Question écrite n° 15538 :
Canal de paiement alternatif pour contourner les sanctions américaines

15e Législature

Question de : Mme Caroline Janvier (Centre-Val de Loire - La République en Marche)

Mme Caroline Janvier interroge Mme la ministre, auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes, sur le canal de paiement alternatif permettant le contournement des sanctions américaines suite au retrait de l'accord iranien sur le nucléaire. Le 8 mai 2018, le président des États-Unis, en application de sa promesse de campagne, enclenche le désengagement américain de l'accord sur le nucléaire iranien. Dans la foulée, le président Donald Trump annonce de nouvelles sanctions contre l'Iran et promet également de lourdes sanctions à toutes les entreprises qui d'aventure commerceraient avec le régime de Téhéran. Depuis les années 70, le caractère extraterritorial de leur droit accorde aux Américains la possibilité de poursuivre des entreprises dès que cela leur semble nécessaire. Cette originalité juridique fait des États-Unis une puissance économique hégémonique à l'échelle internationale aux effets tangibles sur l'activité des entreprises européennes, malgré des tentatives de réponses communautaires comme la loi dite de blocage. Ce règlement européen de 1996, créé à l'origine pour contourner les sanctions américaines sur Cuba, la Libye et déjà l'Iran, « a pour but d'assurer une protection contre l'application extraterritoriale » de sanctions de pays tiers. Néanmoins, ce système a montré à de nombreuses reprises ses limites. Aujourd'hui, la Commission européenne évoque un canal de paiement alternatif pour contourner les restrictions américaines qui se présentera sous la forme d'une chambre de compensation. Elle souhaiterait savoir quelles sont les modalités que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour participer à cette action primordiale pour la souveraineté française mais également européenne, à l'heure où plusieurs pays ont refusé d'accueillir cette nouvelle structure par peur de représailles diplomatiques.

Réponse publiée le 12 mars 2019

La France et l'Union européenne considèrent que la volonté des autorités américaines de soumettre à leur législation nationale des entreprises ou des activités européennes qui n'ont pas de lien de rattachement suffisant avec les États-Unis est contraire au droit international. Cette portée extraterritoriale, qui peut avoir un impact sur nos économies et nos entreprises, ne peut donc être acceptée. Dans le contexte de la réimposition des sanctions américaines extraterritoriales contre l'Iran, les Européens se sont mobilisés pour protéger les acteurs économiques européens qui entretiennent des rapports commerciaux avec l'Iran, conformément au droit européen et international. Tout d'abord, l'Union européenne a actualisé le règlement de 1996 dit « de blocage », avec pour objectif de protéger les entreprises en contrecarrant les effets extraterritoriaux des législations visées. Cette actualisation est entrée en vigueur à la veille de la première phase de réintroduction des sanctions américaines, le 6 août 2018. En outre, des efforts ont été engagés afin de mettre en place un mécanisme ad hoc de compensation visant à permettre de maintenir les canaux financiers intra-européens nécessaires à la préservation des échanges commerciaux avec l'Iran. Ce travail a été conduit par la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni en coordination avec l'Union européenne, et a abouti à la création le 31 janvier 2019 de ce mécanisme, sous forme d'une société de droit privé français baptisée INSTEX et dont nos trois pays sont actionnaires. Le siège de la société est à Paris. La phase d'opérationnalisation de ce mécanisme est désormais en cours, l'objectif étant qu'INSTEX soutienne les transactions commerciales européennes avec l'Iran, en se concentrant, dans un premier temps, sur les secteurs les plus essentiels et urgents pour la population iranienne, tels que les produits pharmaceutiques, les dispositifs médicaux et les produits agro-alimentaires. L'élargissement de l'actionnariat d'INSTEX à d'autres pays européens et l'utilisation de ce mécanisme par des opérateurs économiques non européens constituent également un objectif important. La création d'INSTEX traduit l'engagement de la France, de l'Allemagne et du Royaume-Uni pour la sauvegarde du Plan d'action global commun (PAGC) endossé par le Conseil de sécurité des Nations unies dans sa résolution 2231. Ces efforts pour préserver certains bénéfices économiques attendus du PGAC sont conditionnés à la mise en œuvre intégrale par l'Iran de ses engagements en matière nucléaire, dont l'AIEA atteste.

Données clés

Auteur : Mme Caroline Janvier (Centre-Val de Loire - La République en Marche)

Type de question : Question écrite

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : Affaires européennes

Ministère répondant : Affaires européennes

Dates :
Question publiée le 25 décembre 2018
Réponse publiée le 12 mars 2019

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