Reconnaissance et revalorisation des sages-femmes
Question de :
M. Fabien Di Filippo
Moselle (4e circonscription) - Les Républicains
M. Fabien Di Filippo alerte M. le ministre des solidarités et de la santé sur le malaise grandissant des sages-femmes, confrontées à la fois à un manque de reconnaissance de leur profession et à un manque de moyens au quotidien pour accomplir leur travail dans des conditions satisfaisantes. Alors qu'elles cherchent à faire entendre leur voix, à la fois pour elles-mêmes et pour toutes les femmes, enfants à naître et nouveau-nés, il est urgent d'écouter leur cri d'alarme et d'apporter enfin des réponses à la hauteur de leurs attentes. Les sages-femmes sont fatiguées de manifester sans que leurs revendications ne soient jamais entendues. Il convient tout d'abord de rappeler que le code de la santé publique reconnaît la profession de sage femme comme une profession médicale. Malgré cela, les sages-femmes ne sont pas reconnues comme telles, notamment au sein de la fonction publique hospitalière, ce qui constitue une véritable injustice. Ces hommes et ces femmes ont vu leurs compétences et leurs missions considérablement élargies ces dernières années, notamment en obstétrique-gynécologie-orthogénie-pédiatrie pour pallier le manque de médecins, sans obtenir pour autant des moyens à la mesure des besoins que nécessitent ces évolutions. Les rémunérations au sein de cette profession, notamment, sont trop basses compte tenu du niveau de responsabilité et de compétences, des actes pratiqués, ainsi que des cinq années d'études requises pour exercer. Il est urgent de répondre à ce manque de reconnaissance, qui entraîne également un manque de visibilité et d'attractivité de la profession, par des mesures fortes. À ces rémunérations trop basses s'ajoutent des contrats souvent précaires ; dans certaines maternités, plus de la moitié des sages-femmes sont contractuelles, des contrats qui peuvent durer des années malgré des postes vacants. De plus, les fermetures des lits et des petites maternités de proximité entraînent pour elles une surcharge de travail, des difficultés d'organisation et compliquent leur prise en charge des femmes, des couples, des bébés (1/3 des maternités en France ont fermé depuis 1975). En raison du manque de personnel dans de nombreuses structures, des sages-femmes se retrouvent parfois seules dans les urgences d'un service de maternité, à gérer cinq à dix femmes ou couples, aux problèmes de santé et profils variés. Le Collège national des gynécologues et obstétriciens de France (CNGOF) lui-même se déclare « très inquiet de la situation dans laquelle se trouvent déjà nombre de maternités publiques ou privées » en France, structures dans lesquelles les « sages-femmes jouent un rôle fondamental » et alerte sur le fait qu'« il est urgent de rendre les carrières hospitalières des sages-femmes plus attractives » car « il en va de la santé des femmes et des nouveau-nés du pays ». Certaines situations nécessitent une surveillance accrue ou une réaction en urgence, d'autres nécessitent du temps et de l'empathie (fausse couche) : c'est la santé et les bien-être des patients qui est en jeu. De nombreuses sage-femmes réclament ainsi une augmentation des effectifs dans les maternités, afin d'offrir un accompagnement de qualité aux femmes enceintes, à la hauteur des enjeux de santé physique et psychique entourant une grossesse ou l'arrivée d'un bébé. Les revendications des sage-femmes vont en effet bien au-delà de leur intérêt personnel. À ce jour, 1,6 million de femmes âgées de 15 à 49 ans résident dans une commune sous-dense en sages-femmes, 968 000 femmes vivent à 45 minutes ou plus de la maternité la plus proche et 167 000 femmes en âge de procréer rencontrent ces deux difficultés dans le domaine de la grossesse et de l'accouchement, vivant ainsi dans ce que l'on peut appeler un désert obstétrical. Une proportion qui passe à 5,4 % de la population si le seuil d'éloignement est raccourci à 30 minutes. Or ce cumul d'une faible accessibilité aux unes (les sages-femmes) et d'un éloignement aux autres (les maternités) peut entraîner des difficultés de suivi de grossesse extrêmement préjudiciables. À l'heure où les inégalités sociales et territoriales de la santé se creusent et où l'attractivité des métiers du soin se complique, la situation des sages-femmes est préoccupante et constitue un enjeu majeur de santé publique et de démographie. Il est urgent de reconnaître la place essentielle qui est la leur dans le système de soin et de leur donner les moyens d'exercer au plus près des besoins des femmes et des familles. Il lui demande donc quelles mesures le Gouvernement entend prendre en matière de reconnaissance et de revalorisation de ces personnels, dont les missions au quotidien sont d'une utilité sociale primordiale pour toute la société française.
