Accord de libre-échange modernisé entre l'Union européenne et le Mexique
Question de :
M. Julien Dive
Aisne (2e circonscription) - Les Républicains
M. Julien Dive alerte M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur le nouvel accord de libre-échange modernisé mis en place entre l'Union européenne et le Mexique. Dans un récent communiqué de presse, le commissaire européen au commerce, Phil Hogan, s'est réjoui de la finalisation de cet accord qui devrait pourtant alerter. En effet, ce texte prévoit l'ouverture du marché européen à 20 000 tonnes de viandes bovines mexicaines à des droits de douane très réduits (de l'ordre de 7,5 %). Par ailleurs, il est important de rappeler que ces viandes ne répondent pas aux standards de production européens. Aussi, il s'étonne de cette décision qui intervient au moment où la filière de viande bovine française traverse une crise conjoncturelle couplée à la crise structurelle du covid-19. Il est évident que la traçabilité de ces viandes mexicaines ne pourra pas être assurée, que les garanties sur le plan sanitaire et environnemental ne pourront pas être respectées et que ces viandes représenteront une concurrence toujours plus déloyale pour les éleveurs qui s'efforcent de produire une viande de qualité respectueuse des normes sanitaires et environnementales. Ce nouvel accord semble être le premier d'une longue liste puisque la Commission européenne poursuit en ce moment même des discussions avec le Mercosur, l'Australie et la Nouvelle-Zélande afin d'ouvrir toujours plus le marché européen à des viandes à bas coût, produites dans des conditions sanitaires et environnementales incompatibles avec les normes européennes. Enfin, cela va à l'encontre des attentes des consommateurs français comme européens et ne correspond en aucun point au modèle agricole que l'on veut préserver. Face à la crise sanitaire actuelle, les Français ont pu compter sur le soutien et l'implication sans faille des éleveurs qui, en cette période difficile, n'ont jamais cessé de contribuer à l'effort collectif pour apporter dans l'assiette de leurs concitoyens des produits de qualité et à des prix abordables. Ce type d'accord vient porter à mal tous leurs efforts. Compte tenu de ces éléments, il lui demande ce qu'il en est réellement alors que Président de la République avait déclaré, au début de cette crise sanitaire, que « déléguer à d'autres notre alimentation serait une folie » ; il souhaite connaître la position du Gouvernement sur ce sujet et savoir si ce nouvel accord doit être considéré comme une compensation aux révisions des règles définies lors du dernier « panel hormones » en 2019.
Réponse publiée le 4 août 2020
L'ouverture de marchés dans les pays tiers offre des débouchés supplémentaires aux filières et constitue un relais de croissance important. La France est donc favorable à la conclusion d'accords commerciaux, pour autant que les accords signés soient équilibrés, respectent les filières sensibles et contribuent à la cohérence des politiques de l'Union européenne (UE). La conclusion des négociations visant à moderniser l'accord de libre-échange liant l'UE et le Mexique depuis 1997 offre ainsi des opportunités aux producteurs et exportateurs français de fromages, poudre de lait, produits à base de porc, viande de volaille, pommes, préparations alimentaires. Elle assure la protection de 75 indications géographiques françaises en plus des 55 spiritueux déjà protégés par l'accord antérieur. Pour ce qui concerne le volet sanitaire de cet accord, le principe selon lequel tout produit qui entre dans l'UE doit respecter les règles du marché intérieur, en particulier les normes sanitaires et phytosanitaires, est non-négociable. L'ensemble des importations de viande mexicaine doit respecter les préférences collectives européennes pour entrer sur le marché européen : les viandes issues d'animaux traités avec des hormones de croissance ou toute autre substance anabolisante non autorisée dans l'UE comme facteur de croissance sont strictement interdites. En outre, ces importations devront également être conformes aux dispositions pertinentes du règlement (UE) 2019/6 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relatif aux médicaments vétérinaires, qui entérine l'interdiction