Question écrite n° 31898 :
La distribution de la presse en difficulté - un danger pour toute la filière

15e Législature

Question de : M. Pierre Dharréville
Bouches-du-Rhône (13e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine

M. Pierre Dharréville attire l'attention de Mme la ministre de la culture sur les difficultés que connaît la distribution de la presse actuellement, difficultés qui fragilisent l'ensemble du secteur de la presse écrite. La fin de Presstalis et de ses filiales en région a totalement perturbé la distribution de la presse. Dans plusieurs territoires, depuis de trop nombreuses semaines, les citoyens n'ont plus accès à leurs journaux, ce qui est parfaitement anormal. Mais c'est l'ensemble du monde de distribution de la presse qui se retrouve dans une situation catastrophique. La liquidation de Presstalis, devenu France Messagerie, a entraîné une suppression d'un grand nombre d'emplois, tant dans l'entreprise mère que dans ses filiales. Cette casse sociale, déjà déplorable en soi, risque de provoquer une perte de savoir-faire précieux, jusqu'ici détenus par des salariés très qualifiés. Elle risque également d'entrainer une dégradation des services proposés aux éditeurs. Ce problème de distribution de la presse a des répercussions plus larges et pose des questions cruciales. En effet, un accès compromis à une presse pluraliste, c'est l'existence même d'une presse libre, riche d'une diversité d'opinions et de contenus qui est mise à mal, parce qu'elle ne trouve plus de débouchés ; du maquettiste au kiosquier en passant par l'imprimeur, c'est toute la chaîne de la presse écrite qui se retrouve en difficulté. Et sans cette presse pluraliste, c'est la démocratie qui est en danger. La libéralisation de ce secteur, qui va à l'encontre des principes de la loi Bichet, ne saurait apporter de solutions durables. On ne peut pas compter sur la seule concurrence pour garantir la distribution d'une presse pluraliste, d'une presse libre. L'accès à tous à l'information, dans un pluralisme démocratique, est un enjeu primordial. Aussi, il lui demande quelles mesures l'État entend mettre en place pour garantir de façon pérenne la distribution, le pluralisme et la liberté de la presse.