Réponse publiée le 18 janvier 2022
Le ministre des solidarités et de la santé a pleinement connaissance du rôle joué par l'ensemble des sages-femmes et par leur engagement auprès des patientes durant la crise sanitaire et pour leur rôle déterminant dans la vaccination. Il souhaite rappeler que cette profession médicale est bien sûr concernée par les Accords du Ségur de la Santé signés en juillet 2020 pour marquer concrètement la reconnaissance de la nation envers la mobilisation exemplaire des soignants durant la crise sanitaire. Les sages-femmes hospitalières ont bénéficié dès décembre 2020 de la revalorisation socle (CTI) de 183 € nets mensuels et sont éligibles à la rémunération liée à l'engagement collectif dans des projets d'amélioration des pratiques, de qualité et sécurité des soins qui leur permettront de percevoir une prime allant jusqu'à 100 euros nets mensuels en moyenne. Conscient que la profession de sage-femme doit être reconnue à sa juste valeur au sein de notre système de santé, le ministre avait missionné l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) pour analyser la situation et formuler des recommandations sur les missions de la profession qui ont beaucoup évolué récemment, le statut hospitalier et la formation en maïeutique. A la suite de ce rapport remis en juillet 2021, le ministre a repris un dialogue nourri avec les représentants de la profession. Les discussions ont abouti à un accord global et à la signature le 22 novembre, avec une majorité d'organisations syndicales représentatives (FO, CFDT, UNSA) et la Fédération hospitalière de France (FHF) d'un protocole pour les sages-femmes de la fonction publique. Dans ce cadre, plusieurs mesures ont été actées qui consacrent des avancées importantes pour la profession : - Une revalorisation de 500 euros nets mensuels pour les sages-femmes hospitalières comprenant : 183€ de complément de traitement indiciaire, 78€ de revalorisation de la grille indiciaire qui va être mise en place et prendra effet en mars 2022. Cette grille sera transposée dans la fonction publique territoriale, 240€ de prime d'exercice médical à compter de février 2022, qui reconnait ainsi la spécificité de la profession et traduit la création d'une filière médicale dans la FPH. Cette prime sera également versée aux sages-femmes contractuelles. Ces revalorisations seront transposées dans le secteur privé lucratif et non lucratif. - La prolongation du doublement du taux de promu-promouvables dans la fonction publique hospitalière sur la période 2022-2024, soit un taux porté à 22 %. - La publication d'une instruction sur les principaux enjeux relevés par la profession concernant les modalités organisationnelles et de travail à l'hôpital (développement de la filière médicale dans la fonction publique hospitalière, gestion RH par les directions des affaires médicales, accès à la formation continue, rôle et place des coordonnateurs en maïeutique, incitation au développement des unités physiologiques dans les maternités…). Au-delà des termes de cet accord, le Gouvernement a pris plusieurs engagements : - La création d'une 6ème année de formation en maïeutique qui s'appliquera dès la promotion 2022/2023. Les modalités opérationnelles seront définies par une mission flash « IGAS-IGESR » (Inspection générale de l'enseignement supérieur et de la recherche) qui rendra ses conclusions au premier trimestre 2022. - Pour le secteur libéral, la finalisation de la discussion sur l'avenant conventionnel n° 5 entre la Caisse nationale d'assurance maladie et les syndicats professionnels, incluant l'entretien post natal précoce, signé le 17 décembre 2021. - La publication d'ici la fin de l'année des décrets concernant les maisons de naissance, la mise en place de la sage-femme référente ainsi que l'expérimentation par les sages-femmes d'IVG instrumentale dans un cadre hospitalier. Le décret n° 2021-1526 relatif aux maisons de naissance a été publié au Journal officiel du 27 novembre. Ces mesures représentent un engagement du Gouvernement de 100 M€ pour 2022. Elles marquent la reconnaissance de l'engagement, des missions spécifiques des sages-femmes et de leur statut de profession médicale.
Auteur : M. Fabien Di Filippo
Type de question : Question écrite
Rubrique : Professions de santé
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Dates :
Question publiée le 12 octobre 2021
Réponse publiée le 18 janvier 2022