Mayotte - lutte contre l'insécurité et la violence
Publication de la réponse au Journal Officiel du 16 juin 2020, page 4226
Question de :
M. Mansour Kamardine
Mayotte (2e circonscription) - Les Républicains
M. Mansour Kamardine alerte M. le ministre de l'intérieur sur le regain de violence à Mayotte notamment en milieu scolaire. Depuis plusieurs mois un retour du phénomène de bandes violentes, de bandits de grands chemins et d'agressions suivies d'atteintes aux personnes est constaté, notamment en milieu scolaire et aux abords des structures éducatives. La mort d'un jeune étudiant samedi 31 août 2019 devant le lycée de Sada est un nouveau cap franchi dans l'escalade de la violence. Ce dernier drame met la population de Mayotte en émoi. Elle s'inquiète au plus haut point et demande que des mesures de lutte générale contre les violences aux personnes soient prises sans délai, que les transports collectifs soient durablement sécurisés et que les enceintes éducatives et leurs abords fassent l'objet d'un plan de renforcement et de vigilance contre l'insécurité. Il lui rappelle que la grave crise sociale qui a paralysé Mayotte en 2018 a été déclenchée par l'absence de prise en compte au niveau approprié par le Gouvernement de l'insécurité en milieu scolaire. C'est pourquoi il lui demande : de renforcer immédiatement et de façon permanente le plan de sécurisation des transports et des établissements scolaires ; de renforcer sensiblement les effectifs permanents des forces de l'ordre à Mayotte ; de convoquer des assises de la sécurité à Mayotte associant tous les acteurs dans les meilleurs délais ; de lui indiquer s'il envisage d'organiser immédiatement une réunion interministérielle intérieur-justice-éducation nationale-outremer pour prendre à bras le corps la lutte contre l'insécurité et la violence à Mayotte.
Réponse publiée le 16 juin 2020
Le département de Mayotte est confronté à une crise sociale sur fond de réels problèmes d'insécurité et d'immigration. Le territoire est marqué par l'afflux d'étrangers en situation irrégulière conjugué à une explosion démographique (+ 2,7 % par an) et des infrastructures très sollicitées. Face à cette situation, l'Etat s'engage massivement, notamment dans le cadre de la mise en œuvre des plans successifs (plan Mayotte : sécurité pour tous de 2016, Livre bleu outre-mer de 2018, plan de développement de Mayotte de 2018). Ainsi, police et gendarmerie ont réalisé les préconisations de ces plans (pour la gendarmerie, augmentation de ses effectifs de + 16 équivalents temps plein (ETP) en 2018 et + 26 en 2019, 1 escadron de gendarmerie mobile (EGM) supplémentaire depuis le 8 mars 2018, portant ainsi le volume d'EGM à 3 désormais). Pour ce qui est de la police nationale, ses effectifs sont passés de 426 agents fin 2013 à 693 agents fin 2019. Début 2020, la police nationale a également réformé ses structures avec la mise en place d'une direction territoriale de la police nationale de Mayotte (DTPN). Cette direction de police unique, qui permet des synergies et un pilotage unifié de l'ensemble des services, se traduit par une optimisation des moyens, gage de capacités opérationnelles accrues sur le terrain. Les affrontements entre groupes de jeunes sur fond d'appartenance au quartier ou au village d'origine sont réguliers. C'est dans ce contexte qu'est survenue la mort d'un jeune lycéen samedi 31 août 2019 devant le lycée de Sada. Les agresseurs ont été rapidement interpellés par la gendarmerie et présentés à la justice. Afin de renforcer la sécurité quotidienne de la population à Mayotte, durant la journée, des contrôles réguliers sont mis en place par la gendarmerie et la police dans le cadre de plans de prévention réalisés en lien avec l'éducation nationale, aux abords des établissements et dans les transports scolaires. Ils permettent de saisir des armes blanches et des objets dangereux et de contenir cette forme de violence. En revanche, dès la nuit tombée, l'intervention des forces de l'ordre se traduit quasi systématiquement par des caillassages et des agressions. Ce renforcement de la sécurisation des établissements scolaires, de leurs abords et des transports publics, conduit à fidéliser les gendarmes mobiles sur cette mission, en établissant des protocoles pour renforcer les liens et l'échange d'informations avec les équipes mobiles de sécurité (EMS) de l'Éducation nationale et les entreprises de transports scolaires. Le dispositif des élèves-pairs (une centaine d'élèves identifiés par l'Éducation nationale pour « déconflictualiser » les relations entre élèves, formée par la brigade de prévention de la délinquance juvénile (BPDJ) créée le 1er août 2018), est déjà mis en œuvre au sein de trois lycées. Au sein