Réponse publiée le 6 avril 2021

Jusqu'à sa liquidation judiciaire, la société Presstalis a mené des restructurations qui ont notamment permis de réduire progressivement la taille de l'entreprise. Malgré cela, le résultat de Presstalis s'est fortement dégradé, principalement sous l'effet d'une baisse continue du marché. En parallèle, la crise de la Covid-19 a encore aggravé sa situation financière, entraînant une baisse des publications et des fermetures de diffuseurs. En 2020, face à une impasse de trésorerie et à l'impossibilité de mener à bien une restructuration lourde dans un cadre in bonis, des discussions, menées sous l'égide des ministères de l'économie, des finances et de la relance et de la culture, ont eu lieu sur la poursuite de l'activité. Tout au long de ces négociations, l'État s'est attaché à ce qu'un plan de reprise acceptable socialement et viable économiquement puisse voir le jour. À cet effet, compte-tenu du risque systémique que faisait peser une liquidation sans poursuite d'activité sur la filière, l'État a décidé d'apporter son soutien dans le cadre d'un financement pré-reprise de la structure, en plus de son soutien annuel de 27 M€. Tout d'abord, l'ouverture d'une procédure collective, initialement prévue le 26 mars 2020, au moment de l'impasse de trésorerie, a été reportée au 12 mai, afin de permettre aux éditeurs de finaliser leurs discussions et de mener les négociations avec les organisations syndicales. L'État a accepté de financer cette période intercalaire en prenant en charge le paiement des échéances courantes de la société (17 M€) entre le 12 et le 24 avril. Ensuite, le 12 mai, afin de soutenir la trésorerie de la société et pour lui permettre de financer la période d'observation, l'État a octroyé à Presstalis un prêt via le fonds de développement économique et social pour un montant de 35 M€ supplémentaires. Enfin, au regard de l'impasse de trésorerie dans laquelle se trouvait la société au mois d'avril, l'État a pris en charge le paiement des chèques de qualification dus aux diffuseurs de presse au titre du second semestre 2019, pour un montant de 16,2 M€. Ce soutien de l'État a permis de garantir la continuité de la distribution de la presse quotidienne nationale, élément essentiel de la presse d'information politique et générale. En juillet, la coopérative des quotidiens (CDQ) a déposé une offre de reprise des actifs du niveau 1 de Presstalis et du niveau 2 pour Paris, permettant ainsi la création d'une nouvelle société chargée d'assurer la distribution de la presse quotidienne nationale : France Messagerie. Cette offre, homologuée par le tribunal de commerce de Paris, a été accompagnée dans ses besoins de financement par l'État. Le Gouvernement s'est en effet engagé dans le financement à hauteur de 80 M€, en accordant à France Messagerie, d'une part, un prêt de 12 M€ et, d'autre part, 68 M€ de subventions. Cet engagement, indispensable pour garantir les principes inscrits dans la loi Bichet, a donc permis à France Messagerie, une société aux coûts rationalisés et plus transparente dans ses tarifs, d'assurer la continuité de la distribution de la presse, sous le contrôle de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, nouvel organe chargé d'assurer le contrôle de ce secteur. L'engagement a été complété par la prise en charge par l'État de 11,5 M€ correspondant aux chèques de qualification dus aux diffuseurs de presse au titre du premier semestre 2020. Les dépôts du niveau 2, après avoir fait l'objet d'une réorganisation, ont été attribués à des dépositaires indépendants, à l'exception de ceux de Lyon et de Marseille, qui ont fait l'objet d'un projet de reprise porté par les salariés constitués sous forme de société coopérative d'intérêt collectif. Lors de la réattribution des mandats du niveau 2, le ministère de la culture a demandé à ce que les offres retenues par France Messagerie et les Messageries lyonnaises de presse permettent de réintégrer un maximum de salariés. En février 2021, sur les 512 emplois du niveau 2, 135 emplois ont été pourvus dans les nouveaux dépôts (hors dépôts de Tours et de Lyon pour lesquels les données ne sont pas disponibles). Au total, l'État s'est mobilisé sur le dossier à hauteur de 187 M€ en 2020, dont 140 M€ sur le programme 180. Parallèlement au soutien de la messagerie, une aide exceptionnelle au bénéfice de certains diffuseurs de presse, dotée de 19 M€, a été adoptée par le Parlement en loi de finances rectificative au mois de juillet 2020 (LFR 3). Cette subvention, instituée par le décret n° 2020 1056 du 14 août 2020, est ouverte aux 10 500 diffuseurs spécialistes. Cette aide est bonifiée pour les marchands rattachés au niveau 2 de Presstalis et spécifiquement pour ceux de Lyon et Marseille qui ont connu une interruption de la distribution de la presse. Par ailleurs, le décret n° 2020-1384 du 13 novembre 2020 a institué une aide exceptionnelle au bénéfice de certains éditeurs de presse. Cette aide, dotée d'une enveloppe de 8 M€ par la loi de finances rectificative 3, a permis de verser une subvention à certains titres d'information politique et générale qui étaient distribués par Presstalis et qui ont été particulièrement fragilisés par sa disparition. Enfin, dans le cadre du volet relance du plan de filière presse, l'aide à la modernisation des diffuseurs, qui vise à soutenir les investissements de ces acteurs essentiels à la vie démocratique du pays, sera doublée en 2021 et en 2022, passant de 6 à 12 M€ par an.

Données clés

Auteur : M. Pierre Dharréville

Type de question : Question écrite

Rubrique : Presse et livres

Ministère interrogé : Culture

Ministère répondant : Culture

Dates :
Question publiée le 18 août 2020
Réponse publiée le 6 avril 2021

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