- Texte visé : Projet de loi de finances rectificative pour 2020, n° 2820
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par :
I. - Pour les exercices clos à compter du 31 mars 2020, l’épargne professionnelle constituée conformément au deuxième alinéa du 1 du I de l’article 72 D bis du code général des impôts peut être utilisée dans les conditions prévues au 2 du II de l’article 73 du même code ; cette utilisation est réputée conforme aux dispositions des 2 et 3 du I de l’article 72 D bis.
II. - Le I s’applique jusqu’au 31 décembre 2020.
III. - La perte de recettes pour l’Etat est compensée par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Compte tenu de la crise économique que subissent actuellement de nombreuses exploitations agricoles du fait des restrictions sanitaires et administratives imposées par la crise du COVID 19, il est proposé de permettre aux exploitants de mobiliser l’épargne constituée sous la DPA dans les conditions d’utilisation, plus souples, de l’épargne de précaution.
Les activités agricoles sont en effet diversement impactées par les restrictions de circulation mises en place pour lutter contre le Covid-19. Ainsi, les professionnels ayant fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public ou subissant la fermeture des commerces non alimentaires sont particulièrement touchés et notamment les horticulteurs, les centres équestres, les pépiniéristes et les fermes auberges. Mais d’autres productions, pourtant alimentaires, subissent les conséquences immédiates de la fermeture comme de la désorganisation de certains marchés ou circuits de commercialisation. Il s’agit dans l’immédiat des viticulteurs, des producteurs d’agneau, de jeunes bovins, de certains maraîchers, de divers secteurs de l’aviculture (cailles, canards, pigeons…). Mais d’autres productions les rejoignent déjà : du lait à la pomme de terre, bon nombre d’entreprises agricoles ne peuvent poursuivre leur activité normalement et seront confrontées rapidement à des difficultés financières.
Au-delà des aides financières et des diverses mesures de reports gouvernementales, il est primordial d’utiliser tous les leviers permettant aux entreprises agricoles de mobiliser de leur trésorerie pour amortir les chocs au moment où elles en ont le plus besoin comme c’est le cas avec la crise du COVID 19.
Ainsi, malgré un succès limité du dispositif en place depuis une quinzaine d’années, des agriculteurs ont pu épargner dans le cadre de la Déduction pour aléas (DPA) qui a été récemment réformée et remplacée par un outil plus efficace : la Déduction pour épargne de précaution (DEP). Les sommes ainsi épargnées sont aujourd’hui bloquées sur des comptes bancaires, et ne peuvent être utilisées par les exploitants qu’en présence de cas de déblocage bien spécifiques, le dispositif fiscal survivant jusqu’à son extinction.
Ces modalités d’utilisation et de réintégration de la DPA et tout particulièrement celles applicables en cas de survenance d’un aléa économique restent, pour nos comptables, encore plus contraignantes et difficiles à mettre en œuvre dans le contexte actuel. Dès lors, cette mobilisation de la trésorerie des agriculteurs doit être facilitée rapidement via le dispositif de la DEP qui a le mérite d’être extrêmement simple tant sur sa phase de constitution, que sur sa phase d’utilisation.
Pour mémoire, cet aléa économique est déclenché sous réserve :
1° Soit d'une baisse de la valeur ajoutée de l'exercice, par rapport à la moyenne des valeurs ajoutées des trois exercices précédents, supérieure à 10 % ;
2° Soit d'une baisse de la valeur ajoutée de l'exercice, par rapport à la moyenne des valeurs ajoutées des trois derniers exercices clos avant l'exercice précédent, supérieure à 15 %.
Ces contraintes imposées par le fonctionnement de la DPA sont alors les suivantes :
· Détermination complexe de la valeur ajoutée à comparer aux trois derniers exercices. Les comptables et conseils doivent ainsi être en mesure matériellement de réunir l’ensemble des pièces comptables afin de clôturer l’exercice 2020, exercice de survenance de l’aléa. Au plus tôt clôture de l’exercice au 30 juin.
· Valeur ajoutée qui doit être réalisée dans des conditions comparables d’exploitation à celles des trois exercices de référence retenus pour apprécier la baisse de la valeur ajoutée. Les conditions d’exploitation de ces derniers mois seront certainement très différentes par rapport aux années précédentes en raison des conséquences sanitaires imposées par la crise (ex : perte de main-d’œuvre, manipulation stricte des produits).
· Utilisation des sommes limitée au montant de la baisse de la valeur ajoutée ou d’une somme égale à 50 % des déductions cumulées.
· Corrélativement, un quantum de réintégration de la déduction limité au volume de la baisse de la valeur ajoutée.
Tous ces éléments plaidant ainsi pour une utilisation de l’épargne constituée sous la DPA selon les modalités de l’épargne de précaution.
Cette mesure exceptionnelle est motivée par les conséquences économiques dramatiques de la crise actuelle qui imposent de tout mettre en œuvre pour relancer, au plus vite, l’économie du pays. Son application est bornée jusqu'au 31 décembre 2020 pour amortir l'ensemble des chocs économiques engendrés par cette crise sanitaire sur l'activité agricole, qui risquent malheureusement d'être associés à d'éventuels aléas climatiques (sécheresse) durant l'été 2020.
L’utilisation de ces sommes par les exploitants présentera l’intérêt évident d’améliorer leur trésorerie, mais pourra aussi, le cas échéant augmenter leur résultat imposable, source de recettes fiscales précieuses pour l’Etat. Le montant de cette réintégration se régulera donc intrinsèquement, comme c’est le cas pour la DEP.