Question au Gouvernement n° 1115 :
commission d'enquête parlementaire

15e Législature

Question de : Mme Valérie Rabault
Tarn-et-Garonne (1re circonscription) - Nouvelle Gauche

Question posée en séance, et publiée le 25 juillet 2018


COMMISSION D'ENQUÊTE PARLEMENTAIRE

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault.

Mme Valérie Rabault. Monsieur le Premier ministre, en l'espace d'une semaine, les Français et nous-mêmes avons appris l'existence de M. Benalla, conseiller du Président de la République qui s'est fait passer pour un policier pour frapper un homme à terre.

M. Pierre Cordier. Très bien ! C'est la réalité !

Mme Valérie Rabault. Depuis une semaine, presque chaque heure a été marquée par de nouvelles révélations, dont certaines laissent entendre que ces faits très graves ont été couverts au plus haut niveau de l'État.

M. Jean-Louis Masson. Elle a raison !

Mme Valérie Rabault. Notre assemblée n'a pas vocation à se substituer à la justice, mais il est de sa responsabilité absolue d'assurer que nos institutions fonctionnent parfaitement, sans passe-droit ni traitement de faveur. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et LR. – M. Pierre Dharréville applaudit également, ainsi que Mme Emmanuelle Ménard.) C'est pourquoi je remercie le président de Rugy d'avoir fini par accepter le levier juridique proposé par les députés socialistes et apparentés pour que la commission d'enquête soit créée immédiatement – sans quoi elle n'aurait pas pu voir le jour avant le mois d'octobre.

M. Pierre Cordier. Très bien, président !

Mme Valérie Rabault. Depuis hier, nous assistons aux auditions. Nous découvrons que le ministre de l'intérieur dit ne rien savoir. Nous sommes rassurés de voir que les préfets et directeurs d'administration centrale ont le souci scrupuleux de mettre en œuvre avec rigueur les lois de la République. Nous constatons par ricochet que les passe-droits permettant de contourner les règles de notre République semblent avoir été accordés depuis l'Élysée : manquement à l'article 40 du code de procédure pénale, dérogation aux règles de déontologie, usurpation d'insignes.

M. Pierre Cordier. Et lieutenant-colonel, en plus !

Mme Valérie Rabault. Monsieur le Premier ministre, vous êtes chef d'une majorité qui veut avoir pour mot d'ordre l'exemplarité. Or l'exemplarité suppose aussi de gérer les problèmes lorsqu'ils surviennent. Seriez-vous donc d'accord – c'est ma seule question – pour que tous les membres concernés du cabinet du président Macron – M. Kohler, M. Benalla, et j'en passe – rendent des comptes, ici, devant la commission d'enquête de l'Assemblée nationale ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.) Vous engagez-vous à soutenir cette demande ?

M. Pierre Cordier. Bonne idée !

Mme Valérie Rabault. Monsieur le Premier ministre, « pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir », disait Montesquieu, « il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ». Soyez donc ce pouvoir qui arrête l'abus de pouvoir, faute de quoi vous serez tenu pour responsable. (Applaudissements sur les bancs des groupes NG, FI et LR.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Madame la présidente Rabault, vous indiquez que, dans les événements que vous mentionnez et dans les réactions qui ont suivi leur révélation, il aurait pu y avoir une volonté de masquer ou de ne pas prendre de décision. C'est faux, madame la présidente. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

M. Éric Straumann. Ça, c'est démontré ! Ce n'est même plus le sujet !

M. Pierre Cordier. Heureusement que vous ne parlez pas sous serment !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. C'est entièrement faux, et vous le savez très bien.

M. Pierre Cordier. Serment d'hypocrite !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. D'abord, dès que ce comportement a été connu, une sanction a été prise. Une sanction a été prise,…

M. David Habib. Mais pas effectuée !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. …et elle a été effective. (Protestations sur les bancs du groupe LR.)

M. Thibault Bazin. Entre copains !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. C'est la première chose que je veux vous dire. Lorsqu'il est apparu que le comportement d'un certain nombre de policiers semblait constituer une violation de la loi,…

M. Christian Jacob. Ça va être la faute de la police !

M. Éric Straumann. Allez hop, les lampistes !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. …les mesures appropriées de suspension et de signalement ont été prises. Autrement dit, toutes les réactions ont eu lieu lorsque les faits ont été connus. (Protestations sur les bancs du groupe NG.)

M. Olivier Faure. Le 2 mai ?

M. Laurent Furst. Pinocchio !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Vous pouvez parfaitement, madame la présidente, contester leur proportionnalité ; mais la vérité vous oblige à reconnaître que rien n'a été masqué ni omis. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs du groupe LR.)

M. Olivier Faure. Tout a été masqué !

Plusieurs députés du groupe LR . 2 mai ! 2 mai !

M. Pierre Cordier, M. David Habib et M. Régis Juanico . Pendant deux mois, on n'a rien su !

M. Michel Herbillon. Il y a eu une erreur de jugement !

M. Thibault Bazin. Il nous prend pour des cons !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. La seconde chose que je veux vous dire, c'est que la demande que vous m'adressez, à moi, Premier ministre, chef du Gouvernement, est bien curieuse. Au fond, vous êtes en train, vous, parlementaire, soucieuse des droits du Parlement, de demander au chef du Gouvernement de dresser la liste de ceux qui devraient être entendus par la commission d'enquête parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs du groupe NG.)

Mme Valérie Rabault. Non, de l'accepter !

M. Olivier Faure. Zéro !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Il y a là une confusion de l'esprit, madame la présidente, qui me surprend venant de vous, car je vous sais attachée au principe constitutionnel de séparation des pouvoirs et rigoureuse intellectuellement.

M. David Habib. Qui protégez-vous ?

M. Edouard Philippe, Premier ministre. La commission des lois s'est donné les moyens d'être la commission d'enquête. Il lui appartiendra de procéder, selon l'objet et dans le temps qu'elle a définis, aux auditions qu'elle souhaitera obtenir dans ce cadre.

M. Claude Goasguen. Donc avec votre accord ?

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Je n'ai rien d'autre à ajouter s'agissant de la liste de ceux qui seront auditionnés.

Et si moi, Premier ministre, je me prononçais sur cette question, qu'arriverait-il, madame la présidente ? Vous nous diriez, peut-être à juste titre, que je m'immisce dans le fonctionnement de la commission parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM.)

M. Éric Straumann. Il est honnête !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Voilà pourquoi, madame la présidente, j'ai, probablement comme vous, toute confiance en la commission des lois. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

Données clés

Auteur : Mme Valérie Rabault

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Parlement

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 juillet 2018

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