politique fiscale
Question de :
Mme Valérie Rabault
Tarn-et-Garonne (1re circonscription) - Socialistes et apparentés
Question posée en séance, et publiée le 24 octobre 2018
POLITIQUE FISCALE
M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault, pour le groupe Socialistes et apparentés.
Mme Valérie Rabault. Monsieur le Premier ministre, « il n'y a pas de cohésion là où il y a exclusion ». Cette phrase a été prononcée par François Mitterrand en 1988. Trente ans après, nous pourrions dire : il n'y a pas de cohésion là où vous faites de grands perdants.
Ma question porte sur les perdants de votre politique fiscale.
M. Fabien Di Filippo. Il y en a beaucoup.
Mme Valérie Rabault. Je veux parler, bien entendu, des 14 millions de retraités français, dont vous ne revalorisez pratiquement pas la pension en 2019, alors même que l'inflation est de 2 %.
M. Régis Juanico. C'est scandaleux !
Mme Valérie Rabault. Pour 8 millions de retraités, la hausse de la CSG, combinée à cette absence de revalorisation de leur pension, équivaut à une perte de pouvoir d'achat d'un demi-mois de retraite sur l'année 2019. C'est du jamais-vu dans notre pays.
M. Pierre Cordier. C'est un scandale !
Mme Valérie Rabault. Vous faites les poches des Français qui sont contraints de prendre leur véhicule, soit parce qu'ils habitent à la campagne, soit parce qu'ils n'ont pas accès aux transports en commun. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LR.) En 2022, une famille composée de deux parents et de deux enfants paiera 576 euros de taxes en plus par rapport à 2017.
M. Fabien Roussel. Eh oui !
M. Erwan Balanant. C'est Poujade qui parle ?
Mme Valérie Rabault. Vous prélevez ainsi 55 milliards d'euros de plus sur les ménages et les entreprises françaises,…
M. Fabien Di Filippo. C'est honteux !
Mme Valérie Rabault. …et vous n'en consacrez qu'un cinquième à la transition énergétique.
Vous allez me parler de la baisse de la taxe d'habitation. Je vous dirai qu'elle n'est pas immédiate, qu'elle ne couvre pas toutes les hausses et, surtout, que sa répartition est injuste : les grands perdants seront une fois de plus ceux qui n'habitent pas dans les centres-villes.
Vous allez me parler aussi du reste à charge zéro. Certes, mais en contrepartie, les Français paieront en moyenne 200 euros de plus en raison de l'augmentation du prix des mutuelles. (« Eh oui ! » sur les bancs des groupes SOC et GDR.)
Monsieur le Premier ministre, la France est grande quand elle est unie, quand sa cohésion est assurée. Comment allez-vous réduire ces fractures territoriales et entre Français que vous êtes en train de créer ? Nous vous avons adressé des propositions à ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Vous m'avez interrogé, madame la présidente, sur l'évolution du pouvoir d'achat et sur celle de la fiscalité, en mettant l'accent sur les mesures proposées par le Gouvernement et adoptées par l'Assemblée nationale, qui tendent effectivement à transformer notre modèle fiscal. Nous assumons nos partis pris.
Mme Laurence Dumont. En faveur des riches !
M. Edouard Philippe, Premier ministre. S'agissant de la fiscalité des carburants, vous avez estimé que nos mesures étaient le signe d'un désintérêt à l'égard des plus fragiles et de ceux qui vivent loin des centres-villes.
Vous avez, madame la présidente, une parfaite connaissance des questions budgétaires et fiscales. Vous avez étudié ces sujets et participé à la définition des trajectoires fiscales qui ont prévalu pendant les cinq années du mandat précédent. Vous les avez d'ailleurs assumées, en produisant des rapports qui justifiaient notamment l'augmentation de ce qu'on définit parfois comme la « fiscalité écologique ». (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)
M. Olivier Faure. Pas de cette manière !
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Nous prenons nos responsabilités, madame la présidente. Nous avons indiqué très tôt que si nous voulions transformer notre modèle, mettre en place la transition que de nombreux Français attendent, progresser vers l'économie « décarbonée »,…
M. Olivier Faure. Ce n'est pas ce que vous faites !
M. Guillaume Garot. Faites-le, justement !
M. Edouard Philippe, Premier ministre . …il fallait envoyer un signal-prix ; nous devions déterminer une trajectoire carbone et l'afficher ; celle-ci devait même être – et vous le savez parfaitement, madame la présidente – visible, prévisible et irréversible.
M. Luc Carvounas. Ce n'est pas la question !
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Lorsque des voix et des consciences se lèvent pour affirmer que c'est à cette condition que nous allons décarboner l'économie, tout le monde est d'accord, singulièrement dans vos rangs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) Or, lorsque l'on applique ces bons et beaux principes et que l'on entre dans le détail, on se rend compte que les choses sont plus difficiles à assumer.
Oui, madame la présidente, nous voulons faire en sorte que l'utilisation constante et croissante du fioul ou du pétrole soit…
Plusieurs députés du groupe LR . Soit ?
M. Edouard Philippe, Premier ministre. …moins simple.
M. Pierre Cordier. Cela a été dur à dire !
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Nous voulons faire en sorte que l'augmentation du prix du pétrole soit prévisible.
M. Laurent Furst. Ce sont surtout les recettes qui sont prévisibles !
M. Edouard Philippe, Premier ministre. L'augmentation du prix que nous connaissons actuellement résulte pour 70 à 75 % de celle de la matière première, et pour 20 à 25 % de celle de la taxe carbone que le Gouvernement a mise en œuvre. Nous assumons ces décisions. Nous devons aller dans cette direction. Pour ce faire, nous devons accompagner les plus fragiles, qui subissent évidemment les prix et le coût.
C'est ce que fait cette majorité (« Non ! » sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe LR) lorsqu'elle développe la prime à la conversion.
Vous le savez parfaitement, madame la présidente : si l'on veut accompagner cette transition, il faut prendre à la fois les mesures courageuses que nous adoptons en matière de prix et les mesures d'accompagnement contenues dans le projet de loi de finances pour 2019, qui seront mises en œuvre progressivement grâce à l'appui de la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Pierre Cordier. Pas du tout !
M. Edouard Philippe, Premier ministre . C'est ce que fait cette majorité lorsqu'elle augmente le chèque-énergie. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) C'est ce que cette majorité fera encore lorsqu'elle mettra en place, dans le cadre de la loi d'orientation des mobilités, les instruments qui permettront le développement des transports collectifs, y compris dans les intercommunalités où il n'existe pas d'autorité organisatrice de transports.
Auteur : Mme Valérie Rabault
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Impôts et taxes
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 24 octobre 2018