Agriculture et sécheresse
Question de :
M. Jean-Paul Dufrègne
Allier (1re circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
M. Jean-Paul Dufrègne alerte M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les mesures à prendre suite au nouvel épisode de sécheresse de cet été. La sécheresse sévit à nouveau dans l'Allier, comme dans beaucoup d'autres départements, et la situation des agriculteurs s'en trouve de plus en plus compliquée. Les conséquences de ces aléas climatiques à répétition sont nombreuses et catastrophiques. En effet, les exploitants doivent non seulement faire face à la baisse de production mais aussi à la difficulté de trouver des fourrages. Ils subissent de fait une réelle augmentation de leurs coûts de production alors que parallèlement, ils sont confrontés à une baisse avérée des prix de vente. La gravité de la situation doit alerter l'ensemble des citoyens et le Gouvernement doit en prendre la pleine mesure. Aujourd'hui, les dispositions à adopter vont bien au-delà de la demande de reconnaissance de l'état de calamité agricole ; il ne convient plus de se limiter à des mesures d'urgence. Chacun sait que ces épisodes de sécheresse vont se répéter, voire devenir la norme. Faire l'économie d'une réflexion de fond sur les évolutions nécessaires des systèmes de production agricole et de leur adaptation au nouveau contexte climatique ne convient plus. Mais face à ces enjeux, la profession a besoin d'être soutenue avec force. Faute de quoi, elle sera condamnée à subir. Aussi, Il lui demande quelle est la position du Gouvernement sur cette question et s'il compte agir tant au niveau national qu'européen pour que des mesures concrètes soient prises pour accompagner la profession vers un changement en profondeur du modèle agricole.
Réponse publiée le 19 novembre 2019
Conscient de l'impact de la sécheresse du printemps et de l'été 2019 sur les exploitations d'élevage qui avaient abordé l'hiver avec un faible stock de fourrage suite à la sécheresse de 2018, le Gouvernement a sollicité la Commission européenne (CE) dès le début du mois de juin 2019 pour la mise en place de mesures exceptionnelles et la possibilité d'accorder des dérogations au titre du paiement vert. En parallèle, le Gouvernement a très rapidement mis en place des mesures en autorisant dans le cadre de la procédure « cas de force majeure » le pâturage et la récolte des jachères comptabilisées en tant que surfaces d'intérêt écologique pour les éleveurs de 24 départements. Compte tenu de l'extension de la sécheresse, le Gouvernement a étendu à plusieurs reprises la zone d'application de ces mesures, à 33 départements le 24 juillet 2019, puis à 60 départements le 29 juillet 2019 et enfin à 69 départements le 22 août 2019. L'Allier compte parmi les départements concernés. Le Gouvernement a également demandé à la CE d'étendre le dispositif aux exploitants qui ne sont pas éleveurs afin de permettre une solidarité entre exploitants. La CE l'a accepté le 25 juillet 2019, les autorités françaises ont appliqué sans attendre cette ouverture. La CE a adopté le 4 septembre 2019 une décision confirmant cette possibilité. Par ailleurs, des dérogations à la levée et à la période de présence des cultures dérobées ont été rendues possibles dans 38 départements dont l'Allier. Ces dérogations ont permis aux exploitants de reporter le semis de ces cultures jusqu'au 20 août 2019 pour profiter de conditions climatiques le cas échéant plus favorables, ou permettre de tenir compte de ces cultures pour le paiement vert lorsqu'elles ont été semées mais qu'elles n'ont pas levé. La CE a accordé des dérogations supplémentaires à l'occasion de l'adoption de nouvelles mesures au comité de gestion du 28 août 2019. Ces dérogations permettent d'augmenter les disponibilités fourragères applicables dans les régions reconnues par les États membres comme affectées par une sécheresse sévère : - prise en compte des jachères comme surface d'intérêt écologique ou comme une culture distincte des prairies au titre de la diversification des cultures, et ce, même si elles font l'objet d'une valorisation ; - possibilité de déroger au type de culture dérobée implantée (espèces fourragères au lieu du mélange d'espèces fixé au niveau national) ; - possibilité de semer en tant que culture dérobée une culture d'hiver en fourrage herbacé (dérogation à l'interdiction pour les cultures dérobées d'être déclarées comme culture principale l'année suivante). En outre, dans les départements affectés par la sécheresse, des dérogations pourront être accordées aux exploitants ayant semé leurs cultures dérobées et dont les cultures dérobées n'auront pas levé en raison de la sécheresse. Le Gouvernement a également sollicité de la CE une augmentation des taux des avances sur les aides de la politique agricole commune (PAC) versées à partir du 16 octobre 2019. La CE l'a acceptée et une décision d'exécution a été adoptée au comité de gestion du 28 août 2019 pour porter les avances à 70 % des montants finaux pour les aides directes (au lieu de 50 %) et 85 % des montants finaux pour l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (au lieu de 75 %). Cette possibilité a été mise en œuvre en France a permis d'apporter