Question de : M. Dominique Potier
Meurthe-et-Moselle (5e circonscription) - Socialistes et apparentés

M. Dominique Potier attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conditions de travail des personnels pénitentiaires en termes de sécurité. L'agression grave de deux gardiens de la prison de Condé-sur-Sarthe le 5 mars 2019 montre une nouvelle fois leur très grande vulnérabilité, notamment dans l'hypothèse d'actions préparées et déterminées dans un contexte de radicalisation. Outre le renforcement des dispositifs indemnitaires et l'accélération des mesure de recrutement, les mesures annoncées en janvier 2018 devaient se traduire par une amélioration significative des conditions de sécurité avec : l'augmentation des capacités de prise en charge des profils dits dangereux ou prosélytes à hauteur de 1500 places dont 450 en fin d'année 2018 ; la mise en place d'un quartier d'évaluation spécifique des détenus radicalisés de droit commun ainsi que le doublement des capacités d'évaluation des détenus terroristes islamistes et radicalisés (portées ainsi à 250 détenus par an) ; le renouvellement, dont une partie avant l'été 2018, des dotations d'équipements individuels et moyens techniques de communication et d'alarme ; l'amélioration des dispositifs de sécurité en cellule (passe-menottes, arrêtoirs de porte) ; la réévaluation du dispositif des fouilles en établissement pénitentiaire. À ce dernier sujet, le rapport de la mission parlementaire confiée à MM. Xavier Breton et Dimitri Houbron a produit, entre autres, trois propositions spécifiques sur les fouilles dont celle de consacrer dans la loi la jurisprudence du Conseil d'État permettant de mettre en place un régime de fouilles systématiques pour certains détenus particulièrement dangereux sur une période limitée. Complété par le développement d'équipes cyno-techniques et de portiques à onde millimétrique, cette disposition est de nature, dans le respect des règles pénitentiaires européennes, à améliorer de façon significative les conditions de sécurité des personnels pénitentiaires. Il souhaite connaître le degré de déploiement des mesures de sécurité annoncées en janvier 2018 ainsi que les perspectives de mise en œuvre dans le cadre du plan prison des propositions de la mission d'information parlementaire relative au régime des fouilles en détention.

