réglementation
Question de :
M. Yves Nicolin
Loire (5e circonscription) - Les Républicains
M. Yves Nicolin attire l'attention de Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique sur les lacunes que connaît le dispositif du compte épargne temps, institué par le décret 2004-878 du 26 aout 2004, notamment en cas de mutation d'un agent d'une collectivité à une autre et principalement en matière d'indemnisation financière de ladite collectivité. S'il est à cet égard tout à fait prévu par le décret que l'agent conserve les droits à congés qu'il a épargnés, aucune disposition n'est prévue en matière d'indemnisation financière de collectivité à collectivité en cas de mutation de l'agent.
Réponse en séance, et publiée le 25 mars 2015
LACUNES DU DISPOSITIF DU COMPTE ÉPARGNE TEMPS DANS LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE
M. le président. La parole est à M. Yves Nicolin, pour exposer sa question n° 960 sur les lacunes du dispositif du compte épargne temps dans la fonction publique territoriale.
M. Yves Nicolin. Je souhaite attirer l'attention de Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique sur les lacunes que connaît le dispositif du compte épargne temps – CET – institué par le décret n° 2004-878 du 26 août 2004.
Ce dispositif est, je le rappelle, lié au régime de la retraite additionnelle de la fonction publique. Vous le savez, ce compte épargne temps permet aux fonctionnaires titulaires et aux agents contractuels qui occupent un temps complet ou partiel d'accumuler sur plusieurs années des jours de congé, rémunérés ou non selon que la collectivité a, par délibération, ouvert la possibilité d'indemnisation des jours du CET ou leur prise en charge au titre de la retraite additionnelle de la fonction publique. Alimenté de différentes façons – jours de congé annuels, jours de RTT, jours de repos compensateurs – ce compte est ouvert à la demande de l'agent public, qui est chaque année informé des droits qu'il a épargnés et consommés.
En cas de mutation ou de détachement de l'agent, s'il est prévu par le décret qu'il conserve les droits à congés qu'il a épargnés, aucune disposition n'est prévue pour l'indemnisation financière d'une collectivité à l'autre. Il paraît illogique, et en tout cas injuste, que seule la collectivité d'accueil soit redevable financièrement de l'ensemble du CET qu'un agent aurait pu mettre en place au cours de sa carrière dans différentes collectivités. Son montant peut représenter un lourd fardeau, et cette situation pourrait freiner les mutations inter-collectivités. Actuellement, certaines collectivités proposent des conventions financières de transfert des jours de congé, mais rien n'est obligatoire : si une collectivité ne souhaite pas la signer, rien ne l'y oblige. C'est alors la collectivité d'accueil qui va financer la totalité du CET de l'agent, quand bien même celui-ci n'y aurait passé que quelque temps.
De même, le calcul et les modalités financières ne sont pas forcément identiques d'une collectivité à l'autre. Là encore, il conviendrait d'uniformiser les modalités financières pour éviter ces calculs disparates.
Je souhaiterais donc que vous m'indiquiez si le Gouvernement entend prendre des mesures pour clarifier et imposer des règles précises pour le transfert financier du CET. Cela peut aisément se faire par décret.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des anciens combattants et de la mémoire.
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État chargé des anciens combattants et de la mémoire. Monsieur le député Yves Nicolin, je vous prie tout d'abord d'excuser l'absence de ma collègue ministre de la décentralisation et de la fonction publique.
Ainsi que vous l'avez rappelé, les agents de la fonction publique territoriale peuvent bénéficier, à leur demande, d'un compte épargne temps. Ce compte est régi par le décret n° 2004-878 du 26 août 2004, qui a été profondément modifié par le décret no 2010-531 du 20 mai 2010. Il permet aux agents territoriaux d'épargner des jours de congé et des jours de RTT non utilisés, dans une triple limite : pas plus de 22 jours par an et pas plus de 60 jours au total, avec l'obligation d'utiliser les 20 premiers jours sous forme de congés.
Afin de ne pas imposer aux collectivités territoriales une charge financière supplémentaire, le décret prévoit en outre dans son article 11 que l'indemnisation ou la prise en compte au sein du régime de retraite additionnelle de la fonction publique des droits épargnés sur le CET n'est possible que si une délibération en décide. La réglementation donne ainsi toute liberté aux collectivités et aux établissements pour définir, au vu de leurs contraintes, des modalités appropriées d'utilisation des comptes épargne temps de leurs agents.
Pour répondre au cas de figure précis que vous évoquez, lorsqu'un agent est conduit à changer de collectivité, la collectivité d'origine et la collectivité d'accueil peuvent signer une convention afin de fixer entre elles les modalités financières du transfert des droits accumulés par l'agent bénéficiaire d'un CET. Il appartient donc à la collectivité d'accueil et à la collectivité d'origine de prévoir dans cette convention une disposition pour que les modalités financières d'utilisation du compte épargne temps n'incombent pas à la seule collectivité d'accueil de l'agent. La nécessaire liberté des employeurs en la matière est ainsi intégralement assurée.
M. le président. La parole est à M. Yves Nicolin.
M. Yves Nicolin. Je suis très déçu de cette réponse, monsieur le secrétaire d'État. Vous ne m'apprenez rien, vous n'avez fait qu'expliquer le décret. Or il y a un problème dans le décret ! Imaginons qu'un agent, en particulier un cadre, issu de votre commune, dans laquelle il aurait passé vingt ans et aurait accumulé un compte épargne temps qui représente des dizaines de jours et peut peser des dizaines de milliers d'euros, exerce une mobilité dans ma collectivité, la ville de Roanne. Si votre collectivité refuse de signer une convention, la mienne devra reprendre la totalité de son compte épargne temps et en payer l'intégralité lorsqu'il partira à la retraite. C'est profondément injuste : les collectivités en amont se déchargent totalement du compte épargne temps de leurs agents.
Il convient donc de modifier le décret pour faire en sorte que lorsqu'elles acceptent la mobilité, les collectivités acceptent aussi de fait, et de droit, le transfert du compte épargne temps de l'agent, avec ses modalités financières. Sans quoi nous créerons des inégalités entre collectivités.
Si le décret prévoit la possibilité de signer une convention, rien n'oblige les collectivités à le faire, et c'est là où le bât blesse. Je m'en étais entretenu avec la ministre de la décentralisation et de la fonction publique il y a plusieurs mois. Je lui ai écrit à ce sujet, et je n'ai jamais reçu de réponse. Je l'interroge aujourd'hui dans l'hémicycle, et l'on se contente de me rappeler la loi, que je connais parfaitement, sans même évoquer le moindre problème. Or ce problème est réel, et la solution que je propose ne coûterait rien à l'État : les collectivités paieraient simplement leur juste part lorsqu'elles acceptent le départ d'un de leurs agents vers une autre collectivité.
Auteur : M. Yves Nicolin
Type de question : Question orale
Rubrique : Fonctionnaires et agents publics
Ministère interrogé : Décentralisation et fonction publique
Ministère répondant : Décentralisation et fonction publique
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 mars 2015