Question orale n° 999 :
réglementation

14e Législature

Question de : M. Thierry Mariani
Français établis hors de France (11e circonscription) - Les Républicains

M. Thierry Mariani interroge Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur le retour en France des jeunes actifs de l'étranger et les difficultés qu'ils rencontrent avec la constitution de leurs droits à la retraite. Compte tenu de la situation en France, beaucoup de jeunes actifs, de plus en plus nombreux, s'expatrient. Aussi, un grand nombre d'entre eux pendant leur expatriation se constituent une épargne retraite notamment à travers des fonds de pensions. En effet, s'il n'y a pas de convention de sécurité sociale entre leur pays de résidence et la France, plus l'expatrié est jeune, moins il a intérêt à cotiser aux régimes de retraite français à travers la caisse des Français de l'étranger (CFE). Mieux vaut donc qu'il épargne la somme qu'il aurait dépensée dans ces cotisations. Lors du retour en France, la non-prise en compte des années d'expatriation dans l'ouverture des droits à la retraite peut s'avérer pénalisante et décourager le retour en France de nombre de jeunes actifs. Aussi, il souhaiterait savoir s'il ne serait pas possible de faciliter le retour de l'épargne constituée à l'étranger dans des plans de retraite français afin d'inciter les jeunes à revenir en France sans que cela ne soit trop pénalisant en terme de retraite. De plus, pour ceux qui restent de manière prolongée à l'étranger et qui souhaitent revenir au moment de leur retraite, le rapatriement de leur épargne retraite est susceptible d'être pris en compte dans l'assiette de l'impôt sur la fortune en France (ISF). Il voudrait également savoir dans quelle mesure il serait possible de ne pas prendre en compte ces sommes dans la base calcul de l'ISF.

Réponse en séance, et publiée le 27 mars 2015

DIFFICULTÉS RENCONTRÉES DANS LA CONSTITUTION DES DROITS À LA RETRAITE PAR LES ACTIFS EXPATRIÉS DE RETOUR EN FRANCE
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Mariani, pour exposer sa question, n°  999, relative aux difficultés rencontrées dans la constitution des droits à la retraite par les actifs expatriés de retour en France.

M. Thierry Mariani. Madame la secrétaire d'État, je souhaite appeler l'attention de Mme la ministre des affaires sociales sur le retour en France des jeunes actifs de l'étranger en raison des difficultés qu'ils rencontrent s'agissant de la constitution de leurs droits à la retraite. En effet, compte tenu de la mauvaise situation de l'emploi en France, les jeunes actifs sont, comme vous le savez, de plus en plus nombreux à s'expatrier. Un grand nombre d'entre eux se constituent alors une épargne retraite, notamment à travers des fonds de pension. Mais s'il n'y a pas de convention de sécurité sociale entre leur pays de résidence et la France, ils doivent évaluer le coût d'une affiliation volontaire au régime français et comparer le montant de leur future pension avec le gain que pourrait leur rapporter un placement financier. Plus l'expatrié est jeune, moins il a intérêt à cotiser aux régimes de retraite français. Mieux vaut donc qu'il épargne la somme qu'il aurait dépensée dans les cotisations.

Lors du retour en France, l'absence de prise en compte des années d'expatriation dans l'ouverture des droits à la retraite s'avère extrêmement pénalisante et décourage le retour de nombreux jeunes actifs. Aussi, j'aimerais savoir s'il ne serait pas possible de faciliter le transfert de l'épargne constituée à l'étranger dans des plans de retraite français afin de permettre à ces jeunes de revenir en France s'ils le souhaitent sans que cela ne soit trop pénalisant en termes de retraite.

Je rappelle que pour les expatriés qui sont restés de manière prolongée à l'étranger et qui souhaitent revenir au moment de leur retraite, le rapatriement de leur épargne retraite est susceptible d'être pris en compte dans l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune en France. Je voudrais donc savoir dans quelle mesure il serait possible d'exclure ces sommes de la base de calcul de l'ISF.

