Filière bois
Question de :
M. Michel Larive
Ariège (2e circonscription) - La France insoumise
M. Michel Larive alerte M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur la pénurie et la flambée des prix dans la filière bois, mais surtout, sur les exportations massives de grumes des forêts françaises vers l'Asie. M. le député a en effet été sollicité par la Fédération nationale du bois (FNB), interloquée, comme plus de 9 000 signataires d'une pétition lancée mi-juin 2021 par les professionnels du secteur (scieries, menuisiers, artisans, fabricants de parquets...) et relayée à l'échelle européenne, par le laisser-faire des pouvoirs publics. Il s'agit pourtant, littéralement, d'une prédation de la ressource forestière française et européenne par des pays comme la Chine, a fortiori depuis que la présidence russe vient d'ordonner, avec raison, un embargo sur l'exportation des ressources sylvicoles de la Russie (70 % du bois russe était jusqu'à présent exporté vers la Chine). Dès lors, la filière bois française fait face, d'une part, à de profonds remous économiques, préjudiciables à terme pour son avenir. La fragilité de la filière ne date pas d'hier, puisque, malgré la présence de forêts sur un tiers du territoire (16,9 millions d'hectares, quatrième superficie européenne), la filière bois représente un déficit commercial de 7 milliards d'euros. 80 % du bois consommé en France est en effet importé. Mais, ces derniers mois, la hausse des prix du bois d'œuvre s'élève à + 130 % et de nombreux artisans sont contraints d'annuler des chantiers, faute de matière première à un prix correct. Ce, alors même que l'activité de construction et de rénovation de logement progresse de 11 % cette année. De plus, la FNB indique qu'un chêne sur trois récolté en France part en Chine sans aucune transformation ni valeur ajoutée sur le territoire français. La filière craint une augmentation des exportations vers la Chine dans un contexte de forte tension sur le marché de bois d'œuvre, conduisant à terme les scieries françaises à devoir brider leur production à 75 % de leur capacité. 90 % des scieries chêne manquent déjà d'approvisionnement. À cette gabegie économique s'ajoute, d'autre part, une aberration écologique. M. le ministre n'est pas sans savoir que le bois constitue une véritable pompe à carbone. Le chêne, par exemple, stocke 1,2 tonne de CO2 par mètre cube durant sa croissance. Or, lorsque l'arbre est transformé en Asie et non en France, le transport génère 1,3 tonne de CO2/m3, le solde est donc négatif. Dernier point : obnubilée par sa vision libre-échangiste, la Commission européenne indique attaquer la Russie à l'OMC pour lever l'embargo de cet État sur sa filière bois, mais ne semble aucunement se préoccuper de la crise actuelle sylvicole sur son sol. Or comme le déclare avec raison la FNB, « le temps économique et écologique n'est pas compatible avec le calendrier juridique de l'OMC ». Par conséquent, se joignant à la FNB, aux syndicats signataires de la pétition, ainsi qu'à l'ensemble de la filière bois, M. le député appelle donc urgemment M. le ministre à prendre les mesures qui s'imposent, visant à protéger l'industrie sylvicole française. Il semble crucial de sortir du carcan du libre-échange et du tout-marché et de mettre en place des mesures protectionnistes, type embargo. Il en va du soutien économique de toute une filière, de la durabilité environnementale, ainsi que de la souveraineté nationale. Il lui demande ses inetentions à ce sujet.