d'importation de tous les types de viandes issues d'animaux ayant reçu des antibiotiques comme activateurs de croissance ou des antibiotiques critiques, et ce dès son entrée en application en janvier 2022. Cette règle s'appliquera également au Mexique. De même, les farines de viande et d'os de ruminants quelle que soit leur origine sont strictement interdites pour le bétail dans l'UE. La protection et l'information des consommateurs sont par ailleurs renforcées par la mention obligatoire de l'origine des viandes bovines dans l'UE, qu'il s'agisse de la viande fraîche ou dans les produits transformés. Le contingent de viande bovine concédé au Mexique [20 000 tonnes (t)] dans le cadre de cet accord est indépendant de la révision du memorandum of understanding (MoU) entre l'UE et les États-Unis, dont le Mexique ne bénéficiait d'ailleurs pas. Il est en outre important de préciser que la révision de ce MoU a permis d'écarter la réactivation du contentieux concernant l'interdiction d'importation de viande aux hormones dans l'UE et le rétablissement de sanctions américaines sur les exportations agro-alimentaires européennes de type « carrousel ». Cette révision a été opérée à volume de contingent (45 000 t) et conditions de qualité et de protection des consommateurs constants (conformément au règlement d'exécution (UE) n° 481/2012 de la Commission du 7 juin 2012 fixant les modalités de gestion d'un contingent tarifaire pour la viande bovine de haute qualité). Le Gouvernement a bien identifié que les préoccupations exprimées, à la fois par les éleveurs et les consommateurs, ne portent pas seulement sur la qualité sanitaire des importations, mais également sur l'équivalence des modes de production pour assurer une concurrence équitable. C'est prioritairement au niveau européen que les standards de production applicables aux produits issus de pays tiers doivent être fixés. La France est à l'initiative de l'introduction dans la réglementation sanitaire de l'UE d'éléments de réciprocité envers les produits issus de pays tiers, comme en témoigne le règlement sur les médicaments vétérinaires. Au-delà de ces aspects sanitaires, le Gouvernement porte auprès de la Commission européenne l'objectif d'une meilleure cohérence entre la politique commerciale et la politique agricole de l'UE, conformément aux engagements de l'axe 3 de son plan d'action relatif à l'accord économique et commercial global. Il insiste notamment pour que les ouvertures tarifaires concédées dans l'ensemble des accords commerciaux de l'UE, y compris avec le marché commun du Sud, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, s'inscrivent dans les limites d'une « enveloppe globale » soutenable pour chacune des filières considérées. Le Gouvernement porte également cet objectif de cohérence dans la réforme de la politique agricole commune (PAC), en affirmant que la nouvelle PAC doit accompagner le projet européen au service d'une agriculture répondant à des standards exigeants et ne peut se concevoir sans une régulation sociale, environnementale et sanitaire des échanges avec les autres pays. C'est une priorité stratégique pour la France. Le pacte vert, au travers de la stratégie « de la ferme à la table » et en lien avec la stratégie biodiversité, constitue en ce sens une opportunité unique pour réaffirmer et refonder le contrat social sur l'alimentation qui lie l'UE avec ses concitoyens depuis la mise en place du traité de Rome. L'objectif est de mettre en place des systèmes alimentaires équitables, sains et respectueux de l'environnement dans un contexte d'urgence climatique et environnementale, qui nécessite d'accompagner la transition écologique des systèmes alimentaires afin d'en renforcer la résilience et la durabilité. Ces stratégies qui vont fortement influer les politiques européennes portées par les États membres, comme la PAC, devront par cohérence également modifier la politique commerciale de l'Union qui reste une compétence exclusive portée par la Commission européenne.
Auteur : M. Julien Dive
Type de question : Question écrite
Rubrique : Commerce extérieur
Ministère interrogé : Agriculture et alimentation
Ministère répondant : Agriculture et alimentation
Dates :
Question publiée le 19 mai 2020
Réponse publiée le 4 août 2020