Question orale n° 942 :
contrôle aérien

14e Législature

Question de : M. Gilles Savary
Gironde (9e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

M. Gilles Savary attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche sur l'avenir du service de contrôle aérien spécialisé dans les essais de certification des aéronefs civils et militaires, le CER (circulation d'essais réception). Il s'agit d'un service d'effectifs restreints, mais dont la spécificité et les compétences, particulièrement rares au plan européen, s'inscrivent dans la grande tradition de production aéronautique de notre pays. Participant à la certification d'aéronefs de production française ou européenne, ses activités relèvent d'un caractère hautement stratégique, au plan économique comme au plan militaire. Alors que l'Union européenne en reconnaît l'excellence, le CER est en porte à faux entre deux tutelles ; celle de la DGAC et celle du ministère de la défense, sans pouvoir de ce fait manifester et défendre les spécificités de son métier et de ses missions si particulières. En particulier, l'absence de reconnaissance spécifique du CER le prive de participer en tant que tel aux concertations et négociations européennes concernant le ciel unique, le FABEC ou encore le programme SESAR, qui constitueront pourtant son environnement professionnel à brève échéance. Face à la crainte de dilution de ses spécificités professionnelles le CER aspire à une clarification et à une reconnaissance de son précieux savoir-faire ainsi qu'à une plus étroite association de ses professionnels aux grands chantiers aériens engagés au plan national, comme au plan européen. Il souhaiterait savoir si des pistes de travail sont envisagées pour clarifier et reconnaître la spécificité de ce service, en particulier pour ce qui concerne sa tutelle ministérielle et son association aux travaux européens concernant l'aviation civile.

Réponse en séance, et publiée le 25 mars 2015

AVENIR DU SERVICE "CIRCULATION D'ESSAIS RÉCEPTION" EN MATIÈRE AÉRONAUTIQUE
M. le président. La parole est à M. Gilles Savary, pour exposer sa question, n°  942, relative à l'avenir du service "Circulation d'essais réception" en matière aéronautique.

M. Gilles Savary. Le contrôle aérien en France est partagé entre deux grands services : le contrôle de l'aviation civile, dont la tutelle est assurée par la Direction générale de l'aviation civile, la DGAC, et le contrôle aérien militaire qui a pour tutelle le ministère de la défense.

Il existe entre les deux un tout petit service, 80 agents au plus : le service « Circulation d'essais réception » – CER. Or, aujourd'hui ce service traverse une crise d'identité.

Il s'agit pourtant d'un service pratiquement unique au monde. Le CER, qui caractérise donc la France, grand producteur d'aéronefs, pilote les exercices de certification des aéronefs civils et militaires. Avant d'être certifié, un avion vole en effet plusieurs heures en période d'essai. Cet exercice est confié à ce service spécifique, le CER.

Le caractère très modeste de ce service, le fait qu'il soit tiraillé entre deux tutelles, puisqu'il certifie aussi bien des avions militaires comme le Rafale que des avions civils comme l'Airbus A380, lui fait craindre une dilution au sein de la DGAC, ou tout au moins une moindre visibilité et une moindre reconnaissance de ses spécificités. Pourtant l'Europe donne des gages au CER, qu'elle considère comme un service extrêmement précieux et à caractère hautement stratégique. Et rappelons que l'Europe est le deuxième, parfois même le premier producteur d'engins aériens !

Il est paradoxal que Bruxelles s'intéresse de près au savoir-faire de ce service alors que la France semble ne lui prêter que peu d'attention. En effet, ses agents ne sont pas, contrairement à ceux de la DGAC ou du contrôle aérien militaire, associés aux grands travaux européens concernant Eurocontrol, le Ciel unique européen, le FABEC – bloc d'espace aérien fonctionnel Europe centrale – ou le programme SESAR – Single European Sky ATM Research.

Le Gouvernement peut-il clarifier cette situation et rassurer les personnels ? La France va-t-elle enfin considérer que ce service, du fait de sa spécificité, mérite une plus grande visibilité et une association plus étroite aux travaux européens ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des anciens combattants et de la mémoire.

