Question écrite n° 17258 :
Sur la présence des partis politiques européens sur la scène politique française

15e Législature

Question de : M. Bruno Bilde
Pas-de-Calais (12e circonscription) - Non inscrit

M. Bruno Bilde interroge M. le ministre de l'intérieur sur la présence des partis politiques européens sur la scène politique française et l'activité de ces partis en France pendant la période d'imputation des dépenses électorales. Le paragraphe 4 de l'article 10 du traité sur l'Union européenne et le paragraphe 2 de l'article 12 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne disposent que les partis politiques au niveau européen contribuent à la formation de la conscience politique européenne et à l'expression de la volonté politique des citoyens de l'Union. Eu égard à la mission que le traité sur l'Union européenne confie aux partis politiques européens, le règlement 1141/2014 a institué pour ces partis un statut juridique européen spécifique. La personnalité juridique européenne accordée aux partis politiques européens permet de les doter de la capacité et de la reconnaissance juridiques dans tous les États membres y compris en France. Conformément à l'article 21 du règlement 1141/2014, le financement de partis politiques européens par le budget général de l'Union européenne ou par toute autre source peut servir à financer les campagnes menées par les partis politiques européens à l'occasion des élections au Parlement européen. À l'heure actuelle, dix partis politiques européens sont dotés d'une personnalité juridique européenne et sont éligibles à recevoir le financement du budget général de l'UE, dont plusieurs très actifs politiquement en France. Le parti socialiste européen (PSE), dont le parti socialiste français est membre, recevra 11 475 000 euros pour la campagne européenne en 2019, une grosse partie de cette somme sera dépensée sur le territoire français au profit du parti socialiste français. Le parti populaire européen (PPE), parti paneuropéen des Républicains qui recevra 15 663 000 euros pour sa campagne européenne et à dépenser, entre autres, sur le territoire français. Le parti au pouvoir LREM est affilié à l'alliance des libéraux et des démocrates pour l'Europe (ALDE) qui recevra 4 565 421 euros. Au total, les 10 partis politiques européens, dont plusieurs très actifs en France, recevront 47 504 845 euros à dépenser pour leurs campagnes pour les élections européennes en 2019. Cette somme de presque 50 millions d'euros provient, dans sa totalité, des poches des contribuables européens. Conformément au règlement 1141/2014, le financement et l'éventuelle limitation des dépenses électorales pour tous les partis politiques, candidats et tiers en vue des élections au Parlement européen et de leur participation à celles-ci, sont régies, dans chaque État membre, par les dispositions nationales. En France, le financement d'une campagne électorale par une personne morale de droit étranger est interdit encore plus explicitement que le financement des partis politiques, au cinquième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral : « Aucun candidat ne peut recevoir, directement ou indirectement, pour quelque dépense que ce soit, des contributions ou aides matérielles d'un État étranger ou d'une personne morale de droit étranger. Il ne peut recevoir des prêts d'un État étranger ou d'une personne morale de droit étranger, à l'exception des établissements de crédit ou sociétés de financement mentionnés au deuxième alinéa du présent article ». Toutes les activités politiques que les partis politiques européens pourraient envisager de mener en France durant la période d'imputation des dépenses électorales (à compter du 1er novembre 2018), seraient forcément des dépenses « engagées ou effectuées en vue de l'élection » au sens de l'article L. 52-12 du code électoral français. Malgré cette interdiction claire, en avril 2014, le parti socialiste lançait sa campagne européenne au cirque d'hiver à Paris avec le soutien du parti socialiste européen, dont M. Cambadélis était premier vice-président et M. Schulz, politicien socialiste allemand, candidat du PSE à la présidence de la Commission européenne, en appelant : « c'est en votant socialiste que nous porterons l'Europe, et avec la France, plus haut. C'est ce qu'il faut faire le 25 mai ». Plusieurs évènements co-organisés par les organisations étrangères et cofinancés par les fonds provenant de l'étranger ont eu lieu lors de la campagne de 2014 sans aucune réaction de la part de la CNCCFP. Le ministre de l'intérieur, en charge de l'élaboration de la réglementation sur le financement de la vie politique, va-t-il réglementer la présence des partis politiques européens sur la scène politique française et veiller à l'activité de ces partis en France pendant la période d'imputation des dépenses électorales, afin de garantir les élections justes et démocratiques ? Aussi, il souhaiterait savoir dans quelle mesure les conclusions tirées par la CNCCFP sont-elles légales dans le sens où selon « le principe de primauté », affirmé par la jurisprudence européenne, le droit européen est supérieur à toutes dispositions contraires au droit national.

Réponse publiée le 28 janvier 2020

Par son avis n° 397096 du 19 mars 2019, le Conseil d'Etat a précisé qu'en vertu du règlement n° 1141/2014 du Parlement et du Conseil du 22 octobre 2014 sur le financement des partis politiques européens, et notamment son article 21 qui dispose que : « le financement de partis politiques européens par le budget général de l'Union européenne ou par toute autre source peut servir à financer les campagnes menées par les partis politiques européens à l'occasion des élections au Parlement européen auxquelles eux-mêmes, ou leurs membres, participent (…) », les partis politiques européens « peuvent participer, y compris financièrement, à la campagne électorale en vue de l'élection des représentants au Parlement européen en France, seuls ou conjointement avec des partis nationaux ». Le financement des campagnes électorales en France par un parti européen est donc possible mais pour les seules élections européennes, les autres élections ne relevant pas de la compétence de l'Union européenne. Une liste de candidats à l'élection des représentants au Parlement européen qui bénéficierait d'une contribution directe ou indirecte d'un parti européen devrait néanmoins faire apparaître celle-ci dans ses comptes de campagne en application de l'article L. 52-12 du code électoral. Le contrôle de ces opérations est exercé par l'Autorité pour les partis politiques européens et la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, chacune selon son champ de compétence. La primauté du droit de l'Union européenne ne permet pas de contrevenir aux dispositions prévues par le règlement européen précité.

Données clés

Auteur : M. Bruno Bilde

Type de question : Question écrite

Rubrique : Élections et référendums

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Dates :
Question publiée le 26 février 2019
Réponse publiée le 28 janvier 2020

partager