Enfin, je cite, mot pour mot, la solution proposée par Jean-Marc, expatrié à Singapour depuis des années : « Il s'agit de proposer une alternative dans le cadre d'un placement citoyen. Le but est de créer un fond pérenne ou les placements long-terme sont possibles. »

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur le député, vous interrogez Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur les difficultés que rencontrent les jeunes actifs à l'étranger dans la constitution de leurs droits à retraite. Il est d'abord important de rappeler que la France a signé des conventions de sécurité sociale avec une quarantaine de pays. Lorsqu'un actif travaille dans un pays avec lequel la France a signé ce type de convention bilatérale ou dans un État membre de l’Union européenne, les régimes de retraite français calculent la durée d'assurance totale, notamment au regard de la décote, en tenant compte des années d'affiliation réalisées auprès des régimes de retraite du pays partenaire. La personne qui aura travaillé en France et dans le pays partenaire recevra deux pensions de retraite : l'une française, l'autre étrangère, mais les deux auront été coordonnées.

En l'absence de convention de sécurité sociale, les personnes qui s'expatrient ont la possibilité, quel que soit leur âge, de s'affilier à l'assurance vieillesse volontaire, dont la gestion est confiée à la Caisse des Français de l'étranger. Elles s'ouvrent ainsi les mêmes droits à retraite que si elles étaient restées en France. Cette assurance est volontaire : chacun doit choisir s'il souhaite ou non s'ouvrir des droits futurs à la retraite dans le système français par ses cotisations.

Le Gouvernement a veillé, par un décret de juillet 2014, à renforcer le droit à l'information retraite des expatriés et de leurs conjoints : ils peuvent, avant leur expatriation, disposer d'un entretien personnalisé afin de connaître les effets de leur départ sur leurs droits à retraite ainsi que les dispositifs pour y faire face. Cette information doit permettre à chacun de nos compatriotes de choisir le système de protection sociale dans lequel il veut s'inscrire.

Concernant la possibilité d'ouvrir ses droits à la retraite en France sur le fondement de son épargne personnelle, la situation que vous décrivez est celle de personnes qui ont fait le choix de ne pas être affiliées à l'assurance vieillesse française. Elles ont donc préféré se constituer une épargne individuelle plutôt que de participer à la solidarité intergénérationnelle du régime de retraite par répartition. Il n'est donc pas envisageable qu'ils puissent ensuite demander à bénéficier de cette solidarité entre générations. La protection sociale est au cœur du contrat républicain : ce sont des droits et des devoirs, non une formule à la carte que l'on pourrait optimiser. De tels comportements ne seraient pas éloignés d'un tourisme social que j'entends parfois stigmatiser en France même. Enfin, il ne serait pas plus envisageable, en droit comme en équité, d'accorder, dans de telles situations, au surplus une exonération fiscale.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Madame la secrétaire d'État, ma question n'était en rien polémique – je le dis pour la personne qui a rédigé la réponse, car je sais que ce n'est pas votre spécialité. Vos services n'ont pas compris le problème. Certes, les jeunes qui font le choix de l'expatriation ne participent pas à la solidarité générationnelle, mais ils ne la demandent pas non plus. J'ajoute que les expatriés ont souvent une moindre couverture sociale et santé, ainsi qu'en matière de chômage. Par ailleurs, ceux qui voudraient rentrer, parfois au bout de dix ans, ont fréquemment une grande qualité intellectuelle – ainsi, à Hong Kong, les Français sont les deuxièmes à créer des start-up. Mais ils se trouvent devant le calcul suivant : « J'ai épargné tant, et en plus, si je rentre en France, on va me taxer. Je vais être complètement pénalisé parce qu'on va me fiscaliser ce que j'aurai épargné pour ma retraite. » C'est pourquoi ils ne reviennent pas.

Je rappelle que quand vous ou moi épargnons pour notre retraite, nous ne sommes pas imposés sur le moment. Il faut sortir du prisme idéologique et trouver une solution pour que ces gens aient envie de revenir en France, de façon à ce que notre pays puisse bénéficier de leur capital intellectuel. Si la première chose qu'on leur dit après qu'ils ont épargné dix ou quinze ans à l'étranger, voire plus, c'est qu'on va fiscaliser leur épargne alors qu'ils ont fait le choix de ne pas bénéficier du système français, ils ne reviennent jamais. C'est un cercle vicieux. Gauche et droite, on devrait s'entendre pour en sortir car il faut favoriser la navette des talents.

Données clés

Auteur : M. Thierry Mariani

Type de question : Question orale

Rubrique : Retraites : généralités

Ministère interrogé : Affaires sociales, santé et droits des femmes

Ministère répondant : Affaires sociales, santé et droits des femmes

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 mars 2015

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