Question orale n° 987 :
logement social

14e Législature

Question de : M. Jean-Christophe Fromantin
Hauts-de-Seine (6e circonscription) - Union des démocrates et indépendants

M. Jean-Christophe Fromantin interroge Mme la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité sur les nouvelles mesures relatives au logement social annoncées par le Gouvernement le 6 mars 2015. Les préfets pourront être amenés à délivrer les permis de construire au nom des communes carencées. Pourtant, actuellement, les préfets ont déjà la possibilité d'intervenir et de préempter dans ces communes carencées. Quand il y a un manque de disponibilité foncière les difficultés sont les mêmes pour le maire comme pour le préfet. Il est illusoire de donner des objectifs toujours plus grands alors que, dans une ville comme Neuilly-sur-Seine, souvent pointée du doigt, où le foncier disponible est rare, près de 80 % des logements construits sont des logements sociaux. Il est inefficacement coûteux pour les finances publiques de s'entêter à vouloir construire des logements sociaux dans des communes sans disponibilités foncières et où le coût du terrain est exorbitant. Il est stérile d'augmenter les objectifs là où ceux existants ne peuvent déjà pas être atteints. Cette stratégie montre clairement ses limites et pose plusieurs questions : quelle différence fait-on entre les villes qui ont un potentiel et celles qui n'en ont pas ? Pourquoi continuer à comptabiliser le nombre de logements et pas la surface des logements ? Pourquoi ne pas territorialiser les objectifs de la loi SRU sur des échelles intercommunales ? Par ailleurs, seule une véritable politique d'aménagement du territoire serait à la hauteur de l'enjeu vital du logement. Dans la moitié du territoire français, des logements sociaux ne trouvent pas preneurs contrairement à l'Ile-de-France ou dans quelques grandes métropoles. L'enjeu est d'assurer un développement homogène sur l'ensemble du territoire, une politique globale et non pas des mesures coercitives. La question porte sur les mesures envisagées par le Gouvernement pour intégrer le logement dans les politiques d'aménagement du territoire.

Réponse en séance, et publiée le 27 mars 2015

NOUVELLES MESURES RELATIVES AU LOGEMENT SOCIAL ANNONCÉES PAR LE GOUVERNEMENT
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour exposer sa question, n°  987, relative aux nouvelles mesures relatives au logement social annoncées par le Gouvernement.

M. Jean-Christophe Fromantin. Madame la ministre du logement, ma question porte sur l'évolution de la loi SRU et de la politique du logement en général, avec l'expérience de la commune dont je suis maire, qui est confrontée à une difficulté structurelle.

Trois éléments méritent d'être regardés.

Premièrement, ne pourrait-on pas faire une distinction, pour l'application de la loi SRU, entre les communes qui sont de bonne foi et celles qui ne le sont pas ? Dans les communes qui, objectivement, ne peuvent pas appliquer la loi, il pourrait y avoir des aménagements et non des mesures coercitives ou des surpénalités comme celles qui sont régulièrement annoncées. En raison de leur configuration urbaine, ces communes ne pourront pas, en effet, atteindre l'objectif de 25 %, si ce n'est à un coût énorme ou alors par préemption ou privation du droit à la propriété dans des conditions contraires à nos principes républicains.

Deuxièmement, la reconfiguration territoriale actuelle –avec de nouvelles politiques d'intercommunalité, la création de la métropole du Grand Paris et des établissements publics territoriaux, le transfert des compétences d'urbanisme – n'est-elle pas l'occasion de transférer également ces obligations ? Puisque les outils d'urbanisme et les leviers qui vont avec vont changer d'échelle, il me semble pertinent que les obligations et les objectifs liés à la loi SRU portent sur de nouveaux périmètres.

Un cas l'illustre très bien, celui de la ville de Paris. Ce ne sont pas les arrondissements parisiens qui sont soumis à la loi SRU, mais la ville de Paris tout entière. Le territoire de projet permet de contrebalancer les difficultés structurelles rencontrées dans certains arrondissements –notamment dans le cœur de Paris, à l'urbanisme extrêmement dense et historique – par le fait que, dans d'autres arrondissements, le renouvellement urbain, grâce aux friches, aux projets immobiliers, permet d'appliquer la loi SRU.

