Situation des AOP fromagères et des producteurs laitiers face au covid-19
Question de :
Mme Emmanuelle Anthoine
Drôme (4e circonscription) - Les Républicains
Mme Emmanuelle Anthoine attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la situation des AOP fromagères et des producteurs laitiers dans le contexte de la crise épidémique du covid-19. Les AOP fromagères et les producteurs laitiers accusent effectivement une baisse de 50 % à 80 % de leurs commandes. Cette évolution dramatique de la demande provient de la fermeture des lieux de restauration hors domicile, de nombreux rayons à la coupe dans les grandes et moyennes surfaces ainsi que des marchés. Les Français, dans la période que connaît le pays, se sont par ailleurs détournés des produits alimentaires labellisés pour se concentrer sur les produits de première nécessité. L'offre a pourtant pleinement conservé ses capacités de production. Les AOP et IGP laitières totalisent en France 268 000 tonnes de produit pour un chiffre d'affaires annuel estimé à 2,1 milliards d'euros. Plus de 18 000 producteurs de lait, 1 300 producteurs fermiers et 350 établissements de transformation vivent de ces filières de qualité. C'est tout cet écosystème économique qui est déstabilisé, voire menacé. Il s'agit de nombreuses petites structures (PME-TPE) qui font vivre les territoires. Celles-ci dépendent très fortement de la saison printanière puisque c'est à ce moment de l'année que survient leur pic de production. Il n'y a donc pas eu de vente au cours des derniers mois et ces entreprises agricoles ne disposent que de très peu de trésorerie. Plusieurs producteurs se sont nouvellement installés et doivent assumer des investissements conséquents sans disposer de trésorerie et sans débouchés. La situation est pour eux intenable. Les filières AOP n'ont par ailleurs pas les moyens de réorienter ou de stocker leur production. L'absence de débouchés les condamne donc à la destruction du lait et du fromage, soit une perte de valeur inestimable pour l'agroalimentaire français. Par mois, cela représente 13 400 tonnes de produits pour un chiffre d'affaires d'au moins 105 millions d'euros. Plusieurs AOP ont engagé des mesures volontaires de réduction de la production laitière, des réorganisations de collecte, des actions de communication en faveur de la consommation de fromage et des négociations avec les clients. Ces efforts nécessitent d'être accompagnés par l'État. Les producteurs attendent ainsi une indemnisation de la part de l'État afin de leur permettre de baisser la production laitière. Une aide au stockage d'urgence apparaît également nécessaire avec la mise à disposition d'espaces de stockage et l'activation des aides au stockage. Il importe surtout de couvrir les pertes nettes de chiffre d'affaires. Une aide d'urgence pourrait être débloquée pour soutenir les producteurs. Le bénéfice du chômage partiel devrait également leur être permis. La déclaration de « catastrophe sanitaire » reste aussi très attendue par l'ensemble des acteurs économiques. L'État doit enfin apporter un soutien en faveur d'une communication promouvant la consommation de produits labellisés auprès des Français. Les attentes sont fortes et l'action de l'État est vitale pour la survie de ces exploitations de qualité qui contribuent fortement au rayonnement du secteur agroalimentaire français. Avec elles, ce sont de précieux savoir-faire qui disparaîtraient et la fabrication de produits renommés qui font partie intégrante du patrimoine français. Il n'est pas possible de laisser ces exploitations agricoles sombrer. Aussi, elle aimerait savoir si le Gouvernement envisage de prendre des mesures pour venir en soutien des AOP fromagères et plus généralement des producteurs laitiers.