Réponse publiée le 11 mai 2021

L'amélioration des conditions de travail des agents de l'administration pénitentiaire, en particulier s'agissant de la sécurité dans les établissements pénitentiaires, constitue une priorité du garde des Sceaux, ministre de la Justice. Afin de revaloriser le métier de surveillant tout d'abord, l'administration pénitentiaire a mis en œuvre plusieurs revalorisations indemnitaires depuis 2018. L'indemnité pour charges pénitentiaires (ICP) des surveillants pénitentiaires a augmenté de 40 % au 1er janvier 2018 pour être portée à 1 400 €. L'indemnité dimanches et jours fériés a augmenté de 10 € au 1er mars 2018. La prime de sujétions spéciales (PSS) augmentera quant à elle de 2,5 points (soit 28,5 % à terme) pour l'ensemble des personnels de surveillance d'ici 2022. Par ailleurs, la loi de finances pour 2021 prévoit la création d'un coefficient de majoration de l'ICP, dont le taux sera plus favorable pour les plus bas échelons et permettra de leur accorder un gain net annuel de 253 €. Ce gain sera, en 2023, porté à 380 € nets par an pour l'ensemble des surveillants ne bénéficiant pas actuellement d'une ICP majorée. En outre, une prime de fidélisation a été créée au bénéfice des agents en fonction dans certains établissements moins attractifs. Les agents qui, à l'issue de leur réussite à un concours national à affectation locale, choisissent une affectation pour au moins six ans sur ces établissements peuvent bénéficier d'une prime de 8 000 € versée en trois fois, dont 4 000 € dès la prise de fonctions. Le premier concours local a été organisé en 2020 sur les ressorts des directions interrégionales de Lyon, Marseille et Rennes. Un nouveau concours est en cours, au bénéfice de Paris, pour 350 places. Concernant les mesures de recrutement, plusieurs actions ont été engagées s'agissant du concours de surveillant pénitentiaire. Les délais de sélection ont été raccourcis et une diversification des voies de recrutement a été engagée. La loi de programmation et de réforme pour la Justice a également prévu un plan de comblement de vacances de 1 100 emplois de surveillants pénitentiaires sur la période 2018 2022 dans les établissements pénitentiaires. Sur le plan de la sécurité ensuite, un budget conséquent est consacré à la sécurisation des établissements pénitentiaires avec 70 M € en 2021 (+ 9 % par rapport à 2020). La prise en charge des publics radicalisés constitue un axe central de cette politique de sécurisation. Le ministère de la Justice a progressivement mis en place depuis 2015 plusieurs dispositifs novateurs : grilles de détection de la radicalisation, programmes de prévention de la radicalisation violente, quartiers d'évaluation de la radicalisation (QER) et quartiers de prise en charge de la radicalisation (QPR). L'objectif des quartiers d'évaluation est de mesurer le niveau de radicalité des détenus terroristes islamistes et des détenus radicalisés de droit commun, et d'apprécier leur dangerosité afin d'adapter les modalités de leur prise en charge. En complément des six QER existants, un nouveau quartier a été ouvert au centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil le 7 décembre 2020. L'administration pénitentiaire dispose à ce jour de 7 QER avec une capacité d'évaluation annuelle de 273 personnes. En outre, un QER femmes est en phase finale de programmation en Île-de-France. Il n'est pas envisagé de créer un quartier d'évaluation dédié aux détenus radicalisés de droit commun, dans la mesure où les quartiers existants prennent déjà en charge ces publics. Les détenus évalués comme prosélytes et susceptibles de violence sont affectés dans des QPR. Ils sont au nombre de cinq depuis l'ouverture d'un nouveau quartier au centre pénitentiaire de Nancy-Maxéville le 19 janvier 2021. Un sixième quartier doit ouvrir au centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse au deuxième trimestre 2021, portant la capacité totale des QPR à 188 places. Un QPR femmes est par ailleurs en phase finale de programmation et centre pénitentiaire de Rennes. Le renforcement de la sécurité des surveillants pénitentiaires passe enfin par l'amélioration des équipements des personnels et des établissements. Afin d'équiper individuellement les surveillants, la généralisation des gilets pare-lame et des gants anti-coupure est en voie d'achèvement. Lors de la première livraison de gilets, 376 agents des maisons centrales de Condé-Sur-Sarthe et Vendin-Le-Vieil et 1 718 surveillants pénitentiaires affectés dans les quartiers sensibles (quartier disciplinaire / quartier d'isolement / QER / QPR) ont été équipés. Des commandes ont par la suite été passées par l'administration pénitentiaire en 2019 et 2020. Au 31 décembre 2020, 10.690 agents disposaient de leur gilet pare-lame. 7.840 gilets sont actuellement en cours d'expédition. 64 % des surveillants en établissements seront dotés à l'issue de cette livraison. S'agissant des gants, 1500 paires ont été distribuées en 2018. La dotation se fait dorénavant au bénéfice de tous les surveillants et ce dès leur entrée à l'École nationale d'administration pénitentiaire. En outre, les tenues pare-coups ont été renouvelées. Plus de 1.730 tenues d'intervention (de type maintien de l'ordre) ont été livrées dans les établissements entre fin 2018 et 2020. Ces équipements ont permis de remplacer les tenues vieillissantes et d'augmenter la dotation dans les établissements où elles étaient insuffisantes. Enfin, les surveillants pénitentiaires ont été dotés d'un nouveau modèle de chaussure, adaptée aux missions des personnels au quotidien. 