Contention dans les établissements psychiatriques
Question de :
M. Nicolas Dupont-Aignan
Essonne (8e circonscription) - Non inscrit
M. Nicolas Dupont-Aignan appelle l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur l'opacité des registres et rapports annuels sur la contention et l'isolement, que peinent à transmettre aux autorités certains établissements psychiatriques. Dans le domaine médical et notamment psychiatrique, la contention correspond à l'immobilisation du patient par des procédés adaptés qui l'entravent tout ou partie. L'article L. 3222-5-1 du code de santé publique dispose ainsi que la contention, comme l'isolement, « sont des pratiques de dernier recours » et qu'il « ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision d'un psychiatre, prise pour une durée limitée ». L'article L. 3211-3 du même code, précise quant à lui que de telles pratiques doivent respecter la dignité de la personne en toutes circonstances. Or, d'après un rapport publié en 2016 par Mme le Contrôleur général des lieux de privation des libertés, l'isolement et la contention font souvent l'objet d'une utilisation « d'une ampleur telle qu'elle semble être devenue indispensable aux professionnels ». Ainsi, constate-t-elle une atteinte grave aux droits fondamentaux des personnes hospitalisées et à leur liberté de circulation de manière souvent « humiliante, indigne et parfois dangereuse », au point d'être qualifiée de « traitement inhumain et dégradant ». M. Jean-Paul Lanquetin, fondateur du groupe de recherche en soins infirmiers et membre du Centre ressources métiers et compétences (CRMC) en psychiatrie, constate pour sa part, une augmentation banalisée et constante de ces pratiques depuis près de 15 ans. Le « collectif des 39 » (psychiatres), s'appuyant sur la littérature scientifique, considère quant à lui que la contention n'est en rien thérapeutique et qu'à l'unanimité, les patients qui la subissent s'en sentent avilis, humiliés et impuissants. Pour remédier à ces dérives, la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 a prévu plusieurs dispositions pour encadrer et limiter les abus, notamment la tenue d'un registre spécifique garantissant la traçabilité de ces mesures et qu'il est, bien souvent, difficile de se procurer. C'est pourquoi il souhaiterait savoir ce que son ministère a prévu de mettre concrètement en œuvre dans le cadre de son « plan national de réduction du recours des soins sans consentement et à la contention », pour limiter ces pratiques au maximum, prévenir les abus et faciliter l'accès desdits registres aux autorités compétentes (commission départementale des soins psychiatriques, contrôleur général des lieux de privation de liberté et parlementaires).
Réponse publiée le 6 octobre 2020
L'isolement et la contention en psychiatrie sont encadrés par l'article 72 de la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016. L'action 22 de la feuille de route Santé mentale et psychiatrie officialisée en juin 2018, prévoit de réduire le recours aux soins sans consentement, à l'isolement et à la contention. Cette démarche s'inscrit dans le cadre d'une politique déterminée de prévention, de réduction et de contrôle des pratiques d'isolement et de contention, partagée au niveau européen. Elle s'est traduite en France par le déploiement depuis 2016, sous l'égide du centre collaborateur de l'organisation mondiale de la santé de Lille, de l'initiative de l'Organisation mondiale de la santé QualityRights, basée sur la Convention des Nations Unies relative aux Droits des Personnes Handicapées (CIDPH), et par les travaux du comité de pilotage de la psychiatrie, qui ont permis d'engager un plan d'actions de réduction déterminée des mesures d'isolement, de contention et de soins sans consentement les plus attentatoires aux droits des patients. L'article L. 3222-5-1 du code de santé publique dispose ainsi que la contention, comme l'isolement, « sont des pratiques de dernier recours » et qu'il « ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision d'un psychiatre, prise pour une durée limitée ». Il prévoit aussi la création d'un registre dans chaque établissement de santé autorisé en psychiatrie, afin de tracer chaque mesure d'isolement et de contention. Or, par décision n° 2020-844 QPC du 19 juin 2020, le Conseil Constitutionnel a décidé que cet article L. 3222-5-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, était contraire à la Constitution et qu'il devait être abrogé. Cette décision prendra effet au 31 décembre 2020 (date de l'abrogation des dispositions contestées). Dans le prolongement de l'action déjà engagée pour réduire l'isolement et la contention, le Gouvernement entend donc donner suite à cette décision d'inconstitutionnalité, en travaillant sur un texte garantissant le droit des personnes de façon rigoureuse.
Auteur : M. Nicolas Dupont-Aignan
Type de question : Question écrite
Rubrique : Lieux de privation de liberté
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Dates :
Question publiée le 4 février 2020
Réponse publiée le 6 octobre 2020