Covid-19 : alerte sur la situation éducative en Seine-Saint-Denis
Question de :
M. Alexis Corbière
Seine-Saint-Denis (7e circonscription) - La France insoumise
M. Alexis Corbière attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur la situation du système éducatif et de ses établissements scolaires en Seine-Saint-Denis. En pleine crise sanitaire, M. le député a été alerté par les équipes pédagogiques et les parents d'élèves de la fermeture programmée d'une classe à l'école maternelle Jean Jaurès de Bagnolet. Cette fermeture n'est pas sans susciter de vives inquiétudes pour les parents des élèves concernés, dont treize d'entre eux sont en inclusion scolaire et demandent donc une attention toute particulière. Ils se mobilisent par le biais d'une pétition pour exiger la réouverture immédiate de cette classe. D'autres établissements de Seine-Saint-Denis semblent également concernés par des fermetures prévues à la rentrée prochaine. À l'évidence, de telles mesures sont largement inappropriées dans la période actuelle et risquent de doubler d'une crise scolaire la crise sanitaire que traverse péniblement le pays. En plus de ces fermetures s'ajoute l'insuffisance aggravée des décharges, censées permettre aux directrices et directeurs d'établissements scolaire de mener leurs missions dans de bonnes conditions. Pour l'école maternelle Jean Jaurès, les équipes l'ont alerté de la réduction prochaine de la décharge de la directrice de 66 % à 50 % alors même que la charge administrative, elle, demeure constante. Ces conditions de travail, intenables, aboutissent à des échecs, des épuisements, mais aussi des tragédies. Il pense ici à Mme Christine Renon, directrice d'école à Pantin, qui s'est donné la mort après avoir dénoncé ses conditions de travail en septembre 2019. De tels drames ne doivent en aucun cas se reproduire. Ces décisions ne font que renforcer les inégalités scolaires en Seine-Saint-Denis déjà patentes, comme l'a déjà pointé le rapport parlementaire Cornut-Gentille dès le 31 mai 2018. Ce département est le seul à ne pas avoir bénéficié pleinement du dispositif de dédoublement des classes de CE1 à la rentrée 2019. Seul un tiers des élèves de ce niveau d'étude a pu être concerné, faute de moyens mis à disposition. Quant aux dédoublements de classes annoncés pour la rentrée 2020, concernant les grandes sections de maternelles, ils sont tout bonnement annulés. Aussi, sans moyens suffisants et en raison du non-remplacement des enseignants absents, un élève du département perd en moyenne un an de classe sur toute sa scolarité. Face à ce constat des plus alarmants, la création de postes, notamment d'enseignants, s'impose d'elle-même. Malgré cela, aucun des 1 248 postes supplémentaires annoncés dans le premier degré par M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse le 27 mars 2020 n'est prévu pour l'académie de Créteil, qui concentre pourtant le plus grand nombre d'établissements en « éducation prioritaire ». Pour le second degré, alors même que des suppressions de postes sont toujours programmées, aucune création de postes, là non plus, ne semble être à l'ordre du jour. Le ministère n'en prévoit pas davantage pour les personnels administratifs, CPE, personnels de direction, assistantes sociales, psychologues, médecins et infirmiers de l'éducation nationale et d'autres postes pourtant indispensables à la continuité pédagogique. La crise sanitaire et les mesures de confinement exacerbent encore un peu plus ces inégalités scolaires, nourrissant nombre d'inquiétudes de la communauté éducative pour la rentrée prochaine. Cette crise n'épargne en aucune façon le système éducatif, bien au contraire : l'année prochaine sera cruciale pour tenter de rattraper les lacunes causées par le confinement. Déjà, nombre de familles du département ne disposent pas des outils requis pour assurer les cours à distance (ordinateurs, connexion wifi) et sont donc les premières à subir de plein fouet les conséquences de la crise sanitaire. Pour ces élèves n'ayant pas accès au numérique, deux mois de classes sont d'ores et déjà perdus. M. le député demande donc une intervention rapide du rectorat pour déployer les moyens nécessaires afin de mettre un terme à ces inégalités scolaires aggravées par le contexte actuel. À ce titre, l'annulation des fermetures de classes programmées, le maintien des décharges accordées aux directrices et directeurs d'écoles et le recrutement de professeurs dans les premier et second degrés et de personnels de direction, de vie scolaire et de santé apparaissent comme les premières mesures que l'urgence commande de réaliser. Il souhaite connaître ses intentions sur ces sujets.
