Question écrite n° 29799 :
Prise en compte de la RSE dans les bilans comptables

15e Législature

Question de : M. Damien Pichereau
Sarthe (1re circonscription) - La République en Marche

M. Damien Pichereau interroge M. le ministre de l'économie et des finances sur la prise en compte de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) dans les bilans comptables. La RSE est définie par la Commission européenne comme « l'intégration volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités », s'articulant autour de 7 axes : gouvernance de l'organisation, droits de l'homme, conditions de travail, environnement, loyauté des pratiques, questions relatives aux consommateurs et développement local. La France s'est progressivement dotée d'un cadre législatif prenant en compte la RSE, notamment grâce à la loi PACTE du 22 mai 2019. Il est cependant possible d'aller encore plus loin, avec la prise en charge des enjeux de RSE dans les bilans comptables des entreprises, en abandonnant le modèle de la « juste valeur » mais en identifiant plutôt les enjeux sociaux et environnementaux de l'entreprise, les ressources utilisées, et en mettant au passif du bilan le coût de la préservation de la qualité de ces ressources pour l'entreprise. Une telle mesure, au-delà de son effet incitatif, permettrait également de faciliter l'investissement dans les entreprises s'inscrivant dans une démarche RSE : là où les investisseurs ont une vision souvent basée uniquement sur les chiffres issus des bilans comptables, une démarche RSE, processus long et souvent coûteux, n'est non seulement pas mise en avant, mais peut même se révéler un handicap. Aussi, il souhaite savoir si une réflexion à cet égard est en cours.

Réponse publiée le 9 mars 2021

Les normes françaises, applicables aux comptes sociaux, prévoient que les éléments de comptabilité sont usuellement comptabilisés à leur coût historique, et peuvent être sur option évalués à leur juste valeur, conformément à la directive 2013/34/UE – dite directive comptable générale. Les normes internationales IFRS (international financial reporting standards), applicables aux comptes consolidés (de manière obligatoire pour les sociétés cotées, et optionnelle pour les sociétés non cotées), prévoient un principe d'enregistrement des éléments de comptabilité à leur juste valeur. La norme IFRS 13 précise les modalités d'évaluation de la juste valeur. S'il est vrai que la RSE est à ce jour peu reflétée par l'information comptable, ces méthodes de comptabilisation de l'information financière ne s'opposent pas, pour autant, à la prise en compte d'enjeux extra-financiers. La France est particulièrement à la pointe en matière de publication d'informations extra-financières. La loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques – dite loi NRE – a introduit dans le droit français l'obligation pour les sociétés cotées de produire un rapport de gestion comportant des données financières et des données extra-financières, notamment sociales et environnementales, dans un souci de transparence. Ces exigences ont par la suite été renforcées à plusieurs reprises, pour finalement inspirer la directive européenne 2014/95/EU – dite « non financial reporting directive » ou « NFRD » – qui a été transposée dans le droit français par l'ordonnance n° 2017-1180 du 19 juillet 2017. Elle prévoit que les grandes sociétés cotées présentant un bilan de 20 millions d'euros, ou un chiffre d'affaires de 40 millions d'euros minimum, et comptant au moins 500 salariés, mais aussi les sociétés non cotées dont le bilan ou le chiffre d'affaires atteint 100 millions d'euros et comptant au moins 500 salariés, produisent une déclaration de performance extra-financière (DPEF), laquelle contient des informations sociales, environnementales, sociétales et, le cas échéant, des informations sur les questions de respect des droits de l'homme et de lutte contre la corruption. La directive européenne prévoit, en option, le contrôle de ces DPEF par un organisme tiers indépendant (OTI). L'ordonnance de 2017 rend, en droit français, cette option obligatoire. Au-delà de ces obligations existantes de publication extra-financière, des travaux européens ont été engagés pour aller encore plus loin, et réviser de manière ambitieuse la NFRD. Un point clef de cette révision sera de normaliser l'information environnementale, sociale et de gouvernance que les entreprises doivent publier, afin de permettre une plus grande qualité, pertinence et comparabilité de la donnée extra-financière apportée aux marchés et à la société civile. Ceci permettra à un investisseur de mieux choisir dans quelle entreprise investir du point de vue de la RSE, et aux entreprises de se distinguer par cet aspect. Afin de préparer la proposition législative dont la publication est attendue pour fin mars 2021, le vice-président exécutif de la Commission européenne, Valdis Dombrovskis, a confié à l'EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group) deux missions distinctes : (i) créer une Task Force au sein de l'EFRAG visant à réaliser le travail préparatoire à la révision législative, et à formuler des recommandations sur la forme que pourrait prendre le standard européen de publication extra-financière. La présidence de cette taskforce a été confiée à Patrick de Cambourg, président de l'Autorité des normes comptables, qui a remis un rapport au ministre de l'économie, des finances et de la relance sur le sujet de la publication extra-financière des entreprises en juin 2019. La taskforce devra remettre son rapport final d'ici le 31 janvier 2021, et un rapport d'étape a été publié fin octobre ; (ii) proposer des recommandations sur les changements possibles à la gouvernance et au financement de l'EFRAG, dans le cas où l'EFRAG serait chargée de l'élaboration des normes européennes en matière d'information extra-financière. Cette mission a été confiée sur une base ad personam au président de l'EFRAG Jean-Paul Gauzès. Celui-ci a remis son rapport d'étape début novembre et a lancé une consultation publique sur le sujet de la gouvernance de l'extra-financier en Europe. La France soutient le rôle de premier plan de l'Union européenne en matière de normalisation de l'information extra-financière.

Données clés

Auteur : M. Damien Pichereau

Type de question : Question écrite

Rubrique : Entreprises

Ministère interrogé : Économie et finances

Ministère répondant : Économie, finances et relance

Dates :
Question publiée le 26 mai 2020
Réponse publiée le 9 mars 2021

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