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État chargé des anciens combattants et de la mémoire. Monsieur le député, le service dédié à la circulation aérienne d'essais réception, le CER, est une spécificité française qui permet de réaliser, selon des modalités particulières, le contrôle aérien d'aéronefs en vols d'essai. Initialement placé sous la tutelle du ministère de l'industrie, le service de la CER rejoint le ministère de la défense en 1985. En 2005, il devient une composante de la circulation aérienne militaire, la CAM.

Désormais le dispositif de contrôle aérien qui met en œuvre cette CER fait partie de la Direction générale de l'armement, la DGA, qui compte en son sein 79 contrôleurs CER, dont 65 civils et 14 militaires.

S'agissant de la tutelle, il convient de noter que le ministère de la défense s'est attaché à préserver certaines spécificités de la CER. Ainsi, parmi les fonctions régaliennes de la CAM, le directeur de DGA Essais en vol reste responsable de l'élaboration des règles de la CER et conserve l'habilitation pour établir des exemptions aux règles générales lorsque les activités d'essai l'imposent.

Par ailleurs, les contrôleurs de la CER peuvent également réaliser leurs activités selon les règles communes de la circulation aérienne générale lorsque celles-ci se prêtent davantage aux profils des vols envisagés et aux espaces aériens traversés.

Les très bonnes relations unissant la DGA à la Direction de la sécurité aéronautique d'État, chargée de la CAM, d'un côté et à la DGAC de l'autre permettent cette reconnaissance et cette prise en compte des besoins de la CER au niveau national, tant par les militaires que par les civils.

En outre, la représentation systématique de DGA Essais en vol dans les instances de décision et de concertation de la CAM, tant sur le plan national qu'européen, assure la prise en compte des intérêts de la CER.

Le point d'équilibre actuel permet d'offrir à la CER la flexibilité requise pour la bonne réalisation d'essais en vol dont la planification et la réalisation sont souvent sources d'aléas. Une dissolution totale de la CER au sein de la CAM pourrait conduire les activités de CER à subir une constriction certaine en raison de l'exiguïté des espaces aériens utilisables. Quant à son absorption par la DAG, elle rendrait très difficile toute possibilité de dérogation aux règles communes, ce qui s'avère souvent nécessaire lors des développements de prototypes.

La question principale touche aux interrogations que suscitent les évolutions européennes en matière de contrôle aérien, avec des impacts probables sur les modes d'action actuels de la CER. Aux termes du règlement qui encadre la création du Ciel unique européen, un minimum de souveraineté nationale sera conservé mais la CER, tout comme la CAM, ne pourront échapper aux effets des décisions prises dans le cadre des travaux qui y sont liés.

Tout à fait conscient de cette situation, le délégué général pour l'armement a fixé pour mission à la DGA Essais en vol de conduire les actions nécessaires afin de garantir la pérennité de la CER au sein du futur Ciel unique européen et de faire figurer dans les futurs textes européens les éléments relatifs à la CER et à ses méthodes. C'est aujourd'hui chose faite pour la réglementation EU 2015/340 ATCO, Air Traffic Controller, relative aux licences des contrôleurs européens, qui reconnaît la spécificité des compétences détenues par les contrôleurs CER.

M. le président. Monsieur le ministre, il faut conclure…

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État . La réglementation ATM/ANS, Air traffic management/Air navigation services, relative aux procédures de contrôle, qui est en cours de validation par les États, mentionne également les spécificités propres aux contrôles d'essais. Ce sont donc deux piliers majeurs de la réglementation européenne relative au contrôle aérien qui font apparaître les règles qui détermineront l'existence future de la CER au sein du Ciel unique européen.

M. le président. La parole est à M. Gilles Savary.

M. Gilles Savary. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, pour cette réponse très complète et rassurante. Le service de la CER, en dépit de ses faibles effectifs, revêt une importance stratégique certaine que la France se doit de faire valoir. Je connais bien les rapports de force qui prévalent à Bruxelles et je sais que lorsqu'il s'agit d'aéronautique, la France a son mot à dire. Il serait bon qu'elle soit suivie par l'Allemagne sur cette question très importante pour l'ensemble de l'Europe.

Données clés

Auteur : M. Gilles Savary

Type de question : Question orale

Rubrique : Transports aériens

Ministère interrogé : Transports, mer et pêche

Ministère répondant : Défense

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 mars 2015

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