36.000 paires de chaussures de travail ont été commandées par l'administration fin juin 2019 et livrées entre octobre 2019 et février 2020. Elles ont été intégrées à la dotation en uniforme pour 2020. Pour couvrir la dotation de 2021, 27.822 paires de chaussures ont été commandées et réceptionnées en 2020. S'agissant des moyens techniques de communication et d'alarme, l'administration pénitentiaire a engagé dès 2018 des audits sur l'état du parc des moyens de communication interne des établissements : 39 études ont été réalisées et 6.450 équipements de communication ont été mis en service dans les établissements pénitentiaires entre 2018 et juin 2020. Les dispositifs de sécurité en cellule ont également été renforcés. Les trappes de menottage constituent un outil de prise en charge des publics violents. Dans un premier temps, l'équipement de 79 établissements sensibles a été priorisé, soit 1.571 passe-menottes. 2.379 trappes de menottage ont été installées. En outre, afin d'accroître la sécurité des agents à l'ouverture de porte, l'expérimentation consistant en la pose d'arrêtoirs de porte a débuté mi-septembre 2019. 50 arrêtoirs de porte à crémaillère ont été acquis pour lancer une expérimentation dans 5 établissements, le test portant sur 10 portes par établissements. Ont ainsi été équipés le quartier d'isolement de Condé-sur-Sarthe, le quartier d'isolement de Val-de-Reuil, l'unité pour détenu violent de Rennes-Vezin et le QER et la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis. L'expérimentation se poursuit à ce jour. S'agissant des fouilles réalisées en établissement pénitentiaire, la réglementation a été adaptée aux nouveaux enjeux de sécurité en établissement pénitentiaire par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Sans revenir sur les principes de nécessité, de proportionnalité et de subsidiarité des fouilles intégrales ni sur celui de la prohibition du systématisme de ces fouilles en toutes circonstances, cette loi modifie l'article 57 de la loi pénitentiaire et élargit le périmètre des fouilles intégrales, comme le détaille la circulaire d'application du 15 juillet 2020. En premier lieu, les chefs d'établissement peuvent décider de la fouille intégrale systématique d'une personne détenue à son arrivée ou lors d'un retour à l'établissement (par exemple, après une extraction ou une permission de sortir), dès lors qu'elle n'est pas restée sous la surveillance constante de l'administration pénitentiaire ou des forces de police ou de gendarmerie. En second lieu, les chefs d'établissement peuvent prendre une décision individuelle de fouille intégrale si elle est justifiée par la présomption d'une infraction ou par les risques que le comportement de la personne détenue fait courir à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre dans l'établissement. Il peut s'agir, soit d'une décision ponctuelle de fouille intégrale programmée ou inopinée, soit d'un régime de fouilles intégrales systématiques pour une durée déterminée lorsque les nécessités de l'ordre public et les contraintes du service public pénitentiaire l'imposent (c'est alors le « régime exorbitant » initialement forgé par la jurisprudence du Conseil d'Etat). En troisième lieu, les chefs d'établissement peuvent ordonner des fouilles non individualisées dans des lieux et pour une période déterminée, indépendamment de la personnalité des personnes détenues, lorsqu'il existe des raisons sérieuses de soupçonner l'introduction au sein de l'établissement pénitentiaire d'objets ou de substances interdits, ou constituant une menace pour la sécurité des personnes ou des biens. Enfin, le recours aux fouilles par palpation, tout comme l'utilisation des matériels électroniques de détection, ne nécessite pas de formalisme particulier : aucune décision individuelle préalable n'est nécessaire. La proposition n° 1 du rapport de la mission d'information relative au régime des fouilles en détention a donc été adoptée. S'agissant de la proposition n° 2 du rapport relative au déploiement des portiques à ondes millimétriques, onze portiques ont été installés dans les maisons centrales et quartiers maisons centrales depuis 2011 : Lannemezan, Saint-Maur, Moulins, Clairvaux, Condé-sur-Sarthe, Arles, Sud Francilien, Vendin-le-Vieil, Lille-Annœullin, Valence et au centre pénitentiaire de Fresnes. Compte tenu du coût de ces équipements, de leur relative fragilité et des contraintes liées à leur utilisation, le marché n'est pas renouvelé en 2021. Les contrats de maintenance et de formation des personnels pour l'utilisation des portiques existants sont toutefois maintenus. La technologie proposée par ces portiques permet de visualiser à l'écran la présence d'objets métalliques, plastiques, liquides et en papier, y compris lorsqu'ils sont dissimulés entre les vêtements et la peau de la personne. La direction de l'administration pénitentiaire est actuellement à la recherche de dispositifs innovants, permettant de satisfaire de manière plus efficiente ses besoins en termes de sécurité. Une réflexion est menée autour de technologies portatives ou mobiles permettant une plus grande flexibilité dans les missions des personnels au quotidien. S'agissant enfin du développement des équipes cynotechniques constituant la proposition n° 3 du rapport, la création de trois nouvelles bases a été annoncée dans l'objectif de compléter la première unité créée à Paris en 2006. Ces brigades ont été implantées à Toulouse et à Lyon. S'agissant de la troisième base prévue à Rennes, elle a déjà fait l'objet d'un consensus sur le choix du terrain fin 2019 et la convention de transfert de terrain est désormais signée. Sa construction est à l'étude. Chaque base dispose de chiens spécialisés dans trois domaines : la recherche de stupéfiants et de monnaie fiduciaire, la recherche d'armes et de munitions, la recherche de matière explosive. Il s'agit de chiens renifleurs, non-formés au mordant. Ces unités couvrent l'ensemble du territoire national et réalisent de très nombreuses missions en établissement.

Données clés

Auteur : M. Dominique Potier

Type de question : Question écrite

Rubrique : Lieux de privation de liberté

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 26 mars 2019
Réponse publiée le 11 mai 2021

partager