Fabrication de la liasse
Adopté
(vendredi 13 novembre 2020)
Photo de monsieur le député Christophe Jerretie

Au début de l’article 636 du code général des impôts, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les testaments reçus par les notaires et les donations entre époux de biens à venir doivent être enregistrés dans un délai de trois mois à compter de la date du décès du testateur ou du donateur. ».

Exposé sommaire

Antérieurement à la publication de la loi de finances pour 2020 (article 21), les testaments authentiques reçus par les notaires étaient enregistrés dans un délai de trois mois à compter du décès du testateur, en application de l’alinéa 1 de l’ancien article 636 du Code général des impôts (CGI).

Toutefois, ces testaments notariés étaient dispensés de la formalité de l’enregistrement en vertu des dispositions des articles 245 de l’annexe III et 60 de l’annexe IV au CGI. Le droit fixe de 125 € était alors payé sur état selon les modalités prévues aux articles 263 et 384 bis A de l’annexe III au CGI. En revanche, ces testaments étaient dispensés d’enregistrement lors de leur rédaction (CGI, art.635,1,1°in fine).

L’article 21 de la loi de finances pour 2020 a notamment supprimé le premier alinéa de l’article 636 du CGI qui prévoyait l’enregistrement obligatoire des testaments authentiques dans les trois mois du décès.

A la suite de cette suppression, l’administration fiscale, en adoptant une interprétation stricte, considère que les testaments authentiques sont désormais soumis à l’enregistrement dans le mois de leur rédaction en vertu du 1° du 1 de l’article 635 du CGI qui impose l’enregistrement des actes des notaires dans le délai d’un mois de leur date ; cet enregistrement devant s’effectuer au droit fixe de 125 € des actes innomés prévu à l’article 680 du CGI.

Or, imposer l’enregistrement du testament authentique lors de sa confection, avec la perception du droit fixe, aboutirait à des résultats incohérents et contraires à la volonté de la loi de finances pour 2020 et aurait pour résultat :

-       D’enregistrer un acte « imparfait » qui ne produira peut-être jamais d’effet. Le testament est un acte « mortis causa » qui ne déploie ses effets et ne devient définitif qu’avec le décès du testateur. Avant cet évènement, il s’agit d’un acte imparfait, révocable ad nutum qui ne produit aucun effet. Cette particularité expliquait le report de l’enregistrement après le décès du testateur.

-       D’heurter l’objectif de simplification poursuivi par le législateur en imposant l’enregistrement d’actes qui ne l’étaient pas antérieurement lors de leur réalisation. A ce titre, le rapport Sénat précité p 316 rappelle que l’article 21 de la loi de finances pour 2020 a pour objet « de supprimer le caractère obligatoire de la formalité d'enregistrement de certains actes publics et sous-seing privé (article 635 du CGI […]. Le présent article propose de supprimer le premier alinéa de l’article 636 du code général des impôts et ainsi de ne plus rendre obligatoire la formalité d’enregistrement de dépôt des testaments déposés chez le notaire ou reçus par eux ». Par ailleurs, les documents parlementaires ne font aucunement état d’une volonté du législateur de substituer à l’obligation d’enregistrement dans les 3 mois suivants le décès une nouvelle obligation d’enregistrement dans le mois suivant la date de l’acte authentique.

 

-       De renchérir le coût de ce type d’acte en la forme notariée lors de sa réception (notamment en cas de révocation ultérieure du testament suivi de la confection d’un nouveau testament), de loin plus sécurisante pour le testateur.

 

-       D’enregistrer le testament du vivant du testateur, ce qui semble contraire aux principes anciens du droit de l'enregistrement (v. par ex. Rép. de l'Enr. Garnier, 7e éd., 1892, T. VI, v° Testament, n° 114 : « Défense d'enregistrer du vivant des testateurs. - Il est défendu aux receveurs d'admettre à l'enregistrement des testaments pendant la vie du testateur, à moins d'une réquisition expresse de sa part […] »).  

Cela   poserait par ailleurs la question de la divulgation des dispositions de dernières volontés du vivant du testateur, alors que leur confidentialité est protégée par le secret professionnel auquel est tenu le notaire ;

         - De créer une différence de traitement fiscal difficilement justifiable entre les testaments authentiques simples et les testaments-partages établis sous cette forme qui restent soumis au délai dérogatoire d’enregistrement post mortem en application de l’article 636 du CGI ;

- Et d’entraîner des difficultés d’interprétation des dispositions de l’article 1705,6° du CGI, aux termes duquel « les droits exigibles sur les testaments doivent être acquittés par les héritiers, légataires et donataires […] », dès lors que le notaire qui recevrait un testament authentique pourrait devoir faire l’avance du droit fixe auquel le testament donne ouverture (CGI, art. 1701 ; CGI, art. 1705, 1° ; C. com., art. R. 444-61), ce qui l’obligerait à solliciter au préalable le montant du droit, vraisemblablement du testateur.

 

Pour toutes ces raisons, le présent amendement vise à corriger cette situation en rétablissant la dispense d’enregistrement des testaments authentiques lors de leur confection et en différant leur enregistrement dans le délai de trois mois du décès du testateur.

Ce report de l’enregistrement doit également s’appliquer en raison de la plupart des motifs évoqués ci-dessus aux donations éventuelles entre époux que la doctrine administrative soumettait sur ce point au même régime que les testaments authentiques (BOI-ENR-DG-40-10-40 §190).