Réponse publiée le 4 août 2020
La crise sanitaire actuelle a des impacts importants pour de nombreuses filières agricoles et agroalimentaires. C'est notamment le cas de la filière laitière, et en particulier pour les petites entreprises fromagères, souvent dans des filières sous indication géographique (IG), et les producteurs laitiers fermiers, dont l'activité est si importante pour le patrimoine et l'économie des territoires. Ces filières font face à des difficultés liées à des pertes de débouchés, compte tenu de la fermeture d'une majorité du secteur de la restauration hors domicile, de celle d'un nombre important de marchés, et de l'orientation des achats alimentaires vers des produits de première nécessité et moins d'achats festifs par les consommateurs. En outre, la période de forte production laitière (du fait du pic de collecte annuel) aggrave la problématique. Au niveau local, des réorganisations de collecte du lait et de leurs débouchés ont été mises en place pour optimiser les capacités de valorisation du lait, avec notamment la mobilisation de certaines grandes entreprises, en particulier coopératives. Il convient de saluer la solidarité exemplaire qui s'exerce dans la filière laitière et permet d'atténuer les difficultés rencontrées par les plus petites entreprises pour lesquelles les alternatives sont réduites. De plus, des efforts sont entrepris par les enseignes de grande distribution pour maintenir ouverts les rayons à la coupe et préserver la diversité des produits proposés aux consommateurs. Les fromages sous IG maillent l'ensemble du territoire, avec une production souvent issue de très petites entreprises (TPE) et de petites et moyennes entreprises (PME), dont certaines qui apparaissent durement touchées par la crise. C'est bien pour préserver ce type d'entreprise que le Gouvernement a annoncé des mesures immédiates de soutien, dont peuvent bénéficier les exploitations agricoles et les entreprises de transformation, notamment les TPE et PME. Le détail de ces mesures est disponible sur le site du ministère de l'économie et des finances : www.economie.gouv.fr/coronavirus-soutien-entreprises. De plus, le ministère chargé de l'agriculture a porté au plan européen la nécessité d'activer des mesures de gestion des marchés. Il était indispensable que la Commission européenne active sans plus attendre ces outils et le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a mobilisé l'ensemble des partenaires européens pour porter conjointement cette demande. Concernant la filière laitière et fromagère, il s'agissait en particulier d'activer rapidement une aide financière au stockage privé. Pour le secteur laitier, la Commission européenne a apporté des réponses en proposant fin avril des mesures de stockages privés pour la poudre de lait écrémé, le beurre et l'ensemble des fromages, sous indication géographique ou non. Au niveau national, le ministère chargé de l'agriculture a travaillé avec les services de l'institut national de l'origine et de la qualité pour mettre en place une procédure rapide pour permettre aux fromages sous IG qui le souhaitent d'adapter temporairement leur cahier des charges pour faire face à la crise actuelle. Il s'agit pour eux de pouvoir continuer à bénéficier de leur appellation, malgré les évolutions des conditions de production compte tenu de la crise actuelle (en permettant la congélation d'une partie des volumes sous forme de caillé ou de fromages en blanc par exemple), tout en veillant à préserver ce qui fait la typicité de ces fromages. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation travaille également avec le conseil national des appellations d'origine laitières sur l'évolution des dispositifs de régulation de l'offre (RRO) de fromages sous IG déjà mis en œuvre pour huit des fromages sous appellation, ou à la mise en place de telles règles pour de nouveaux fromages pour permettre une meilleure maîtrise de l'offre de ces derniers. Les RRO pour les appellations fromagères qui le souhaitent pourront par exemple prévoir une application saisonnière temporaire avec l'établissement de références mensuelles ou trimestrielles. Les services du ministère de l'agriculture assureront une gestion rapide des dossiers qui seront déposés, en lien avec ceux du ministère de l'économie et des finances. Avec la crise, la situation des populations les plus précaires se détériore et les besoins de soutien augmentent, en particulier en ce qui concerne les besoins alimentaires. Afin de faire face aux besoins, le Gouvernement a annoncé le lancement d'un plan d'urgence pour soutenir l'aide alimentaire. Doté de 39 millions d'euros (M€), ce plan comprendra deux volets : 25 M€ de soutien financier aux associations d'aide alimentaire pour acheter des denrées alimentaires et 14 M€ destinés à certains foyers dans des territoires particulièrement impactés par la crise économique. Les producteurs et les entreprises de la filière laitière font régulièrement preuve de solidarité en donnant une partie de leurs productions pour les personnes les plus démunies. Ces dons, qui peuvent être effectués par les producteurs ou par les entreprises de transformation, bénéficient d'une défiscalisation à hauteur de 60 % ou 75 % du don, en fonction des conditions réglementaires prévues par le code général des impôts. L'ensemble du Gouvernement, dont le ministère de l'agriculture, reste pleinement mobilisé pour suivre l'évolution de la situation pour l'ensemble des filières agricoles et apporter les solutions appropriées le plus rapidement possible. La propagation mondiale du covid-19 place le monde entier dans une situation inédite avec un double défi, sanitaire et économique auquel il convient de faire face collectivement.
Auteur : Mme Emmanuelle Anthoine
Type de question : Question écrite
Rubrique : Agroalimentaire
Ministère interrogé : Agriculture et alimentation
Ministère répondant : Agriculture et alimentation
Dates :
Question publiée le 21 avril 2020
Réponse publiée le 4 août 2020