de la gendarmerie, l'action des correspondants territoriaux de prévention (CTP) de la délinquance (1 CTP par unité territoriale) renforce le lien avec les établissements scolaires en se focalisant sur les mouvements pendulaires de la jeunesse scolarisée. Celle du référent sûreté et des correspondants sûreté constitue également un levier pour diagnostiquer les sites sensibles dont certains mériteraient d'être renforcés par une vidéo-protection, notamment les gares routières. La police nationale, compétente dans la circonscription chef-lieu du département, Mamoudzou, qui concentre près de la moitié de la délinquance de Mayotte, a également considérablement investi dans le dispositif de prévention avec notamment la création par la sécurité publique, dès 2016, d'un bureau de partenariat et de prévention. Constitué de 3 gradés et gardiens de la paix et d'un adjoint de sécurité, le bureau intervient en milieu scolaire par le biais de conférences de prévention et de sensibilisation (addictions, violence, etc.). Par ailleurs, une convention a été signée par la sécurité publique avec le collège de Doujani dans le cadre du programme des parents responsables. Un centre de loisirs jeunesse (CLJ) a également été ouvert en 2019 et remporte un vif succès auprès des jeunes. Parallèlement, le bureau de partenariat et de prévention est chargé du recrutement des services civiques « police » (jusqu'à 54 volontaires), affectés à la sécurisation et à la médiation aux abords des établissements scolaires. Un dispositif du service de citoyens volontaires a été constitué, composé de près de 200 volontaires chargés de la médiation et de l'apaisement des tensions dans les quartiers. Ce dispositif est particulièrement apprécié par la population. Les forces du service territorial de sécurité publique de la DTPN assurent aussi des patrouilles quotidiennes aux heures d'ouvertures des principaux établissements et des arrivées et départs des bus scolaires, renforcées par des patrouilles de la police municipale dans le cadre du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance. Police nationale et police municipale bénéficient en outre de la vidéoprotection municipale. La gendarmerie continue d'améliorer son empreinte sur le terrain et sa visibilité, notamment au travers du plan dit « coupeurs de routes » mis en place dès juin 2019. Il porte effort sur la maîtrise des axes de communication, par la mise en place de postes de contrôles routiers (PCR), fixes ou mobiles, sur les points clefs du terrain grâce à l'emploi des gendarmes mobiles. Ils sont articulés sur un « secteur nord », autour de M'Tsamboro, le plus impacté par l'immigration en provenance des Comores, un « secteur sud », s'étalant de Chiconi, Mamoudzou-sud, Sada et M'Zouazia, et sur « Petite Terre ». Les mesures du volet « partenariats-prévention » continuent à faire l'objet d'un investissement constant (dispositif des « élèves pairs » avec l'Éducation nationale et des « cadets citoyens de Mayotte » avec le régiment du service militaire adapté (RSMA). Un quartier de reconquête républicaine (QRR) - quartier La Vigie - a également été créé en février 2019 à Pamandzi, entrainant l'abondement de 10 ETP dans le cadre de la POLEFF 2020. La lutte contre l'immigration clandestine, principalement en provenance des Comores, constitue un enjeu majeur. La mise en œuvre en 2019 d'un plan civilo-militaire, l'opération « Shikandra » permet de renforcer et d'approfondir la lutte contre l'immigration clandestine. En 2019, plus de 27 000 étrangers en situation irrégulière ont ainsi été reconduits, contre 8 315 en 2018. Ce renforcement se traduit, pour la gendarmerie, par l'abondement de 12 ETP dans le cadre de la POLEFF 2020 au profit de la brigade nautique de Pamandzi, service chargé conjointement avec la police aux frontières des interceptions en mer. Le service territorial de la police aux frontières a également bénéficié du renfort de 32 adjoints de sécurité lors du deuxième semestre 2019, ainsi que de 4 postes supplémentaires pour son groupement d'appui opérationnel en septembre 2019. Au total, de juin 2019 à janvier 2020, ce sont 14 gradés et gardiens de la paix supplémentaires qui ont renforcé le groupe d'appui opérationnel de la police aux frontières (PAF). Par ailleurs, 9 filières ont été démantelées par la police nationale en 2019 et la saisie des avoirs criminels est en forte hausse grâce au travail du groupe d'enquête pour la lutte contre l'immigration clandestine (1,6 M€ saisis en 2019, contre 650 000 € en 2018).
Auteur : M. Mansour Kamardine
Type de question : Question écrite
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 4 mai 2020
Dates :
Question publiée le 3 septembre 2019
Réponse publiée le 16 juin 2020