Question écrite n° 26918 :
Comparution immédiate, un outil dissuasif de prévention des violences conjugales

15e Législature

Question de : M. Éric Pauget
Alpes-Maritimes (7e circonscription) - Les Républicains

M. Éric Pauget appelle l'attention de Mme la secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, sur l'impérieuse nécessité d'engager des poursuites immédiates et dissuasives envers les auteurs de violences conjugales. Il lui rappelle que chaque année 220 000 femmes adultes sont victimes de violences de la part de leur conjoint, soit une toutes les deux minutes environ. De plus, avec 126 féminicides décomptés par l'Agence France Presse (AFP), 2019 est une « année noire » quant aux violences faites aux femmes. Aussi, ce constat alarmant doit appeler la plus grande vigilance et une sévérité exemplaire de la part des pouvoirs publics. Certes, le Gouvernement a souhaité envoyer un message fort en ce sens en engageant la procédure accélérée lors de l'examen à l'Assemblée nationale de la proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales. Toutefois, cette volonté et cette urgence ne se traduisent pas toujours dans les faits comme en témoigne une récente affaire criminelle qui a vu la remise en liberté, dans l'attente d'un procès en appel, d'un individu pourtant condamné à 30 ans de prison en première instance, ou bien encore des remises en liberté accompagnées d'une simple convocation, repoussant d'autant les sanctions. Ces cas ne sont malheureusement pas isolés, mais illustratifs d'une situation plus générale que l'on peut retrouver notamment dans le département des Alpes-Maritimes. Opter pour la comparution immédiate des présumés coupables, présenterait le triple avantage de la rapidité de l'engagement judiciaire, de l'efficacité et de la dissuasion, en évitant les risques de dérives conjugales violentes et de pressions exercées à l'encontre des victimes demeurant dans l'attente d'un procès trop lointain. Il est à noter, de plus, que le choix de cette procédure ne compromet pas les droits du mis en cause qui peut toujours refuser d'être jugé le jour même pour mieux préparer sa défense. Aussi, il la remercie de bien vouloir lui indiquer si le Gouvernement, face à ce véritable fléau que sont les violences conjugales, serait favorable à « l'automatisation » des comparutions immédiates.

Réponse publiée le 5 mai 2020

La lutte contre les violences conjugales est une priorité d'action majeure du ministère de la justice comme en attestent la loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille, et les deux dernières circulaires de politique pénale en matière de violences conjugales, respectivement en date du 9 mai 2019 et du 28 janvier 2020. Ces deux circulaires donnent des directives de politique pénale aux procureurs de la République afin que la protection des victimes de violences conjugales soit mieux prise en compte. Ainsi elles préconisent de recourir de manière accrue aux dispositifs de protection tels que l'ordonnance de protection ou le téléphone grave danger, et encouragent les réponses pénales permettant de prendre des mesures de sûreté à l'égard des prévenus. La loi du 28 décembre 2019 renforce quant à elle les moyens mis à disposition de la justice pour protéger les victimes de violences conjugales en permettant l'octroi d'un bracelet électronique anti-rapprochement dans trois hypothèses : à titre présentenciel (dans le cadre du contrôle judiciaire), à titre postsentenciel (dans le cadre du sursis probatoire et des aménagements de peine) et en l'absence de poursuites pénales (dans le cadre de l'ordonnance civile de protection). L'entrée en vigueur du dispositif est prévue pour le dernier trimestre de l'année 2020. Dans l'intervalle, la loi a élargi la possibilité d'octroyer un téléphone grave danger à la victime de violences conjugales, sans attendre une décision judiciaire d'interdiction de contact. C'est également dans cette perspective que le Gouvernement soutient la proposition de loi actuellement examinée au Parlement, qui vise à faciliter le signalement des faits de violences conjugales par les professionnels de santé et à interdire le recours à la médiation pénale en matière de violences conjugales. Afin d'éviter que l'exercice des droits de visite et d'hébergement à l'égard des enfants mineurs expose la victime à un risque accru de réitération des faits, cette proposition de loi prévoit également de rendre possible la suspension de ces droits dans le cadre d'un contrôle judiciaire, y compris lorsque les enfants n'ont pas été eux-mêmes directement victimes de violences. S'agissant des modes de poursuite, la comparution à délai différé issue de la loi du 23 mars 2019 de programmation et de réforme pour la justice présente l'avantage de permettre une meilleure évaluation de la dangerosité du prévenu en ordonnant des examens psychologiques ou psychiatriques approfondis dans le temps qui sépare le défèrement de l'audience de jugement, et ainsi de prononcer des peines adaptées, tout en assurant la protection de la victime par une mesure de détention provisoire ou de contrôle judiciaire strict. Le recours à la comparution immédiate apparaît quant à lui adapté aux délits les plus graves ou aux prévenus dont les antécédents judiciaires sont les plus lourds. Le principe de l'individualisation des peines et le principe de l'opportunité des poursuites font obstacle à une quelconque automaticité du choix de l'orientation pénale, comme de la peine.

Données clés

Auteur : M. Éric Pauget

Type de question : Question écrite

Rubrique : Femmes

Ministère interrogé : Égalité femmes hommes et lutte contre les discriminations

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 25 février 2020
Réponse publiée le 5 mai 2020

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