La France et le Kosovo
Question de :
M. José Evrard
Pas-de-Calais (3e circonscription) - Non inscrit
M. José Evrard interroge M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur l'inculpation de l'actuel président du Kosovo, province de Serbie, Hashim Thaçi. Il est accusé par le procureur spécial du tribunal de La Haye de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. Il y a, à l'évidence, des éléments fondés pour porter une accusation d'une telle gravité. L'accusation concerne aussi son bras droit, ainsi qu'une centaine de supplétifs, membres de ladite armée de libération du Kosovo. Cet évènement, en apparence éloigné dans le temps, l'implosion de la République fédérale de Yougoslavie en 1999, et dans l'espace, les Balkans, dont est partie la Première Guerre mondiale, concerne la France au premier chef. L'exécutif français de l'époque y a joué un rôle de premier plan. Le président Chirac ne fut pas le dernier des chefs d'État à se prononcer pour les bombardements de la Serbie pour que celle-ci lâche le Kosovo aux albanophones et qu'il devienne ainsi « indépendant ». Les négociations à cette fin se tinrent à Rambouillet. Enfin, c'est un Français, Bernard Kouchner, qui fut le responsable de la MINUK, organisme de l'ONU chargé de l'administration du Kosovo dans une sorte de pré indépendance, et de fait participa à la promotion d'Hashim Thaçi qui effaça vite ses concurrents. Lors du procès qui se tiendra à partir d'octobre 2020, les rapports entre l'administrateur et Hashim Thaçi pourraient confirmer les accusations portées par les témoins de l'époque, comme le procureur international, la Suissesse Carla del Ponte, ou le chef de la police de la MINUK, le Canadien Stu Kellock, qui affirmaient que l'administrateur ne pouvait ignorer « l'implication d'Hashim Thaçi, actuel Premier ministre du Kosovo, dans les différents trafics pratiqués au Kosovo ». Dans le contexte de contestation générale du passé de l'Occident, cette affaire déconsidère encore la France. Récemment encore, lors des cérémonies du centième anniversaire de la fin de la Première Guerre mondiale, il fut accordé à Hashim Thaçi un meilleur accueil qu'au président serbe, représentant l'allié historique le plus fidèle. Ce fut l'honneur d'un grand nombre de citoyens, de soldats français, de refuser, dans la tragédie que vivait la Yougoslavie, de participer à la destruction de la Serbie. Il est ainsi regrettable que les plus hautes autorités, en se rangeant derrière la position d'une Allemagne souhaitant la destruction de la Yougoslavie, aient participé au déshonneur. Il lui demande s'il n'est pas judicieux, devant les évènements qui ne manqueront pas d'advenir, de revoir rapidement la position et l'attitude françaises à propos du Kosovo.
Réponse publiée le 11 août 2020
En 2007, l'envoyé spécial du Secrétaire général des Nations unies chargé de superviser les pourparlers sur le statut final du Kosovo et prix Nobel de la paix, Martti Ahtisaari, considérait l'indépendance du Kosovo comme la seule option viable, durable et stable, après le conflit du Kosovo en 1999 et l'échec des négociations entre les autorités serbes de l'époque et les Kosovars. La France, comme les autres membres occidentaux du Groupe de contact, a soutenu cette solution et reconnu l'indépendance du Kosovo en 2008. L'avis consultatif de la Cour internationale de justice, rendu le 22 juillet 2010, a considéré que l'adoption de la déclaration d'indépendance du Kosovo du 17 février 2008 « n'a violé aucune règle applicable du droit international ». La France a veillé à ce que des garanties fortes soient accordées à la communauté serbe et aux lieux de culte serbes au Kosovo. La France a pris note des actes d'accusation portés par le bureau du Procureur spécialisé à l'encontre de responsables politiques kosovars de premier plan, annoncé le 24 juin dernier. Elle ne commente pas les procédures judiciaires en cours ni les décisions de justice. Elle rappelle son soutien au travail des chambres spécialisées pour le Kosovo et du bureau du Procureur spécialisé, ainsi que son attachement à la lutte contre l'impunité des auteurs de crimes graves. La normalisation des relations entre le Kosovo et la Serbie demeure essentielle, non seulement parce qu'il s'agit d'un enjeu de sécurité européenne, mais aussi pour que la Serbie et le Kosovo puissent se tourner résolument vers l'avenir, accélérer leur développement économique et social et progresser dans leur rapprochement européen. Le Président de la République et la Chancelière Merkel ont co-présidé, le 10 juillet dernier, un sommet en vidéoconférence avec la participation d'Aleksandar Vucic, Président de la Serbie, d'Avdullah Hoti, Premier ministre du Kosovo, de Josep Borrell, Haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité/vice-président de la Commission européenne, et de Miroslav Lajcák, représentant spécial de l'Union européenne (RSUE) pour le dialogue entre Belgrade et Pristina et les autres questions régionales concernant les Balkans occidentaux. Grâce en particulier aux efforts franco-allemands depuis plus d'un an, lors du sommet du 10 juillet, le Président serbe et le Premier ministre kosovar ont accepté de reprendre le dialogue, qui était interrompu depuis 20 mois. Les deux parties ont repris leurs discussions, avec la médiation de l'Union européenne, en vue de parvenir à un règlement de leur différend, dans le cadre d'un accord global, définitif et juridiquement contraignant.
Auteur : M. José Evrard
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères
Ministère répondant : Europe et affaires étrangères
Dates :
Question publiée le 7 juillet 2020
Réponse publiée le 11 août 2020