Troisième élément, l'aménagement du territoire. Quand on regarde les cartes du logement social, une situation nous interpelle : il y a du logement social vacant dans une partie du territoire et une demande problématique dans les métropoles. Ne pourrait-on pas mieux déployer nos projets de territoire, nos projets économiques ? L'aménagement du territoire, voilà un terme qui paraît presque un peu désuet aujourd'hui. On en parlait beaucoup dans les années 60, 70, voire 80. Aujourd'hui, l'expression semble être un peu oubliée. Quelle pourrait donc être une politique d'aménagement du territoire au regard de ces problématiques de logement ?

Tels sont donc les trois éléments que je voulais évoquer, l'application de la loi SRU en zone dense nonobstant les difficultés, les réaménagements possibles compte tenu des reconfigurations territoriales – la loi NOTRe par exemple –, et l'aménagement du territoire comme élément de réponse à ces problématiques de logement.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité. Monsieur le député, vous me demandez des précisions sur les annonces faites par le Premier ministre à l'occasion du comité interministériel à l'égalité et à la citoyenneté du 6 mars. Le Gouvernement a, en effet, souhaité renforcer les outils en faveur de la mixité sociale, notamment en matière de logement.

Vous avez souligné les difficultés nombreuses de nos concitoyens à avoir accès à un logement correspondant à leurs besoins ou à la composition de leurs familles. Vous connaissez aussi les dysfonctionnements qu'entraîne au quotidien l'absence de mixité sociale. Ce n'est pas souhaitable et nous devons donc prévoir un certain nombre de moyens pour y remédier.

Les annonces s'articulent autour de trois priorités. Il y a d'abord la production de logements, notamment de logements sociaux, avec une attention particulière à la diversité des logements produits dans les zones tendues pour créer de la mixité à l'échelle d'un bassin. Il y a également une réforme de la politique d'attribution des logements, avec une stratégie définie au niveau intercommunal pour ne pas reproduire les erreurs du passé. Il y a enfin une révision de la politique des loyers.

Il est donc d'abord indispensable de construire. Pour renforcer la cohésion nationale, la construction de logements sociaux doit concerner toutes les communes. Vous m'alertez sur la situation de celles qui, comme la vôtre, disposent de peu de foncier.

Dans ce cas, au-delà de la palette d'outils développée pour faciliter une construction raisonnée, notamment grâce à l'ordonnance du 3 octobre 2013, on peut évidemment augmenter le nombre de logements sociaux par le conventionnement de logements existants ou le développement de l'intermédiation locative. C'est d'ailleurs ce que vous avez commencé à faire dans votre commune.

Il y a aujourd'hui plus d'un million de demandeurs de logements sociaux en France, dont quasiment un tiers rien qu'en Île-de-France. Il est donc légitime de les accueillir dans les communes ayant très peu de logements sociaux plutôt que dans celles qui en ont déjà plus de 50 %.

Enfin, l'intervention des établissements publics fonciers, qui sont souvent destinataires des prélèvements SRU, peut être un outil efficace pour le portage foncier d'opérations permettant d'augmenter le nombre de constructions de logements sociaux.

Concernant la possibilité de territorialiser les objectifs de la loi SRU au niveau intercommunal, nous partageons, je crois, la volonté de ne pas reproduire les erreurs du passé, qui ont créé les inégalités que nous connaissons aujourd'hui. La mixité sociale doit s'établir au plus près des citoyens, au niveau de la commune, comme l'indique la loi SRU et, au sein même de la commune, entre les quartiers, comme le prévoit la politique de renouvellement urbain.

Il faut prendre ces évolutions dans leur globalité avec, d'un côté, la production, d'un autre côté, la politique de réforme des attributions et la politique de révision des loyers. C'est avec l'ensemble de ces outils que nous parviendrons à atteindre notre objectif de mixité sociale. Le Gouvernement est déterminé à veiller à la stricte application et à la mise en œuvre des nouvelles mesures qui s'imposent pour faire reculer les inégalités territoriales qui défont le lien social et le sentiment d'appartenance à la République.

Sur le conventionnement et l'intermédiation locative, monsieur le député, mes services et mon cabinet se tiennent à votre disposition pour évoquer plus amplement ces questions.

Données clés

Auteur : M. Jean-Christophe Fromantin

Type de question : Question orale

Rubrique : Logement

Ministère interrogé : Logement, égalité des territoires et ruralité

Ministère répondant : Logement, égalité des territoires et ruralité

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 mars 2015

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