L'aide publique au développement française en Afghanistan
Question de :
Mme Bérengère Poletti
Ardennes (1re circonscription) - Les Républicains
Mme Bérengère Poletti attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la crise afghane et sur l'aide au développement française apportée à l'Afghanistan ces dernières années. En 2001, les Talibans étaient chassés d'Afghanistan par une coalition internationale menée par les États-Unis d'Amérique. Aujourd'hui, suite au retrait des forces militaires américaines, la capitale afghane tombe à nouveau entre les mains de ce mouvement fondamentaliste islamiste. Face au drame humanitaire qui se profile peu à peu, la situation du peuple afghan demande une attention particulière. Déjà profondément touché par la pauvreté et la déliquescence de sa structure étatique, l'Afghanistan bénéficiait d'aides au développement de la part du monde occidental afin de soutenir sa reconstruction et son essor économique, social et politique. Aujourd'hui, la prise de Kaboul par les Talibans menace la distribution de ces subsides. Par exemple, l'Allemagne a annoncé la suspension du versement de ses subventions si la Charia était restaurée, soit une somme versée annuellement de 424 millions de dollars. Le FMI a lui aussi déclaré qu'il ne versera pas de fonds « tant que la communauté internationale ne reconnaîtra pas un gouvernement dans le pays ». Cette crise a aussi révélé que l'engagement financier de la France ces vingt dernières années s'est montré particulièrement timide au regard des autres pays de l'OCDE. En effet, les aides bilatérales plafonneraient à 15 millions de dollars en moyenne par an. Face à cette crise particulièrement subite et d'une forte intensité, Mme la députée s'interroge sur l'aide concrète française en matière d'aide publique au développement ces trois dernières années en Afghanistan et sur la posture de la France quant à la suspension ou non des versements de ces subventions en raison du retour des Talibans au pouvoir. C'est pourquoi elle l'interpelle et souhaite obtenir des réponses à ses différentes interrogations.
Réponse publiée le 1er mars 2022
La France s'est fortement mobilisée en Afghanistan ces dernières années, avant même la prise de Kaboul par les Talibans le 15 août dernier et la dégradation de la situation locale. En 2019, la France a ainsi versé 79,1 millions d'euros d'aide à l'Afghanistan, exclusivement sous forme de dons, et distribuée à hauteur de 88% par des organisations internationales. Le volet bilatéral de l'aide (9,4 M€) se concentrait sur deux secteurs prioritaires : la santé (41%) et l'éducation (24%), en appui aux ONG françaises présentes sur le terrain. L'Agence française de développement (AFD) a notamment soutenu l'Institut médical français pour l'enfant (IMFE) de Kaboul, qui a développé un programme social d'accès aux soins au profit des patients défavorisés. L'Union européenne (UE) a également apporté un soutien important à l'Afghanistan (1,13 milliard d'euros entre 2017 et 2019) en matière humanitaire et d'aide au développement. Depuis le début de la crise, la France, en étroite coordination avec ses partenaires européens et internationaux, a posé plusieurs exigences vis-à-vis des autorités de fait talibanes, qui conditionneront son niveau d'engagement futur avec le gouvernement d'intérim, notamment en matière d'aide au développement. Au niveau européen, le Conseil des affaires étrangères a défini dans ses conclusions du 21 septembre, sur proposition française, cinq critères préalables pour reprendre sa coopération avec l'Afghanistan : départ sans entrave du pays des Afghanes et Afghans qui le souhaitent ; accès libre et sécurisé de l'aide humanitaire ; respect des droits humains et tout particulièrement des droits des femmes et des filles ; formation d'un gouvernement représentatif ; lutte contre le terrorisme. Il convient désormais de mettre en œuvre cette approche en portant collectivement ces exigences. L'aide au développement européenne et bilatérale française, à la différence de l'aide humanitaire, est désormais clairement conditionnée au respect par les Talibans de ces principes et actuellement gelée. A court terme, la France et ses autres grands partenaires se mobilisent pour prévenir une catastrophe humanitaire de grande ampleur en Afghanistan. Lors de la conférence humanitaire organisée à Genève le 13 septembre 2021, la France a ainsi annoncé le déblocage d'une aide d'urgence de 100 millions d'euros, qui a depuis été entièrement décaissée et confiée, pour l'essentiel, à des agences onusiennes. Le 12 octobre dernier, lors du sommet extraordinaire du G20, la présidente de la Commission européenne a, par ailleurs, annoncé un paquet d'aide à l'Afghanistan à hauteur d'un milliard d'euros. La France sera vigilante à ce que l'aide bénéficie directement à la population afghane, en pleine conformité avec les critères agréés au niveau européen. C'est sur leurs actes, non leurs paroles, que la France jugera les Talibans. Elle restera particulièrement attentive au sort de la population afghane et aux conséquences, pour les pays voisins de l'Afghanistan, de la dégradation de la situation dans le pays.
Auteur : Mme Bérengère Poletti
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères
Ministère répondant : Europe et affaires étrangères
Dates :
Question publiée le 31 août 2021
Réponse publiée le 1er mars 2022