Question au Gouvernement n° 1291 :
Cloud et libertés publiques

15e Législature

Question de : M. Philippe Latombe
Vendée (1re circonscription) - Mouvement Démocrate et apparentés

Question posée en séance, et publiée le 24 octobre 2018


CLOUD ET LIBERTÉS PUBLIQUES

M. le président. La parole est à M. Philippe Latombe, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés.

M. Philippe Latombe. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d’État chargé du numérique, Mounir Majhoubi. Elle porte sur le Cloud act, le fameux Clarifying lawful overseas use of data act, ce cavalier législatif américain subrepticement glissé au milieu de plus de deux mille pages de la loi sur les dépenses de 2018, voté sans débat au Congrès américain et paraphé par Donald Trump.

Ce texte permet aux autorités américaines d'exiger des prestataires de services et des opérateurs numériques américains qu'ils livrent les informations personnelles de leurs utilisateurs, sans en informer ces derniers ni devoir passer par les tribunaux, même lorsque lesdites données sont stockées hors du territoire américain.

Après les sanctions économiques américaines envers les entreprises européennes, consécutives au retrait des États-Unis de l'accord sur le nucléaire iranien, voilà un autre exemple d'extraterritorialité juridique d'un seul pays sur le reste du monde.

Il s'agit d'un sujet très grave, qui met en danger les libertés individuelles, menace les industries, à travers le risque d'espionnage industriel, donc notre souveraineté nationale.

Nous ne pouvons pas accepter une telle immixtion d'un État étranger, fût-il le plus puissant, dans nos affaires. Si l'Europe a un sens, elle doit se saisir rapidement de ce dossier et mettre en place les mesures nécessaires à la défense de nos intérêts.

C'est pourquoi ma question aurait tout autant pu s'adresser à la garde des sceaux, au ministre de l'économie, au ministre des affaires étrangères ou au Premier ministre. Aussi, je nous interroge collectivement : comment la France, dans le cadre de ses relations directes avec les États-Unis, notamment à l'occasion de la visite du président Trump, le 11 novembre prochain, peut-elle jouer un rôle moteur au sein de l'Union européenne pour faire en sorte que le règlement général sur la protection des données – RGPD – soit effectivement protecteur, protecteur de nos libertés, de nos identités, et pour que le désordre numérique ne vienne pas ajouter au désordre du monde ? (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.– M. Olivier Becht applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du numérique.

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État chargé du numérique. Monsieur le député, vous avez raison. Le Cloud Act est passé assez rapidement au Congrès, le 23 mars 2018. Ce texte porte à la fois sur les données et sur les contenus de toutes les entreprises américaines et de leurs filiales, où qu'elles soient situées dans le monde. Concrètement, il a une portée extraterritoriale et pourrait s'appliquer à tous les citoyens français et à toutes les PME françaises qui stockeraient leurs données chez un prestataire américain, y compris sur le territoire français.

Pourquoi cela pose-t-il problème ? Parce que nous avons avec ce pays de nombreux textes qui régissent les rapports et les protections des lois, notamment le Privacy Shield, accord entre les États-Unis et l'Europe réévalué la semaine dernière. Lors de cette réévaluation, la France a demandé à la Commission de mettre ce sujet à l'ordre du jour. Nous aurons des échanges, que nous pourrons rendre publics, durant les prochaines semaines.

Le deuxième texte avec lequel le Cloud Act pose un très grand problème, vous l'avez abordé, est le RGPD, entré en vigueur en mai 2018. Grâce à ce texte, aucune limitation ne peut être portée à la protection des données personnelles des Européens, même par un texte étranger. Toute limitation qu'une société serait tentée d'apporter à la protection des données personnelles pourrait entraîner pour une société donnée une sanction allant jusqu'à 4 % de son chiffre d'affaires, soit 1,5 milliard d'euros.

Vous le voyez : dans cette partie, nous jouons à poids égal avec les Américains. Depuis plusieurs mois, nous avons organisé un travail interministériel et interétatique avec les autres pays de l'Union concernés par ce sujet, afin de peser. Sachez qu'en la matière, nous ne subissons pas. La France, leader sur ce sujet, porte le poids et la voix de l'Europe. Je serai amené, avec le ministre des affaires étrangères, à en rendre compte dans les prochaines semaines. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.)

Données clés

Auteur : M. Philippe Latombe

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Droits fondamentaux

Ministère interrogé : Numérique

Ministère répondant : Numérique

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 24 octobre 2018

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