Réponse publiée le 23 mars 2021
L'éducation reste une priorité nationale du Gouvernement, avec la poursuite de l'effort significatif en faveur du premier degré, afin de traiter la difficulté scolaire à la racine. Après une première étape engagée en 2013 avec la refonte de l'éducation prioritaire dont a tout particulièrement bénéficié la Seine-Saint-Denis, le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports (MENJS) a poursuivi son effort en faveur de l'académie de Créteil, et en particulier de la Seine-Saint-Denis, pour lutter contre les inégalités scolaires. Plus de 1 300 emplois en moyens d'enseignement ont été attribués au département au cours des dernières rentrées (500 ETP en 2017, 469 ETP en 2018, 284 ETP en 2019 et 107 en 2020). Ces dotations ont permis entre autres points d'améliorer la capacité de remplacement, de renforcer l'accueil des enfants de deux ans et de créer des emplois dédiés à la prise en charge d'enfants à besoins particuliers. Le ratio « nombre de professeurs pour 100 élèves » (P/E) qui était, en Seine-Saint-Denis à la rentrée 2012 de 5,22 (pour une moyenne nationale de 5,20) a connu une forte amélioration passant à 6,15 à la rentrée 2019 (pour une moyenne nationale de 5,64) et à 6,25 à la rentrée 2020 (pour une moyenne nationale de 5,74). Le constat du nombre d'élèves en Seine-Saint-Denis pour la rentrée 2020 est de 191 191, soit 1 070 élèves de moins qu'à la rentrée précédente (192 261). Le département a néanmoins reçu une dotation de 107 emplois supplémentaires à la rentrée 2020, qui a permis d'améliorer les conditions d'enseignement et l'offre éducative du département, confirmant ainsi la priorité donnée au premier degré en Seine-Saint-Denis. Lors de la dernière phase d'ajustement de la carte scolaire départementale pour l'année 2020-2021, effectuée quelques jours après la rentrée, le solde des ouvertures et fermetures s'établit à + 14 classes (34 ouvertures et 20 fermetures). En ce qui concerne les postes de maîtres supplémentaires, le solde est de + 2 postes (4 créations et 2 suppressions). Le taux d'encadrement dans les écoles du département s'est amélioré de 0,4 point passant à 20,8 élèves par classe pour cette année scolaire (dont 23,6 en préélémentaire et 19,4 en élémentaire). Il était de 21,2 élèves par classe à la rentrée 2019 (dont 24,2 en préélémentaire et 19,7 en élémentaire). Le dédoublement des classes de CP et CE1 a amélioré le taux d'encadrement et donc l'accompagnement pour la réussite scolaire des élèves. Pour la prochaine rentrée, les classes de grande section de maternelle dans les réseaux d'éducation prioritaire renforcée seront également dédoublées. S'agissant plus particulièrement de l'école maternelle Jean Jaurès à Bagnolet, la huitième classe a été maintenue à la rentrée 2020. Le constat d'effectifs est de 173 élèves, soit 13 de moins qu'à la rentrée 2019. Le taux d'encadrement est de 21,6 élèves par classe. Concernant, plus globalement, la situation des directeurs d'école, le ministre en charge de l'éducation nationale, a souhaité, dès l'été 2019, engager la réflexion et des travaux pour faire évoluer les fonctions et les conditions de travail des directeurs d'école. Le drame qui a ensuite frappé Christine Renon a bouleversé l'ensemble de la communauté éducative et renforcé la nécessité urgente d'améliorer la situation des directeurs d'école. Une consultation d'ampleur a été lancée par le MENJS en novembre 2019 mettant en avant les attentes des directeurs. Elle a permis à plus des deux tiers des directeurs de s'exprimer, avant la phase de concertation avec les partenaires sociaux. Le ministre a pris un certain nombre de mesures importantes pour améliorer le quotidien des directeurs d'école qui sont mises en place à partir de la rentrée 2020. Les outils à disposition des directeurs sont améliorés afin de simplifier le service, limiter les sollicitations et permettre de gagner du temps. Par ailleurs, tout directeur d'école bénéficie depuis cette rentrée de deux jours de formation par an et les directeurs académiques des services de l'éducation nationale (DASEN) peuvent accorder des décharges ponctuelles complémentaires aux directeurs d'école. Les directeurs ont pleine autonomie dans la programmation et