Question de : M. Stéphane Peu
Seine-Saint-Denis (2e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine

M. Stéphane Peu attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la fraude à la TVA des sites de vente en ligne hébergés par les grandes plateformes de e-commerce telles qu'Amazon ou Cdiscount. En effet, une part croissante des ventes réalisées sur ces plateformes concerne des sociétés tierces : près de 60  % de l'activité d'Amazon et entre 30 et 40  % pour Cdiscount. Or un récent rapport de l'inspection générale des finances (IGF) indique que 98  % des vendeurs enregistrés sur ces places de marché de commerce électronique ne seraient pas immatriculés à la TVA en France. Alors que le marché de la vente en ligne est en constante croissance et représente cette année un chiffre d'affaire de 100 milliards d'euros, ces révélations mettent à jour une mécanique de fraude massive à la TVA, avec un manque à gagner considérable : sur un échantillon de 43 revendeurs contrôlés sur un total de dizaine de milliers, la direction nationale des enquêtes fiscales (DNEF) a estimé le chiffre d'affaire échappant à la TVA à 285 millions d'euros. Cette situation constitue d'abord un problème de concurrence déloyale s'agissant de sociétés qui bénéficient de facto d'un avantage concurrentiel de 20  % sur celles qui s'acquittent de la TVA, à commencer par les entreprises françaises. C'est surtout un manque à gagner tout à fait considérable pour la collectivité. Selon les estimations, le montant de cette fraude s'élèverait de 8 à 15 milliards d'euros. Il souhaite savoir ce que M. le ministre entend mettre en œuvre pour faire cesser ces pratiques, et pour contraindre les principales places de marché de commerce électronique qui ont bénéficié de ces transactions entachées d'irrégularité à rembourser les montants de TVA indûment perçues.

Réponse publiée le 3 mars 2020

La lutte contre la fraude à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) constitue une préoccupation et son renforcement un objectif constant du Gouvernement, notamment dans le contexte du développement du commerce en ligne. Les dispositifs juridiques mis en place pour atteindre cet objectif ont fait l'objet d'avancées concrètes aux cours des derniers mois tant sur le plan européen que sur le plan national. En premier lieu, il convient en effet de rappeler que les principes qui régissent la TVA sont directement issus des dispositions de la directive n° 2006/112/CE relative au système commun de TVA. Cette directive a fait l'objet d'adaptations en ce qui concerne le commerce en ligne par l'adoption d'une directive n° 2017/2455 du Conseil du 5 décembre 2017 complétée par la directive n° 2019/1995 du Conseil du 21 novembre 2019, qui entreront en vigueur au 1er janvier 2021. Ces textes communautaires ont été transposées dans notre droit national à l'article 147 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020. Ils conduisent à modifier en profondeur certaines obligations en matière de TVA applicables aux prestations de services et aux ventes à distance de biens intervenant dans le cadre du commerce en ligne à destination des consommateurs. À compter du 1er janvier 2021, les entreprises qui facilitent, par l'utilisation d'une interface électronique, telle qu'une place de marché ou une plateforme, soit des ventes à distance de biens importés de pays tiers contenus dans des envois d'une valeur intrinsèque ne dépassant par 150 €, soit des livraisons de biens effectuées par des opérateurs non établis dans l'Union européenne (UE), au profit de consommateurs finaux situés dans l'UE seront redevables de la TVA en lieu et place du fournisseur du bien. De plus, lorsque des biens seront importés en France dans le cadre d'une vente à distance de biens importés dont la destination finale est également en France, l'interface électronique précitée sera redevable de la TVA à l'importation, et ce, quelle que soit la valeur de l'envoi. Par ailleurs, les dispositifs adoptés encouragent le respect de leurs obligations fiscales en matière de TVA par les entreprises qui réalisent ces opérations par le recours à un portail électronique leur permettant d'effectuer plus facilement leurs démarches déclaratives et de paiement lorsqu'elles ne sont pas établies dans le pays de l'UE dans lequel la TVA est due. En second lieu, au plan national, l'article 283 bis du code général des impôts (CGI) introduit par l'article 11 de la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude prévoit, que depuis le 1er janvier 2020, que lorsqu'un assujetti réalise par l'intermédiaire d'une plateforme en ligne, des livraisons de biens ou les prestations de services à destination de personnes non assujetties dont le lieu d'imposition est situé en France et qu'il existe des présomptions que cet assujetti se soustrait à ses obligations en matière de déclaration et de paiement de la TVA, la plateforme en ligne peut être tenue solidairement responsable du paiement de la TVA si elle ne prend pas des mesures à l'égard du redevable légal de la taxe de nature à lui permettre de régulariser sa situation. Il s'agit ici de responsabiliser les plateformes de e-commerce en les incitant à veiller directement à ce que les vendeurs qui commercialisent des marchandises par leur intermédiaire respectent leurs obligations fiscales. En outre, l'article 242 bis du CGI prévoit que les entreprises, quel que soit leur lieu d'établissement, qui mettent en relation à distance, par voie électronique, des personnes en vue de la vente d'un bien, de la fourniture d'un service ou de l'échange ou du partage d'un bien ou d'un service sont tenues de fournir, à l'occasion de chaque transaction, une information loyale, claire et transparente sur les obligations fiscales et sociale qui incombent aux personnes qui réalisent des transactions commerciales par leur intermédiaire, ainsi que de transmettre à l'administration fiscale les données sur les transactions qui sont réalisées par leur intermédiaire. Enfin, l'article 148 de la loi de finances pour 2020 précitée instaure un nouveau dispositif qui prévoit que les entrepôts présents sur le territoire national tiennent désormais à la disposition de l'administration fiscale les informations indispensables pour identifier les propriétaires des biens vendus, ainsi que pour définir la nature, la provenance, la destination et le volume des flux des biens importés. Ainsi, la communication à l'administration, sur sa demande, des informations relatives aux propriétaires des biens stockés par les centres logistiques et vendus en ligne lui permettra d'identifier les redevables non établis en France et non immatriculés à la TVA. Ces informations lui permettront également de recouper les données obtenues auprès des opérateurs de plateformes en ligne dans le cadre de leur obligation déclarative prévue au 3° de l'article 242 bis du code général des impôts (CGI) et du droit de communication de l'administration.

Données clés

Auteur : M. Stéphane Peu

Type de question : Question écrite

Rubrique : Taxe sur la valeur ajoutée

Ministère interrogé : Économie et finances

Ministère répondant : Économie et finances

Dates :
Question publiée le 24 décembre 2019
Réponse publiée le 3 mars 2020

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