Libérations anticipées de prisonniers dans le cadre du confinement.
Publication de la réponse au Journal Officiel du 2 février 2021, page 967
Question de :
Mme Emmanuelle Anthoine
Drôme (4e circonscription) - Les Républicains
Mme Emmanuelle Anthoine interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les libérations anticipées de prisonniers dans le cadre du confinement. Depuis le début de celui-ci, de nombreuses libérations anticipées ont été décidées par les juges et les procureurs avec les services pénitentiaires. Près de 10 000 détenus sur 70 500 ont ainsi été libérés du 16 mars au 15 avril 2020. Ces libérations anticipées interrogent alors que l'on assiste, ces derniers jours, à des violences urbaines à divers endroits en France et que le sentiment d'insécurité des Français se renforce. Dans un courrier au ministre de l'intérieur, daté du 14 avril 2020, la maire de Paris s'inquiète ainsi du niveau de la délinquance. Du fait du ralentissement de l'activité judiciaire, les mises sous écrou sont par ailleurs moins nombreuses. Un sentiment d'impunité pourrait alors se développer face au risque moindre d'aller en prison. La force dissuasive de la justice qui sanctionne est ainsi profondément amoindrie, ce qui empêche la justice de protéger les Français. Aussi, elle lui demande des précisions chiffrée sur les différents profils de prisonniers libérés de façon anticipée.
Réponse publiée le 2 février 2021
Face à l'évolution de l'épidémie de Covid-19, le Gouvernement a rapidement pris des mesures afin d'éviter l'entrée et la propagation du virus dans les établissements pénitentiaires, et pour garantir la continuité du service public pénitentiaire. L'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence sanitaire pour faire face à l'épidémie de Covid-19 a ainsi facilité, durant la première vague de l'épidémie et jusqu'à un mois après la fin de l'état d'urgence sanitaire le 10 juillet 2020, le prononcé de mesures existantes comme la suspension de peine pour raison médicale, la libération sous contrainte sous forme de libération conditionnelle et la conversion de peine. En complément, elle a créé deux dispositifs transitoires et exceptionnels : - la réduction supplémentaire de peine liée aux circonstances exceptionnelles, limitée à deux mois maximum hors cas d'exclusion (auteurs de violences conjugales, d'infractions sur mineurs ou personnes détenues terroriste selon l'article 27) et conditionnée au bon comportement du détenu ; - l'assignation à domicile de fin de peine, mesure qui, hors cas d'exclusion, est applicable aux personnes condamnées à une peine d'une durée inférieure ou égale à 5 ans d'emprisonnement ayant un reliquat de peine inférieur ou égal à 2 mois justifiant d'un hébergement et ayant fait preuve d'un bon comportement durant la crise sanitaire. Selon l'article 2 de l'ordonnance, ces dispositions ont été applicables « jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire. Elle ne sont donc plus en vigueur. Elles prévoyaient que la personne soit soumise aux restrictions de circulation applicables à l'ensemble de la population générale, d'autres obligations prévues par l'article 132-45 7° à 14° pouvant lui être imposées. Dans la pratique, le respect du confinement à l'instar des obligations de l'article 132-45, a fait l'objet d'un contrôle par les forces de police et de gendarmerie. Concernant les conditions d'octroi de ces mesures, le service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) a vérifié les conditions d'hébergement de la personne détenue mais également son environnement social et familial afin d'évaluer le risque de récidive. Les sorties anticipées ont donc été réalisées sur la base d'éléments transmis par le SPIP et l'établissement pénitentiaire à destination du magistrat mandant. Durant la première période de confinement, les personnes libérées de manière anticipée exécutant une mesure en milieu ouvert ont été suivies par le SPIP dans le cadre d'entretiens téléphoniques et de la transmission des justificatifs utiles, par voie dématérialisée, conformément à la note de la direction de l'administration pénitentiaire en date du 17 mars 2020. Entre le 16 mars et le 11 mai 2020, la diminution de la population pénale a essentiellement résulté du jeu naturel des fins de peines ou du non renouvellement des placements en détention provisoire, 3 288 condamnés ont par ailleurs bénéficié d'une mesure de réduction supplémentaire de peine exceptionnelle et 1 714 d'une mesure d'assignation à domicile de fin de peine, parmi lesquels seuls 35 ont été réincarcérés pour des manquements à leurs obligations. Ces libérations anticipées, motivées par la situation sanitaire, limitées dans le temps et excluant de nombreux profils, n'ont pas eu d'effet direct sur la délinquance durant cette période. Du reste, les profils concernés ont été pour l'essentiel libérés durant le confinement et en tout état de cause, l'auraient été avant l'été. A l'inverse, il n'est pas pertinent de prétendre qu'une quelconque impunité ait pu s'installer durant cette même période. Le service public de la Justice, et à plus forte raison les établissements pénitentiaires, n'ont jamais cessé de fonctionner.
Auteur : Mme Emmanuelle Anthoine
Type de question : Question écrite
Rubrique : Lieux de privation de liberté
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 20 juillet 2020
Dates :
Question publiée le 5 mai 2020
Réponse publiée le 2 février 2021