à 1,2 milliard de dollars. Il a principalement été financé, en 2014, par une contribution saoudienne de 500 millions d'euros.
Ensuite, fidèle à sa vocation de terre d'asile, la France a décidé de favoriser l'accueil de réfugiés irakiens qui le demandent. Nos consulats à Erbil et Bagdad ont été renforcés, tandis que l'OFPRA et l'OFII ont été mobilisés dans le cadre des procédures accélérées pour favoriser l'accueil de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants gravement menacés, quelles que soient leurs origines ou leurs croyances. Près de 1 000 personnes ont déjà été accueillies sur le territoire français.
La priorité de la France, c'est, bien sûr, de permettre à ces communautés de rester en paix et en sécurité dans leur pays. Cela passe par notre participation à l'action militaire de la coalition internationale et à notre soutien au processus de réconciliation mené par le Premier ministre al-Abadi. Notre position constante est que seule une solution politique sera à même de venir à bout de la menace terroriste en Irak et de permettre la restauration durable d'un État de droit.
Vous l'aurez compris, notre mobilisation est totale et notre engagement constant.
Auteur : M. Jean-Marc Germain
Type de question : Question orale
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Affaires étrangères
Ministère répondant : Affaires étrangères
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 février 2015