Avoirs de citoyens français bloqués par des établissements bancaires libanais
Question de :
M. Didier Le Gac
Finistère (3e circonscription) - La République en Marche
M. Didier Le Gac interroge M. le ministre de l'économie et des finances sur la question d'avoirs possédés par des ressortissants français et bloqués par des établissements bancaires libanais. Il a, en effet, été interpellé par une famille demeurant sur sa circonscription au sujet de leur fils résidant actuellement à Dublin en Irlande où il exerce la profession d'enseignant au Trinity College, mais qui a demeuré d'août 2017 à juin 2019 à Beyrouth, au Liban. Lors de ce précédent séjour, ce ressortissant français, normalien et enseignant-chercheur en mathématiques était professeur à l'American University of Beirut (AUB). À son arrivée dans la capitale libanaise, il a ouvert un compte à la Bank Of Beirut (BOB), organisme bancaire où il a transféré ses économies. Or, depuis son départ du Liban, après avoir informé dès juin 2019 la Bank Of Beirut de son souhait de rapatrier ses avoirs sur un compte bancaire français et demandé officiellement ce transfert en septembre 2019, et en dépit de ses nombreuses relances, la Bank of Beirut s'est toujours refusé à effectuer cette opération et a, de fait, immobilisé ses avoirs au Liban. En raison du refus manifeste de la Bank of Beirut d'effectuer cette opération bancaire, il a sollicité en novembre 2019 l'appui du consulat de France à Beyrouth et de la direction de l'université où il enseignait. Ces deux institutions lui ont conseillé d'entreprendre une action auprès de la justice libanaise et il est donc entré en contact en décembre 2019 avec un cabinet d'avocats beyrouthin. Toutefois, cette action en justice sera longue et a peu de chance d'aboutir : d'une part, au vu de l'actuelle situation politique, sociale et économique du Liban et d'autre part, si plusieurs jugements en référé rendus par la cour libanaise ont bien condamné les banques libanaises à exécuter les transferts d'argent demandés par leurs clients, l'un de ces jugements vient d'être annulé en appel. Ce cas particulier intervient alors que le Liban traverse une grave crise économique, sociale et financière. Ainsi, début mars 2020, le procureur financier, le juge Ali Ibrahim annonçait que les actifs et les biens de 21 organismes bancaires et de crédits libanais étaient gelés. Les dirigeants des établissements bancaires dont le président de l'Association des banques du liban, M. Salim Sfeir, également P.-D.G. de la Bank of Beirut, ont ainsi été interrogés le 2 mars 2020, au sujet de transferts financiers vers l'étranger, notamment la Suisse, pour un montant de 2.3 milliards de dollars, durant les mois d'octobre et de novembre 2019, alors qu'un contrôle des capitaux avait été instauré par l'ABL, en vue de se prémunir contre une dévaluation de la livre libanaise et d'un défaut probable de paiement, ce qui s'apparenterait à un délit d'initié. Évidemment, ces faits d'évasion monétaires du Liban vers le Suisse sont sans rapport avec la demande de l'enseignant français demandant le virement de ses économies personnelles vers son compte bancaire français. Il n'est donc pas normal que des citoyens français aient à subir les conséquences de mesures prises par le pouvoir politique libanais à l'encontre des établissements bancaires de ce pays, quelle que soit la situation de ce pays. Un accord franco-libanais a été signé en 1999 (décret n° 99-926 du 2 novembre 1999 portant publication de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République libanaise sur l'encouragement et la protection réciproque des investissements). En son article 5 concernant le libre transfert, cet accord précise que chaque partie contractante, sur le territoire ou dans la zone maritime de laquelle des investissements ont été effectués par des investisseurs de l'autre partie contractante, accorde à des investisseurs le libre transfert : des intérêts, dividendes, bénéfices et autres revenus ; des redevances découlant des droits incorporels désignés au paragraphe 1, lettres d et e, de l'article 1er ; des versements effectués pour le remboursement des emprunts régulièrement contractés ; du produit de la cession ou de la liquidation totale ou partielle de l'investissement, y compris les plus-values du capital investi ; des indemnités de dépossession ou de perte prévues à l'article 4, paragraphes 2 et 3 ci-dessus. Il est également précisé que « les nationaux de chacune des parties contractantes qui ont été autorisés à travailler sur le territoire ou dans la zone maritime de l'autre partie contractante, au titre d'un investissement agréé, sont également autorisés à transférer dans leur pays d'origine une quotité appropriée de leur rémunération ». Et enfin, il est rappelé expressément que « les transferts visés aux paragraphes précédents sont effectués sans retard au taux de change officiel de marché applicable à la date du transfert ». C'est la raison pour laquelle, il souhaiterait savoir ce que ce ressortissant français peut espérer des différents accords de coopération signés entre la République française et la République du Liban pour que puisse être effectué dans les meilleurs délais le versement de ses avoirs déposés en 2017 sur un compte de la Bank of Beirut vers un compte bancaire français . Il souhaiterait également savoir si ce compatriote peut se prévaloir notamment de l'accord du 2 novembre 1999 en considérant que les avoirs déposés sur un compte de la Bank of Beirut qui les a sciemment bloqués peuvent être regardés comme un « investissement » au sens de l'article 5 de l'accord précité . Enfin, il souhaiterait savoir quelles actions le ministère en lien avec le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, envisage concernant la situation de ces concitoyens dont les avoirs sont bloqués au Liban.
Réponse publiée le 8 juin 2021
La détérioration continue de la situation économique, financière et sociale du Liban est inédite et extrêmement préoccupante. La France est pleinement engagée aux côtés du peuple libanais, notamment à travers l'initiative portée par le Président de la République Emmanuel Macron dès le lendemain de l'explosion du 4 août 2020, qui plaide pour la formation d'un Gouvernement et la mise en œuvre de réformes. La crise des liquidités est particulièrement problématique. Elle constitue une source de difficultés quotidiennes, pour les Libanais comme pour les déposants étrangers résidant au Liban, et qui doivent eux aussi composer avec les restrictions qui s'appliquent aux opérations de transfert d'argent. Les autorités libanaises ont annoncé, le 8 mars 2021, leur intention d'adopter une loi sur le contrôle des capitaux attendue depuis des mois. Il est à souhaiter que cette législation sera promulguée rapidement, et qu'elle permettra de clarifier le cadre juridique des mouvements de capitaux et de résoudre, dans l'intérêt de tous, les difficultés auxquelles sont confrontées les Libanais et les déposants étrangers. Le Gouvernement est naturellement attentif à la situation des Français présents au Liban ainsi qu'à la situation des entreprises françaises en activité dans ce pays. La direction générale du Trésor, et notamment le Service économique régional près de l'ambassade à Beyrouth, s'efforcent de conseiller et d'orienter vers les interlocuteurs idoines les compatriotes français confrontés à ce type de problématiques. Les ressortissants dont le parlementaire signale les difficultés peuvent évidemment compter sur le soutien de ces services pour examiner les démarches qui pourraient être entreprises, pour qu'il puisse à nouveau disposer de leurs fonds dans les meilleurs délais possibles.
Auteur : M. Didier Le Gac
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Économie et finances
Ministère répondant : Économie, finances et relance
Dates :
Question publiée le 30 juin 2020
Réponse publiée le 8 juin 2021