la mise en œuvre des 108 heures d'obligation de service annuelles et disposent désormais d'une visibilité sur le calendrier annuel des enquêtes de terrain demandées aux différents échelons. Ces enquêtes sont en outre rationalisées et mieux coordonnées. Ces mesures de simplification doivent permettre aux directeurs de se recentrer sur leur mission essentielle : le pilotage de leur école. De plus, des mesures pour mieux accompagner les directeurs d'écoles sont mises en place. Périodiquement un groupe départemental de directeurs d'école est réuni afin d'évoquer les problèmes et les solutions applicables ; une fonction nouvelle de référent, dédiés aux directeurs d'école, est consacrée pour les accompagner, les conseiller, dans l'exercice de leurs missions. Les temps d'échanges entre pairs sont systématisés pour favoriser le développement professionnel continu, sur les temps d'animation pédagogique. Un travail s'engage sur la charte fonctionnelle de confiance entre inspecteurs de l'éducation nationale et directeurs. L'aide administrative humaine est renforcée : dès la rentrée, près de 16 000 jeunes du service civique viennent en appui dans les écoles notamment pour aider dans la relation avec les familles. La montée en puissance de la préprofessionnalisation se poursuit avec 900 nouveaux assistants d'éducation (AED) recrutés, venant s'ajouter aux 700 de l'année dernière, qui peuvent désormais prendre en charge des petits groupes d'élèves, ce qui allège d'autant la charge des professeurs des écoles et des directeurs. En outre, dans l'attente des résultats de la concertation sur la rémunération et l'avancement dans le cadre du Grenelle de l'éducation, tous les directeurs d'écoles ont perçu en novembre et en un seul versement, une indemnité supplémentaire exceptionnelle de responsabilité d'un montant de 450 € (décret n° 2020-1252 du 14 octobre 2020). Enfin, toujours dans le cadre du Grenelle de l'éducation et dans le cadre du budget 2021, 45 M€ sont réservés en 2021 à des mesures catégorielles inscrites à l'agenda social, notamment pour augmenter l'indemnitaire des directeurs d'école. Près de la moitié de l'enveloppe catégorielle ciblée est dédiée à une augmentation pérenne (soit le même niveau que celui de la prime exceptionnelle de rentrée 2020). S'agissant des décharges, les journées de décharges pour les directeurs d'écoles de 1 à 3 classes, qui représentent 900 équivalents temps plein (ETP) seront mieux mobilisées. Enfin, plus de 600 emplois supplémentaires, créés dans la cadre de la loi de finances pour 2021, permettront l'amélioration du régime des décharges de service des directeurs d'école à la prochaine rentrée. S'agissant de l'enseignement scolaire public du second degré, le MENJS veille à l'équité des dotations qu'il répartit entre académies. L'analyse des moyens tient compte notamment du poids de l'académie, de la démographie des élèves et des disparités géographiques et sociales. Ces dernières années, l'académie de Créteil a bénéficié de la création de 122 ETP d'enseignant dans le second degré d'enseignement public à la rentrée 2018, de 130 ETP à la rentrée 2019 et de 120 ETP à la rentrée 2020. Pour la rentrée 2021, une nouvelle mesure de création de 53 ETP en moyens d'enseignement est prévue. Il est à souligner que ces mesures sont intervenues et interviennent dans un contexte de stabilité globale des moyens d'enseignement dans le second degré public. Ces mesures traduisent donc bien toute l'attention portée à l'académie de Créteil et au département de la Seine-Saint-Denis. La répartition des moyens entre établissements relève des autorités académiques, qui s'attachent naturellement à assurer la plus grande équité au profit de la réussite des élèves. Les mesures d'aménagement de la carte des formations et du réseau scolaire sont soumises à l'avis des instances consultatives locales. Les moyens d'enseignement sont répartis en fonction des besoins de l'ensemble des structures scolaires.
Auteur : M. Alexis Corbière
Type de question : Question écrite
Rubrique : Enseignement
Ministère interrogé : Éducation nationale et jeunesse
Ministère répondant : Éducation nationale, jeunesse et sports
Dates :
Question publiée le 5 mai 2020
Réponse publiée le 23 mars 2021