Réponse publiée le 1er février 2022
La demande nationale comme internationale en produits transformés à base de chêne est actuellement –et probablement durablement– bien orientée, soutenue par les plans de relance mis en œuvre au niveau national, européen ainsi qu'aux États-Unis, lesquels favorisent en particulier la reprise dans le secteur de la construction et de l'aménagement, constituant le principal débouché de la filière forêt-bois. À cet égard, le nombre de mises en chantier en France bondit : + 7,6 % par rapport aux trois mois précédents et + 5,7 % au cours des douze derniers mois. Parallèlement à l'organisation de la filière forêt-bois, le niveau des exportations de grumes de chêne français est reparti à la hausse, après une année 2020 marquée par la crise covid-19. Une hausse de + 16 % est observée sur les quatre premiers mois de l'année 2021, notamment à destination de la Chine (+ 29 %), pour in fine dépasser le volume moyen de grumes de chêne exporté de janvier à avril sur les dix dernières années, et dépasser le niveau exceptionnel d'export de grumes de chêne observée sur la période 2015-2019. Cette situation confirme donc le renforcement de ce mouvement de « fuite » de grumes de chêne qui s'est engagé depuis 2014. Ce flux important de la ressource nationale vers les pays tiers a appelé rapidement le Gouvernement à la vigilance et à mettre à l'étude les actions qu'il était possible d'entreprendre. Plusieurs réunions se sont tenues ces derniers mois, à l'initiative du ministère de l'agriculture et de l'alimentation ou au sein de l'interprofession, avec les représentants professionnels de la filière forêt-bois. Ces réunions ont permis de partager le diagnostic, de conforter le besoin de solidarité au sein de la filière et d'identifier les actions que chaque organisation professionnelle de l'amont pouvait conduire à son niveau pour répondre aux besoins exprimés par les entreprises de première transformation de bois. Ainsi, à l'issue d'une réunion en date du 21 juin 2021, un plan d'actions a pu être consolidé, sur la base des propositions des organisations professionnelles et des actions que l'État peut légalement entreprendre : - les initiatives favorisant la transformation industrielle du bois d'œuvre sur le territoire de l'Union européenne (UE) afin d'optimiser le bénéfice de son stockage de carbone continueront à être encouragées conformément à l'article 54 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Dans ce contexte, le principe du label UE des ventes de bois, qui donne la priorité aux acheteurs s'engageant à transformer ou faire transformer les bois dans l'UE, est plus que jamais nécessaire et va naturellement se poursuivre pour le chêne en forêts publiques. De leur côté, les organisations professionnelles de la forêt privée se sont engagées à expliquer cette modalité de vente aux propriétaires privés, et les experts forestiers de France ont organisé leur première vente nationale sous label UE le 13 juillet, opération qui a rencontré un franc succès et qui devrait être renouvelée dans les mois qui viennent ; - l'État a demandé à son opérateur, l'office national des forêts (ONF), d'amplifier ses efforts en matière de contractualisation, notamment du bois d'œuvre de chêne, sur la durée du contrat État-ONF 2021-2025 validé le 2 juillet par le conseil d'administration de l'ONF et d'augmenter, dans le respect des documents d'aménagement, le volume de bois mobilisé lorsque des difficultés d'approvisionnement sont identifiées ; - une mission vient également d'être confiée au conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux pour appuyer la filière dans un véritable développement de la contractualisation, qui apparaît comme le levier majeur, à termes pour sécuriser l'approvisionnement de ce secteur industriel ; - la Commission européenne a été saisie par les autorités françaises pour l'informer de la situation, dont il résulte une anomalie économique, patrimoniale et écologique, et l'inviter à étudier et prendre les mesures les plus appropriées au regard du droit européen, y compris en termes de restriction à l'exportation de grumes de chêne. Des mesures de sauvegarde au titre de sa compétence commerciale, devraient être étudier rapidement de façon à éviter une fuite non contrôlée des ressources forestières ; - les parlementaires avec le soutien du Gouvernement ont introduit dans le projet de loi climat et résilience une disposition visant à encadrer la profession d'exploitant forestier exportateur. Les services du ministère de l'agriculture et de l'alimentation ont engagé sans attendre l'élaboration du projet de décret qui contiendra les modalités de mise en œuvre de cette nouvelle disposition ; - enfin, l'interprofession forêt-bois se doit de consolider son observatoire du marché du bois pour gagner en compréhension et en réactivité face à des situations de crise comme celle actuellement. Des indicateurs plus réactifs ou portant sur l'état de stock dans les entreprises vont notamment être mis en place. La mise en œuvre de ce plan d'action va faire l'objet d'un suivi régulier notamment à l'approche des ventes d'automne, qui sont les ventes plus importantes de l'année pour le chêne. Par ailleurs, afin de répondre aux enjeux de souveraineté qui se posent au niveau de la filière forêt-bois, notamment dans le contexte climatique, le Gouvernement a décidé de lancer cet automne des assises de la forêt et du bois, organisées sous l'égide des ministères de l'agriculture, de l'industrie et de la transition écologique. Ces travaux devront aboutir à des propositions opérationnelles et engager toutes les parties d'ici quelques semaines. Son soutien aux efforts consentis par les professionnels de la filière va également être renforcé, à la condition qu'ils contribuent à décloisonner l'amont et l'aval de la filière. Ainsi 100 millions d'euros (M€) supplémentaires seront déployés dans le cadre de France Relance, en complément des 200 M€ d'euros déjà en place. Enfin, la filière forêt-bois bois sera concerné par le futur plan d'investissement « Pour bâtir la France de 2030 » annoncé par le Président de la République.
Auteur : M. Michel Larive
Type de question : Question écrite
Rubrique : Bois et forêts
Ministère interrogé : Économie, finances et relance
Ministère répondant : Agriculture et alimentation
Dates :
Question publiée le 21 septembre 2021
Réponse publiée le 1er février 2022