Question écrite n° 27137 :
Droits fondamentaux des personnes détenues en établissements pénitentiaires

15e Législature

Question de : M. Fabien Gouttefarde
Eure (2e circonscription) - La République en Marche

M. Fabien Gouttefarde interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'effectivité de la protection des droits fondamentaux des personnes détenues dans les établissements pénitentiaires. Dans un arrêt (requête n° 9671/15 et 31 autres) J.M.B et autres c. France, rendu le 30 janvier 2020, la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a condamné la France à verser de 4 000 à 25 000 euros à chacun des 32 requérants en réparation du dommage moral, pour un montant total de 513 250 euros, en raison des conditions de détention dans les établissements pénitentiaires, maisons d'arrêt et centres de détention. Dans cet arrêt unique, la CEDH a jugé les recours exercés entre 2015 et 2018 de 32 personnes détenues dans les établissements pénitentiaires de Fresnes, Nîmes, Nice, Ducos (Martinique), Baie-Mahault (Guadeloupe) et Faa'a Nuutania (Polynésie) dans des conditions de surpeuplement, de vétusté, d'insalubrité et d'hygiène contraires à la dignité humaine. Ainsi, la Cour a reconnu la violation des articles 3, interdisant les traitements inhumains ou dégradants, et 13, garantissant le droit à un recours effectif, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (CESDH), résultant de conditions d'incarcération incompatibles avec le principe d'encellulement individuel, et ce malgré le moratoire sans cesse prorogé depuis la loi pénitentiaire n° 2014-1436 du 24 novembre 2009 d'une part, et de l'ineffectivité des recours préventifs - le référé-liberté et le référés, mesures utiles - devant le juge administratif, dont le pouvoir d'injonction a une portée limitée telle qu'il ne permet pas d'ordonner des mesures permettant de faire cesser concrètement les atteintes à la dignité humaine protégée par la Convention. Aussi, il l'interroge sur le nombre annuel de condamnations de la France par la CEDH pour violation des articles 3 et 13 sur le fondement de recours exercés en raison des conditions d'incarcération entre 2009 et 2019 ainsi que sur les montants d'indemnisation par année, pour la même période, ordonnés par la CEDH.

Réponse publiée le 23 juin 2020

Le nombre de condamnations prononcées par la Cour européenne des droits de l'Homme contre le Gouvernement français pour violation des articles 3 (traitements inhumains et dégradants) et 13 (droit au recours effectif) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, en raison des conditions générales de détention, hors situations particulières individuelles, dans un établissement pénitentiaire français, est marginal. Depuis 2009, la Cour a en effet rendu seulement deux arrêts de violation concernant des recours exercés en raison des conditions d'incarcérations . Ces deux arrêts visaient le centre pénitentiaire de Nouméa et la maison d'arrêt de Nancy Charles III, cette dernière ayant fait l'objet d'une fermeture définitive en 2009. Le premier arrêt rendu le 25 avril 2013, concernant la maison d'arrêt de Nancy Charles III, dans une affaire Canali contre France, a condamné la France à verser au requérant la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral et 4 784 euros au titre des frais et dépens, sachant qu'en 2013, la Cour a rendu 31 arrêts, dont 21 arrêts de violation. Le montant des réparations allouées par la Cour aux requérants de ces affaires ayant donné lieu à condamnation, et imputables au ministère de la justice, était pour l'année civile 2013 de 161 451,40 euros. L'affaire Canali contre France représente ainsi 9 % du montant des condamnations totales de l'année 2013. Par le second, rendu le 21 mai 2015 dans une affaire Yengo contre France, concernant le centre pénitentiaire de Nouméa, la CEDH a condamné la France à verser au requérant la somme de 8 500 euros au titre du préjudice moral et des frais et dépens. Pour rappel, en 2015, la Cour a rendu 20 arrêts dont 12 arrêts de violation. Le montant des réparations allouées par la Cour aux requérants et imputables sur les crédits du ministère de la justice s'élevait pour l'année civile 2015 à 158 065 euros. L'affaire Yengo contre France représente ainsi 5,45 % du montant des condamnations totales de l'année 2015.

Données clés

Auteur : M. Fabien Gouttefarde

Type de question : Question écrite

Rubrique : Lieux de privation de liberté

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 3 mars 2020
Réponse publiée le 23 juin 2020

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