Question écrite n° 28145 :
Dérive autoritaire au Niger : la France doit réagir

15e Législature

Question de : M. Alexis Corbière
Seine-Saint-Denis (7e circonscription) - La France insoumise

M. Alexis Corbière attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la répression du pouvoir nigérien à l'encontre de son opposition politique et des défenseurs des droits de l'homme actifs dans le pays. Le lundi 16 mars 2020, dans les rues de la capitale Niamey, des Nigériens se sont soulevés pour dénoncer la corruption et notamment des détournements de fonds dans l'achat de matériel militaire. En réaction immédiate, tous les manifestants ont fait l'objet de poursuites pour « participation à une manifestation non autorisée ». Le lendemain, huit membres de la société civile nigérienne ont été arrêtés par suite de leur participation à cette initiative. La veille, la manifestation avait été interdite dans le cadre de la prévention du coronavirus, sans qu'aucune notification ne soit néanmoins adressée à Tournons la page (TLP) Niger, à l'origine de cette initiative. Parmi les personnes arrêtées figurent notamment Nouhou Arzika et Moussa Tchangari, tous deux libérés le 24 juillet 2018 après plus de quatre mois de détention arbitraire pour « organisation et participation à une manifestation interdite ». Quelques semaines plus tôt, le jeudi 5 mars 2020, Mamane Kaka Touda, journaliste et membre de l'ONG « Alternative espaces citoyens », avait été arrêté chez lui et placé en garde à vue pour « diffusion de données tendant à troubler l'ordre public ». Son seul crime fut la publication d'un post sur le réseau Facebook alertant sur un cas de suspect de coronavirus au service des urgences de l'hôpital de Niamey. Ces pressions sur les journalistes nigériens et les atteintes à la liberté d'expression qu'elles impliquent ne sont pas nouvelles. Depuis quatre ans, elles troublent la vie démocratique du Niger et font l'objet de dénonciations régulières sans que de véritable changement ne voie le jour. Pire, la crise du coronavirus offre l'occasion d'un nouveau prétexte pour mener cette répression au grand jour. Impliquée dans la région via l'opération Barkhane, la France ne peut rester sans réagir. Elle doit œuvrer à la sauvegarde du pluralisme politique et de la liberté d'expression, comme partout ailleurs dans le monde. Il lui demande donc s'il compte activer les leviers diplomatiques de la France pour obtenir la libération des prisonniers politiques ; il en va de la responsabilité du pays à protéger les droits de l'homme et les libertés y afférant.

Réponse publiée le 21 juillet 2020

La question de l'équilibre entre santé publique et respect des libertés fondamentales est cruciale dans le cadre de la pandémie que nous traversons. Cette dernière ne saurait servir de prétexte à un affaiblissement des libertés individuelles, où que ce soit. La défense des droits humains et le soutien à la société civile figurent parmi les priorités de notre partenariat avec le Niger. Ces sujets sont traités de manière régulière, et au plus haut niveau, dans notre dialogue bilatéral. En tant que cheffe de file des partenaires internationaux sur la thématique « justice et droits humains », la France préside par ailleurs chaque année une réunion de concertation avec les autorités nigériennes. Ces enjeux bénéficient aussi du soutien de la coopération française. Nous le faisons, notamment, à travers un soutien financier au profit de 17 organisations de la société civile nigériennes qui défendent la cause des femmes, ou encore via le dispositif d'appui aux organisations de la société civile de l'Agence française de développement (AFD). Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a appuyé, fin 2018, la remise du prix Droits de l'Homme de la République au mouvement « Tournons la page » au Niger. La France soutient également plusieurs initiatives visant à améliorer la transparence, élément clé de l'indispensable redevabilité des pouvoirs publics comme de l'amélioration de la gouvernance. Outre l'appui apporté par l'AFD à la réforme des finances publiques, la France a apporté et continue d'apporter son soutien pour la réintégration officielle du Niger au sein de l'Initiative pour la transparence des industries extractives, approuvée le 20 février dernier. Dans le contexte particulier de crise sanitaire que nous traversons, les autorités nigériennes ont mis en place, comme ailleurs, des mesures préventives pour pallier les fragilités du système de santé. Dès le 13 mars, le gouvernement interdisait les rassemblements d'au moins 1000 personnes. Lors de son discours à la Nation du 17 mars, le Président Issoufou a annoncé des mesures supplémentaires, similaires à celles qui ont été prises en Europe. Ces décisions, malgré la contrainte qu'elles représentaient sur le plan social et économique, ont fait l'objet d'un consensus dans la classe politique nigérienne. D'autres décisions ont été prises après la détection des premiers cas dans le pays, comme la libération de plus de 1500 détenus le 30 mars, dont Hama Amadou, l'un des dirigeants de l'opposition nigérienne, que la France a d'ailleurs longtemps accueilli pour raisons humanitaires. La France, attachée aux principes inhérents à la démocratie et aux droits de l'Homme, restera vigilante quant au respect des libertés individuelles et continuera, dans les instances multilatérales, comme dans ses relations bilatérales, à défendre ces principes.

Données clés

Auteur : M. Alexis Corbière

Type de question : Question écrite

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères

Ministère répondant : Europe et affaires étrangères

Dates :
Question publiée le 7 avril 2020
Réponse publiée le 21 juillet 2020

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