Question orale n° 991 :
détenus

14e Législature

Question de : M. Nicolas Dhuicq
Aube (1re circonscription) - Les Républicains

M. Nicolas Dhuicq attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur la privatisation des missions de chauffeurs pénitentiaires en charge des transferts et extractions médicales. En effet les syndicats s'insurgent contre la proposition du Gouvernement qui recommande la privatisation des chauffeurs pénitentiaires. Les syndicats soulignent que la mission d'escorte des détenus doit uniquement relever des personnels pénitentiaires pour des raisons de sécurité. Seul un chauffeur relevant du personnel pénitentiaire a des compétences pour maitriser la population carcérale et sait comment intervenir en cas d'agression et d'incident. Les chauffeurs doivent avoir une attention accrue vis-à-vis de véhicules pouvant s'en prendre à l'escorte, une capacité à conduire avec des avertisseurs et gyrophares et une responsabilité personnelle engagée vis-à-vis des personnes transportées, détenus mais aussi surveillants. Des qualités que les personnels pénitentiaires détiennent dans le cadre de l'exercice journalier de leurs fonctions. Il lui demande de bien vouloir préciser sa position sur cette question.

Réponse en séance, et publiée le 27 mars 2015

PRIVATISATION DES MISSIONS DE CHAUFFEURS PÉNITENTIAIRES CHARGÉS DES TRANSFERTS ET EXTRACTIONS MÉDICALES
Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour exposer sa question, n°  991, relative à la privatisation des missions de chauffeurs pénitentiaires chargés des transferts et extractions médicales.

M. Nicolas Dhuicq. Les détenus bougent, monsieur le secrétaire d'État : ils ne restent pas nécessairement en prison et peuvent être accompagnés par les membres de l'administration pénitentiaire pour une consultation médicale, pour être auditionnés par un magistrat ou, enfin, pour être transférés d'un établissement à un autre.

Les gouvernements, eux, se succèdent et, à cet égard, se ressemblent : ils ont pour ambition de réduire les coûts en externalisant les services. Aujourd'hui, alors qu'une équipe normale est constituée de trois gardiens et une équipe renforcée de quatre gardiens, nous voyons fleurir ici et là des contrats d'externalisation prévoyant que des chauffeurs appartenant à des sociétés privées accompagnent les détenus.

Accessoirement, sachons que nous manquons de gilets pare-balles pour les gardiens de prison, qui portent encore les anciens flak jackets, et non les gilets plus discrets de nos gendarmes. En outre, un détenu transporté pour être auditionné par un magistrat ou pour être transféré est accompagné d'une équipe armée et équipée de gilets pare-balles ; pour aller consulter un médecin à l'hôpital, en revanche, il sera accompagné de gardiens désarmés et sans gilets pare-balles qui circulent dans des véhicules de l'administration pénitentiaire clairement désignés comme tels.

Monsieur le secrétaire d'État, dans le monde violent d'aujourd'hui, nous plaçons nos gardiens de prison dans une situation extrêmement dangereuse. Est-il normal que ce Gouvernement ne tienne pas compte des revendications justes des gardiens de prison, qui demandent que cessent ces contrats d'externalisation ? En effet, un chauffeur ne possède pas les mêmes attributions qu'un membre de l'administration pénitentiaire puisqu'il n'est pas armé et ne connaît pas la population pénitentiaire. Or, il s'est déjà produit des cas d'agression, à Nantes en particulier : deux gardiens ont failli mourir parce que le chauffeur appartenait à une compagnie privée et ne pouvait pas intervenir. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette question ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la réforme de l'État et de la simplification.

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État chargé de la réforme de l'État et de la simplification. Comme précisé par la circulaire du 18 novembre 2004 relative à l'organisation des escortes pénitentiaires faisant l'objet d'une consultation médicale, le chauffeur n'est pas forcément un membre du personnel pénitentiaire : soit il l'est, soit il appartient au personnel d'un groupement privé dans les établissements à gestion déléguée, soit il est le conducteur d'un véhicule sanitaire léger lorsque l'établissement pénitentiaire a conclu une convention avec une société de transport sanitaire. Depuis cette date, d'ailleurs, c'est souvent cette dernière solution – celle du recours à un véhicule sanitaire léger – qui est préconisée, les établissements pénitentiaires étant invités à passer des conventions avec les sociétés de transports sanitaires à cette fin.

Au-delà du chauffeur, la composition de l'escorte est fonction du profil du détenu, et peut ainsi être renforcée dès lors que le chef d'établissement le juge nécessaire au regard de la dangerosité de la personne détenue.

Par ailleurs, en application des dispositifs de la circulaire interministérielle du 8 avril 1963, il peut être fait appel aux forces de sécurité intérieure pour prêter main forte et assurer la sécurisation du convoi lorsque la personnalité du détenu conduit en milieu hospitalier présente des risques sérieux de trouble à l'ordre public.

Enfin, confier la mission de chauffeur pénitentiaire à un prestataire privé n'empêche pas la formation des personnels qui réalisent cette mission. Une réflexion est en cours à la Direction de l'administration pénitentiaire pour assurer, en complément des formations initiale et continue dont tout le personnel du prestataire privé doit bénéficier, conformément aux règles des marchés de gestion déléguée, des formations spécifiques à destination des chauffeurs des prestataires exerçant en UHSA, unité hospitalière spécialement aménagée.

Ces modules de formation intègrent a minima des éléments sur l'organisation des escortes, le positionnement de chacun, les véhicules de transfert, les moyens de transport particuliers, les moyens de communication et d'alarme, l'environnement professionnel propre à la structure.

Tout cela va vers l'élévation du niveau de qualification des personnels situés en dehors de l'administration pénitentiaire. C'est dans l'encadrement des conventions de délégation et le recours, sur demande du directeur de l'établissement, aux forces de police, qu'il faut chercher la meilleure sécurisation possible des personnes lors des déplacements de détenus.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Votre réponse, monsieur le secrétaire d'État, montre que le Gouvernement ne prend absolument pas en compte la sécurité des personnels. Lorsque j'exerçais mon ancien métier, plusieurs drames se sont produits lors du transfert aux urgences de prisonniers accompagnés des forces de l'ordre. Avoir reçu une formation, c'est bien, mais bénéficier d'un permis de port d'arme et être protégé par un gilet pare-balles, c'est encore mieux quand on sait que les gardiens de prison risquent leur vie en permanence.

En effet, des agressions se produisent chaque jour dans les prisons de France. Dans les centrales, le règlement pénitentiaire n'est pas appliqué. Mme la garde des sceaux a demandé que soient sciés les bâtons des gardiens, de peur qu'ils les utilisent. Les interventions se déroulent dans des conditions de plus en plus dangereuses car les détenus sont de plus en plus armés. Même en centrale, ils fabriquent des armes blanches avec le moindre objet, armes qui ne passent pas à travers les portiques de détection de métaux. Les centrales de France connaissent une situation pré-insurrectionnelle, monsieur le secrétaire d'État, et je pense que les gardiens de prison ne se satisferont pas de votre réponse.

Données clés

Auteur : M. Nicolas Dhuicq

Type de question : Question orale

Rubrique : Système pénitentiaire

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 mars 2015

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