une avance de trésorerie à l'ensemble des exploitants concernés. Au niveau national, le dispositif des calamités agricoles sera quant à lui activé par les préfets de département concernés dès le bilan de la sécheresse 2019 connu. Néanmoins, pour les départements de l'Allier et du Puy-de-Dôme, qui sont les plus impactés par la sécheresse d'après les différents indices de pertes sur prairies, une reconnaissance anticipée en calamité agricole a été actée suite au comité national de gestion des risques en agriculture (CNGRA) du 16 octobre 2019. Les préfets pourront, suite au bilan définitif de la sécheresse, demander à réévaluer à la hausse le taux de perte reconnu lors d'un prochain CNGRA. Cette reconnaissance anticipée permet néanmoins une première indemnisation plus rapide des agriculteurs. D'autre part, sans attendre la reconnaissance en calamités agricoles, plusieurs mesures visent à améliorer à très court terme la trésorerie des exploitants touchés : l'exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties sur les cultures destinées à l'élevage pour lesquelles des procédures de dégrèvement d'office ont été activées, ainsi que les mesures de report de paiement ou de prise en charge partielle des cotisations sociales. En outre, les cellules d'identification et d'accompagnement des exploitants en difficulté, mises en place de manière pérenne dans les départements depuis 2018, permettent de faciliter l'identification et l'appui des exploitations en difficulté. Face à la multiplication des sécheresses, et plus largement des événements climatiques exceptionnels, il est indispensable de repenser collectivement d'une part les mesures de protection et d'indemnisation, mais également plus largement les pratiques agricoles elles-mêmes, dans une logique de prévention et d'adaptation. C'est dans cet objectif qu'une consultation élargie sur les voies d'amélioration des outils de gestion des risques en agriculture a été lancée à l'été 2019 avec pour objectif la généralisation de la couverture des agriculteurs face aux risques climatiques. Sur la base des contributions reçues des parties prenantes, plusieurs réunions de travail se tiendront au second semestre 2019 en vue d'identifier des voies d'amélioration des outils de gestion des risques en agriculture. Le ministre chargé de l'agriculture a ouvert la concertation le 30 octobre 2019 en réunissant les parties prenantes pour leur présenter le programme de travail. Il s'agit également de réduire la vulnérabilité de l'agriculture à un risque accru de manque d'eau dans le contexte du changement climatique. Les orientations du Gouvernement en matière de gestion durable de l'eau, exprimées à l'occasion de la communication du 9 août 2017, s'inscrivent à cet égard autour de deux objectifs : encourager la sobriété des usages et réguler en amont la ressource ; faire émerger, dans l'ensemble des territoires, des solutions adaptées aux besoins et aux contextes locaux. Il s'agit notamment de réaliser, là où c'est utile et durable, des projets de stockage hivernal de l'eau afin d'éviter les prélèvements en période sèche, lorsque l'eau est rare. Ces orientations ont été confortées à la suite des assises de l'eau avec la mise en place d'un nouveau pacte de 23 mesures pour faire face au changement climatique. Dans ce cadre, le Gouvernement encourage le recours à la démarche de projet de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE), qui privilégie une gestion concertée, partagée et équilibrée de la ressource en eau sur un territoire donné. L'objectif fixé est de faire aboutir une cinquantaine de PTGE d'ici 2022 et cent d'ici 2027. Une instruction a récemment été délivrée aux préfets pour dynamiser les PTGE et remobiliser les acteurs. Cette instruction rappelle l'importance d'appréhender tout l'éventail des solutions possibles : la recherche de sobriété et d'optimisation de l'utilisation de l'eau, les solutions de stockage ou de transfert, la transition agro-écologique qui est porteuse de solutions pour une meilleure résilience de l'agriculture face aux effets du changement climatique. Le cadre de financement des projets par les agences de l'eau est rénové pour donner plus de flexibilité à la gouvernance locale. Il est important également de rechercher d'autres partenaires financiers [financeurs privés, les collectivités territoriales, les autorités de gestion de fonds européens dont le fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), et le fonds européen de développement régional]. Dans le cadre des négociations en cours pour préparer la programmation 2021-2027 de la PAC dont les modalités de mobilisation du FEADER, la France soutient une PAC ambitieuse d'un point de vue environnemental, y compris en ce qui concerne la protection et la mobilisation des ressources en eau, et souhaite pouvoir soutenir les investissements dans le domaine de l'eau en agriculture notamment pour accompagner la transition agro-écologique.
Auteur : M. Jean-Paul Dufrègne
Type de question : Question écrite
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : Agriculture et alimentation
Ministère répondant : Agriculture et alimentation
Dates :
Question publiée le 8 octobre 2019
Réponse publiée le 19 novembre 2019