Remise en cause du contrat de reconstruction de La Roseraie de Lille
Question de :
M. Sébastien Chenu
Nord (19e circonscription) - Non inscrit
M. Sébastien Chenu appelle l'attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur le projet de reconstruction de l'IME La Roseraie de Lille et les conditions de suivi médical des enfants en situation de handicap. L'IME est un centre d'accueil et d'accompagnement pour usagers en situation de handicap, principalement de déficience intellectuelle. L'IME se caractérise avant tout par le suivi de 105 enfants en semi-internat et de 20 enfants en SESSAD (services d'éducation spéciale et de soins à domicile). Malheureusement, un projet de reconstruction, dont les conventions ont été étaient signées en 2015 et 2016, validé par l'ARS et le conseil départemental du Nord, menace aujourd'hui l'activité de l'IME et l'intérêt collectif auquel il corrobore. Plus précisément, l'ARS prévoit de réduire drastiquement le nombre de places en IME, le majorant à une perspective ridicule de 20 places, tout en transformant une partie en SESSAD. Si cette remise en question de la viabilité de ce projet de reconstruction rend les conventions précipitées caduques, plusieurs raisons s'opposent à la radicalité de cette restructuration. Si l'offre proposée aux personnes handicapées se doit d'évoluer dans le but de prendre en compte les besoins et souhaits des personnes et des familles, l'accompagnement optimal dans leur parcours de vie repose sur des services et des dispositifs de droit commun, soit matériellement via un accès à des établissements décents pour les personnes les plus vulnérables. C'est pourquoi le courant de désinstitutionnalisation, sous couvert d'un appel tronqué à une société plus inclusive et de raisons purement financières à peine voilées, est une atteinte indiscutable du devoir de solidarité et de protection des citoyens les plus fragiles. L'exemple de l'IME incarne bien d'autres profonds quiproquos entre les décisions des autorités d'un côté, et de l'autre les besoins réels des enfants, de leur famille et du personnel qui les accompagne. Il faut aborder d'abord l'enjeu de places. Tandis que la restructuration par l'ARS entend supprimer des places en IME et accroître celles en SESSAD, l'ARS dément la priorité des besoins des places en institution. Suivant les recommandations de l'EPDSAE, les chiffres de l'IME de Lille et l'avis de services de la MDPH, l'urgence est à la création de places en institution ; on compte près de cent enfants sur liste d'attente pour entrer à l'IME de La Roseraie, à Lille. La logique inscrit le projet de l'ARS comme une décision dogmatique en passe de déséquilibrer structurellement l'offre médico-sociale nécessaire aux enfants et adolescents dont il est question, tant en termes qualitatifs que quantitatifs. Par ailleurs, le prétexte d'inclusivité motivant le projet de l'ARS donne à voir des angles morts et la méconnaissance de la nature des accompagnements en IME. Sollicitant une intégration des enfants au système éducatif usuel en favorisant le SESSAD, cette restructuration néglige les degrés des handicaps et les besoins évolutifs, l'incapacité du professorat à encadrer certains enfants en situation de handicap, dans un contexte d'éducation nationale en tension, l'empiétement du soutien scolaire du SESSAD sur les dispositifs nécessaires médico-sociaux compris en IME, et par-dessus tout les réalités du harcèlement scolaire et du manque d'infrastructures. En un mot, le projet de l'ARS va à l'encontre des décrets quinquennaux qui prônent un cadre de souplesse et une approche par le parcours de vie. La personnalisation des suivis que cette prospective démocratique sous-tend ne peut en aucun cas se contraindre aux exigences d'un livre de compte ou d'une politique de rationalisation de la santé publique à l'extrême, dont on souffre des déboires en tout point. Il est nécessaire de refonder les politiques du handicap sur les réalités psychologiques et matérielles, car il en va du principe de l'article 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 : « La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ». L'intégration de tous les citoyens de la République supplante constitutionnellement les directives de budgétisation. Il lui demande donc s'il entend considérer la révision des conventions validées par l'ARS au profit de la protection des IME et du bien-être des enfants et adolescents en situation de handicap.
Réponse publiée le 6 avril 2021
Vous avez souhaité attirer mon attention au sujet du bien-fondé du projet de transformation de l'Institut Médico Educatif (IME) La Roseraie de l'Etablissement Public Départemental de Soins, d'Adaptation et d'Education (EPDSAE), situé à Lille. Plusieurs réunions de travail ont été organisées depuis un an, à la demande des institutions partenaires pour construire un projet qui réponde aux besoins identifiés par l'EPDSAE, par l'ARS et l'Education Nationale, dans le cadre d'une étude conduite en 2019 sur le public accueilli à la Roseraie. Une attention particulière a été portée à la prise en compte des préoccupations des familles et des services de l'Aide sociale à l'Enfance pour les enfants confiés. Après avoir examiné plusieurs hypothèses, et entendu les différents points de vue, des réajustements ont été faits pour adapter les réponses institutionnelles à la diversité des besoins des enfants accueillis. Deux principes guident ce projet : - la continuité des accompagnements des enfants aujourd'hui accueillis à l'IME (aucune réorientation n'est envisagée pour les besoins du projet) ; - la diversification de l'offre pour mieux tenir compte des besoins spécifiques des enfants. Certains enfants présentant une déficience intellectuelle légère, voire moyenne, disposent en effet des potentialités nécessaires pour s'épanouir dans les dispositifs de droit commun grâce aux évolutions récentes des accompagnements déployés notamment par l'école et le secteur médico-social. Le développement de places de SESSAD doit pouvoir répondre au moins pour partie aux besoins de ces enfants. Mais l'état des lieux en cours à l'échelle départementale révèle aussi des attentes fortes de réponses plus soutenues pour les enfants souffrant de troubles profonds, ou de troubles associés nécessitant une intensité et une continuité des soins à partir d'un établissement spécialisé. Le projet de reconstruction de l'IME de la Roseraie devra prendre en compte ces besoins grâce à la mise en œuvre d'un dispositif comprenant l'ensemble des modalités d'accueil modulaire (établissement et services en milieu de vie ordinaire). A la centaine de places de SESSAD s'ajouteront 60 places d'établissement : - 20 en internat pour les enfants les plus vulnérables, nécessitant une continuité des soins ; - 40 en semi internat pour des enfants présentant des déficiences intellectuelles sévères ou moyennes avec troubles associés, dont 20 places d'accompagnement en unités d'enseignement spécialisées, modalité d'accompagnement intermédiaire complétant le dispositif. Il va de soi que ces évolutions se feront progressivement, au fur et à mesure des nouvelles entrées et des possibilités des enfants actuellement accompagnés. Le projet, en son objectif final, n'accompagnera pas moins, mais plus d'enfants en répondant positivement à l'ambition d'une société plus inclusive tout en permettant de renforcer les soins pour les enfants dont les besoins sont plus importants.
Auteur : M. Sébastien Chenu
Type de question : Question écrite
Rubrique : Personnes handicapées
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Personnes handicapées
Dates :
Question publiée le 17 novembre 2020
Réponse publiée le 6 avril 2021