Question écrite n° 28392 :
Sur l'installation d'un infâme business de la mort au marché de Rungis

15e Législature

Question de : M. Bruno Bilde
Pas-de-Calais (12e circonscription) - Non inscrit

M. Bruno Bilde interroge M. le ministre de l'intérieur sur les pratiques commerciales abjectes qui sont imposées aux familles des victimes du coronavirus dont les cercueils sont en attente à Rungis. En effet, depuis le 2 avril 2020, un hall du marché de gros de Rungis est réquisitionné par la préfecture de police de Paris pour accueillir les cercueils des personnes décédées du fait de l'épidémie de covid-19 et répondre aux tensions des services funéraires. Le préfet de police, M. Didier Lallement, précisait en outre que cet espace permettrait de conserver, dans les conditions sanitaires « les plus dignes et acceptables les cercueils des défunts dans l'attente de leur inhumation ou crémation » en autorisant le recueillement des familles. Il apparaît aujourd'hui que le traitement des défunts et les conditions de visite des proches sont parfaitement indignes et totalement inacceptables. En effet, mercredi 8 avril 2020, sur BFMTV, la présidente des Pompes funèbres de France, Mme Sandrine Thiefine, a exprimé sa stupéfaction sur les pratiques en vigueur dans la morgue improvisée de Rungis. On apprend notamment que le passage du cercueil dans le bâtiment réquisitionné par les services de l'État est payant. Les familles doivent ainsi débourser 150 euros pour les frais d'admission du cercueil et 35 euros par jour. Sachant que les délais pour organiser une inhumation ou une crémation sont actuellement ralentis, la facture peut très rapidement s'envoler. Plus révoltant encore, les familles doivent verser près de 50 euros pour bénéficier d'une heure de recueillement. Ces pratiques et ces tarifs intolérables sont clairement inhumains à l'heure où des milliers de familles endeuillées seront dans l'incapacité de voir une dernière fois leur proche à cause des restrictions du confinement. Comment le préfet de police de Paris peut-il justifier ces règles indécentes ? Il souhaite savoir ce que compte faire le Gouvernement pour mettre fin à ce marché de la honte et garantir aux proches des conditions de recueillement réellement dignes et respectueuses de leur souffrance ; la gestion de crise ne doit pas autoriser l'ignominie.

Réponse publiée le 8 septembre 2020

Dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, la réquisition de lieux destinés au dépôt temporaire des corps avant ou après mise en bière peut localement s'avérer nécessaire, en réponse à la saturation des équipements de droit commun que sont notamment les chambres funéraires et mortuaires. Le décret n° 2020-384 du 1er avril 2020 complétant le décret no 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire dispose à ce titre que le représentant de l'Etat dans le département est habilité à procéder à la réquisition de tout opérateur participant au service extérieur des pompes funèbres ainsi que de tout bien, service ou personne nécessaire à l'exercice de l'activité de ces opérateurs. Les modalités d'utilisation des sites réquisitionnés aux fins de dépôt temporaire des corps avant ou après mise en bière répondent quant à elles aux dispositions de droit commun complétées des mesures prévues par les textes spécifiques à l'état d'urgence sanitaire, notamment du décret no 2020-352 du 27 mars 2020 portant adaptation des règles funéraires en raison des circonstances exceptionnelles liées à l'épidémie de covid-19. A ce titre, le service extérieur des pompes funèbres constituant un service public industriel et commercial depuis le 10 janvier 1998, conformément à la loi nº 93-23 du 8 janvier 1993 relative à la législation dans le domaine funéraire, les prestations réalisées par les opérateurs funéraires génèrent nécessairement un coût dont la prise en charge revient en droit à la « personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles  » c'est-à-dire de façon la plus commune à la personne de l'entourage du défunt en charge de l'organisation des obsèques. Dans le cas spécifique de la réquisition d'un local sur le site de Rungis, le dépôt du corps y est sollicité par l'opérateur funéraire mandaté par la famille, opérateur auquel il revient de conduire la prise en charge des obsèques depuis le constat du décès jusqu'à l'inhumation ou la crémation, conformément au devis proposé à la famille. Le Gouvernement est soucieux, avec l'ensemble des acteurs publics et privés de la chaîne funéraire, de faire en sorte que la conduite des obsèques puisse, partout sur le territoire national et y compris sur le site de Rungis, se dérouler dans le respect dû aux défunts et dans des conditions acceptables par les familles. Un accompagnement et un suivi attentifs du dossier sont assurés à ce titre par le ministre de l'intérieur et la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Une mission d'inspection a en outre été sollicitée par le Ministre de l'Intérieur.

Données clés

Auteur : M. Bruno Bilde

Type de question : Question écrite

Rubrique : Mort et décès

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales

Dates :
Question publiée le 14 avril 2020
Réponse publiée le 8 septembre 2020

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