Question écrite n° 12774 :
Délégation de l'autorité parentale - contrôle - fraude - immigration clandestine

15e Législature

Question de : M. Mansour Kamardine
Mayotte (2e circonscription) - Les Républicains

M. Mansour Kamardine interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les délégations de l'autorité parentale à Mayotte telles qu'elles sont prévues par les articles 376 à 377-3 du code civil et les articles 1202 à 1210 du code de procédure civile. Comme le relève le rapport de septembre 2015 du Défenseur des droits intitulé « situation sur les droits et la protection des enfants à Mayotte », la situation est particulièrement inquiétante dans le 101ème département français. Cette situation est d'autant plus alarmante que de nombreux enfants font l'objet d'une instrumentalisation en vue d'obtenir des avantages portant sur des aides sociales ou sont le véhicule de régularisation de situations administratives au regard du droit de séjour ou de naturalisation de parents ou de tierces personnes. La délégation de l'autorité parentale est un des outils juridiques utilisés en vue de fraudes, de contournement du droit par le droit et cela à d'autres fins que celle de l'intérêt de l'enfant. Les délégations de l'autorité parentale ne peuvent donc être délivrées qu'après un examen minutieux de la situation des requérants en mobilisant les dispositions de l'article 1183 du code de procédure civile qui prescrit d' « ordonner toute mesure d'information concernant la personnalité et les conditions de vie du mineur et de ses parents, en particulier par le moyen d'une enquête sociale, d'examens médicaux, d'expertises psychiatriques et psychologiques ou d'une mesure d'investigation et d'orientation éducative ». C'est pourquoi il lui demande de lui communiquer : le nombre de délégations de l'autorité parentale établies à Mayotte, année par année, de 2002 à 2018 ; le nombre de ces délégations concernant des enfants nés d'au moins un parent étranger ; le nombre de ces délégations ayant confié l'autorité parentale à une tierce personne dite « proche digne de confiance » ; le nombre de ces délégations ayant confié l'autorité parentale à une tierce personne dite « proche digne de confiance » de nationalité étrangères ; le nombre d'ordonnances d'information délivrées, telle que prescrites par l'article 1183 du code de procédure civile, année après année; de 2002 à 2018 ; les éventuelles instructions qu'elle entend donner au titre de l'exercice de l'action publique à Mayotte pour lutter contre ce fléau qu'est l'instrumentalisation des enfants et le détournement du droit.

Réponse publiée le 25 juin 2019

La délégation de l'autorité parentale, comme l'autorité parentale elle-même, doit avoir pour seule finalité l'intérêt de l'enfant. Son instrumentalisation en vue d'obtenir un avantage pour le délégataire est à proscrire. Le ministère de la Justice ne dispose pas de données statistiques fiables pour Mayotte en matière civile avant 2012. Mais on constate depuis cette date qu'après une augmentation significative en 2013 et 2014, les demandes de délégation ou de transfert de l'autorité parentale n'ont cessé de diminuer, jusqu'à atteindre un niveau inférieur à celui de 2012.


2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

387

827

834

743

538

378

278
Parallèlement, le nombre de décisions de rejet a fortement augmenté.

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

0

17

16

23

5

118

172
La nationalité des personnes concernées ne fait pas l'objet de statistiques mais ces chiffres traduisent suffisamment l'attention que les juridictions portent à ce contentieux, et l'effet vertueux de ce traitement judiciaire, sans qu'il soit toujours nécessaire de recourir à des mesures d'investigation coûteuses. Par ailleurs, ce sujet fait également l'objet d'un travail pédagogique sur le site internet du Conseil départemental de l'accès au droit de Mayotte, lequel précise bien que la situation irrégulière des parents sur le territoire n'est pas un motif suffisant pour accorder la délégation. Enfin, au plan normatif, le Gouvernement se montre depuis longtemps soucieux de lutter efficacement contre la fraude, plus encore lorsqu'elle exploite la cause des enfants. Le premier des outils créés pour responsabiliser les parents et dissuader les reconnaissances frauduleuses a été introduit par la loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale : les articles du code civil énonçant les obligations qui découlent de la filiation sont lus à l'auteur d'une reconnaissance. Une seconde étape a été franchie en 2006 pour lutter contre les reconnaissances frauduleuses à Mayotte spécifiquement : la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration a introduit un dispositif de contrôle a priori des reconnaissances. Lorsqu'il existe des indices sérieux laissant présumer que la reconnaissance d'un enfant est frauduleuse, l'officier de l'état civil saisit le procureur de la République et en informe l'auteur de la reconnaissance. Ce dispositif a d'ailleurs récemment été étendu à l'ensemble du territoire national par la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, en exigeant pour toute reconnaissance la production par l'auteur de la reconnaissance de justificatifs d'identité et de domicile.

Données clés

Auteur : M. Mansour Kamardine

Type de question : Question écrite

Rubrique : Outre-mer

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 2 octobre 2018
Réponse publiée le 25 juin 2019

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