Question écrite n° 28957 :
Demande de suspension des épandages agricoles durant la crise sanitaire

15e Législature

Question de : M. Alexis Corbière
Seine-Saint-Denis (7e circonscription) - La France insoumise

M. Alexis Corbière attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les conséquences des épandages agricoles de fertilisants chimiques en termes de santé publique, notamment en période de crise sanitaire. Chaque année, de nombreux et graves épisodes de pollution printanière s'expliquent notamment par les épandages massifs de fertilisants chimiques utilisés dans l'agriculture intensive. Ces derniers jours, des analyses de l'air menées dans différentes régions de France par des organismes agréés ont montré une forte concentration en particules fines d'origine agricole. C'est le cas dans le Grand Est, en Bretagne ou encore en Île-de-France. Or, dans une tribune parue le 23 mars 2020, plusieurs chercheurs, collectifs citoyens et associations indiquent que les particules fines « servent de vecteurs au coronavirus qui se déplace d'autant plus facilement lorsque l'air [en] est chargé ». L'exposition des populations à de tels composés pourrait donc fragiliser l'organisme et aggraver l'épidémie en cours. Isabella Annesi-Maesano, directrice de recherche à l'INSERN et signataire de cette tribune, a par ailleurs rappelé que les premiers territoires touchés par le covid-19 correspondaient à des régions très polluées de Chine, d'Italie ou d'Iran. Pour toutes ces raisons, plusieurs associations environnementales ont demandé une suspension des épandages durant la crise sanitaire. Cela permettrait d'éviter toute mise en danger des Français et plus particulièrement de ceux touchés par le covid-19. Il lui demande donc les mesures qu'il compte prendre en ce sens.

Réponse publiée le 23 juin 2020

Les fertilisants apportent les éléments nutritifs nécessaires aux plantes pour assurer la qualité des récoltes destinées à l'alimentation et restituer aux sols les éléments prélevés par les productions, puis récoltés et exportés vers les consommateurs. La fertilisation est indispensable, quel que soit le mode de production, aussi bien en agriculture biologique qu'en système de production conventionnel. Les fertilisants sont appliqués au moment permettant une meilleure assimilation par les plantes, tout en évitant les fuites vers l'environnement. Le printemps est ainsi une période cruciale pour la fertilisation des cultures.  Le centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique, centre technique de référence en matière de pollution atmosphérique et de changement climatique, estime sur la base de données de 2016 que les pratiques de fertilisation représentent 43 % des émissions d'ammoniac tout secteur d'activités confondu, dont 19 % liés à l'épandage de matières organiques et 24 % liés à l'épandage d'engrais minéraux. Dans l'atmosphère, l'ammoniac peut se recombiner avec d'autres particules, telles que les oxydes d'azote issus des activités industrielles et du trafic routier, et être à l'origine d'épisodes de pollutions aux particules fines. C'est pourquoi les activités agricoles sont incluses, avec les autres secteurs émetteurs (transports, industrie, résidentiel et tertiaire) dans le dispositif de gestion conjoncturelle des épisodes de pollution défini par le code de l'environnement, notamment ses articles L. 223-1 et R. 223-1 à R. 223-4. Pour lutter contre ces pics de pollution, le préfet de zone de défense et de sécurité établit un document-cadre relatif aux procédures préfectorales et aux mesures de dimension interdépartementale en cas d'épisode de pollution. Le préfet de département prend un arrêté déclinant le document-cadre du préfet de zone de défense et de sécurité à l'échelle de son département. En cas de dépassement prévu de seuils d'alerte, le préfet de département peut exiger, au niveau agricole, de recourir à des procédés d'épandage faiblement émetteurs d'ammoniac, de recourir à des enfouissements rapides des effluents, de suspendre la pratique de l'écobuage et les opérations de brûlage à l'air libre des sous-produits agricoles, de reporter les épandages de fertilisants minéraux et organiques en tenant compte des contraintes déjà prévues par les programmes d'actions pris au titre de la directive 91/676/CEE du Conseil du 12 décembre 1991 concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles ou de reporter les travaux du sol. Sur la période de mi-mars à mi-avril 2020, neuf régions ont connu en tout dix-huit dépassements du seuil d'information-recommandations (dont seize en métropole et Corse) pour les particules fines PM 10, mais aucune région n'a connu de dépassement du seuil d'alerte nécessitant la mise en place de mesures de restriction. Le Conseil d'État, saisi le 7 avril 2020 par l'association Respire pour réglementer les épandages agricoles pendant toute la durée de la pandémie covid-19, a conclu le 20 avril 2020 que, au regard des connaissances disponibles, le dispositif de gestion conjoncturel des épisodes de pollution était approprié.  Dans le contexte actuel d'état d'urgence sanitaire, l'État reste attentif à l'évolution des connaissances sur la pollution atmosphérique et le covid-19, et veille en cas de dépassement des seuils d'alerte à prendre les mesures appropriées.

Données clés

Auteur : M. Alexis Corbière

Type de question : Question écrite

Rubrique : Pollution

Ministère interrogé : Agriculture et alimentation

Ministère répondant : Agriculture et alimentation

Dates :
Question publiée le 28 avril 2020
Réponse publiée le 23 juin 2020

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