affaire Benalla
Question de :
M. Jean-Luc Mélenchon
Bouches-du-Rhône (4e circonscription) - La France insoumise
Question posée en séance, et publiée le 25 juillet 2018
AFFAIRE BENALLA
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour le groupe La France insoumise.
M. Jean-Luc Mélenchon. Chers collègues, le peuple qui suit nos travaux depuis plusieurs jours a, j'en suis certain, bien vu qu'il n'avait pas de meilleur défenseur de ses droits démocratiques que nous tous, les députés.
Plusieurs députés des groupes LR et UDI . Bravo !
M. Jean-Luc Mélenchon. Nous travaillons en effet ici en pleine lumière, les uns sous le contrôle vigilant des autres. C'est pourquoi je suis certain que si, le moment venu, on lui demande son avis, il préférera toujours une République parlementaire à l'obscurité d'un monarque. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI, GDR et LR.)
Vous avez dit, monsieur le Premier ministre, que l'opposition ne cherchait pas la vérité, mais la crise. Or, la crise est là, mais la vérité se dérobe.
Un député du groupe LaREM . C'est vous qui le dites !
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est la raison pour laquelle nous demandons l'audition devant la commission d'enquête du seul qui la connaisse tout entière : le Président de la République, Emmanuel Macron. Il en a la possibilité.
Je m'adresse à vous, monsieur le Premier ministre : que refusiez-vous d'assumer lorsque, pendant cinq jours, vos députés ont été abandonnés et l'opposition a été méprisée ? (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)
Elle l'a été lorsqu'elle vous demandait – au titre de l'article 50-1 de la Constitution, ou à n'importe quel autre titre – de venir devant elle et que vous avez préféré, vous, le Tour de France, et votre secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, la buvette et les couloirs du Parlement. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI, GDR et sur quelques bancs du groupe LR.)
M. Éric Straumann. Est-ce vrai ?
M. Jean-Luc Mélenchon. Que cherchiez-vous à cacher ? Maintenant, avez-vous compris, monsieur le Premier ministre, qu'il n'y a pas de pérennité ni de légitimité pour l'État républicain quand les ministres se défaussent, sur les fonctionnaires qui les exécutent, des ordres qu'ils donnent ?
M. Patrick Hetzel. Très bien !
M. François Cormier-Bouligeon. Vous n'êtes pas juge !
M. Jean-Luc Mélenchon. Il n'y a pas, dans ces conditions, d'État républicain. Alors, puisque les choses sont avérées, monsieur le Premier ministre, quelles mesures et quelles sanctions politiques comptez-vous prendre autour de vous pour que la vertu soit rétablie dans l'État ? (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR et sur quelques bancs des groupes LR et UDI-Agir.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Mélenchon, la vertu dans l'État, sujet passionnant !
Mme Émilie Bonnivard. Où est-elle ?
M. Edouard Philippe, Premier ministre . Il a en effet une profondeur historique exceptionnelle, une charge morale très forte ainsi qu'une portée opérationnelle non négligeable. Jusqu'où est-on allé, en effet, monsieur le président Mélenchon, au nom de la vertu dans l'État ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Bien sûr, il existait la vertu grecque, ou plutôt, que dis-je, la vertu romaine – le ministre d'État, ministre de l'intérieur, va me corriger sur ce point.
M. Meyer Habib. Il ne le fait pas : il ne sait pas. (Sourires.)
M. Edouard Philippe, Premier ministre. La vertu romaine, la virtus, était une composante essentielle de la République. Vous savez cependant comme moi que la démocratie s'est trouvée fortifiée et raffermie lorsqu'elle ne s'est plus posé la question de la vertu, mais celle du respect du droit et de la procédure (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM), lorsqu'elle a exclu cette dimension de son fonctionnement.
Vous savez bien, monsieur le président Mélenchon, que c'est de cette façon que les démocraties sont devenues réelles, alors même qu'auparavant, quand on disait que la vertu les dirigeait, elles n'étaient que proclamées – même si elles étaient parfois populaires.
M. Christian Jacob. Pourquoi n'êtes-vous pas venu en cinq jours ? C'est ça, la question.
M. Edouard Philippe, Premier ministre . Au-delà de cette interpellation sur la vertu, vous m'avez posé deux questions. Tout d'abord, vous affirmez que la République parlementaire serait toujours infiniment préférable à la monarchie : vous avez raison, bien entendu. Nous sommes d'accord. Je me permets de vous le confirmer : nous vivons dans une République parlementaire, car le système institutionnel de la Ve République est un système parlementaire qui comporte un Président fort, c'est vrai, même si ce n'est pas nouveau, puisque cela a commencé en 1958.
M. Aurélien Pradié. C'est le chef d'orchestre du Titanic !
M. Edouard Philippe, Premier ministre . À l'époque, monsieur le président Mélenchon, vous étiez contre l'esprit de notre Constitution, puis, en 1981, vous étiez pour, parce que les circonstances étaient différentes. Et, de nouveau, aujourd'hui, vous êtes contre : c'est votre droit le plus strict. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – Plusieurs députés du groupe LaREM se lèvent.)
Moi, je considère que le régime de la Ve République est un bon régime, et qu'une République dans laquelle le Gouvernement est responsable devant le Parlement, et dans laquelle le Président de la République détient un pouvoir fort, fixe le cap, assure le rôle de chef des armées et définit la politique étrangère est une République au régime juste et bon.
Je ne veux pas le transformer en une VIe République que, je le sais, vous appelez de vos vœux. Vous assumez cette volonté, qui est tout à fait respectable, et que, pour ma part, en tout cas, je respecte.
Mais nous ne sommes pas d'accord, car je ne pense pas que les échanges de ces derniers jours nous placent en dehors de cette République parlementaire à laquelle vous avez rendu hommage.
Le premier à s'être exprimé publiquement dans cette affaire, c'est moi, jeudi dernier, au Sénat, devant les sénateurs, lors des questions au Gouvernement.
Mme Danièle Obono. Et le Tour de France ?
M. Edouard Philippe, Premier ministre . Vous pouvez faire la liste de toutes les déclarations : jeudi à quinze heures, j'y ai pris la parole lors des questions au Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Aurélien Pradié. Et le 3 mai, vous saviez ?
M. Edouard Philippe, Premier ministre. C'est comme cela. Pour le reste, je me tiens aujourd'hui devant vous et j'essaye de répondre à toutes vos questions, qui sont nombreuses – et c'est très bien ainsi. En outre, les procédures se déroulent.
Mme Danièle Obono. Grâce à nous !
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Vous m'interrogez sur les décisions qui seront prises : tirer les conséquences de procédures qui ne sont même pas terminées me paraît une mauvaise méthode.
Comptez néanmoins sur moi, monsieur le président Mélenchon, pour prendre les décisions qui s'imposeront lorsque je disposerai de l'ensemble des éléments nécessaires. Comptez sur moi. (Mmes et MM. les députés des groupes LaREM et MODEM se lèvent et applaudissent vivement.)
Auteur : M. Jean-Luc Mélenchon
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Ordre public
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 juillet 2018